Tandis que Marc Fumaroli expose que « l'Histoire est un procès dont la postérité seule pourra donner la conclusion définitive », les auteurs de la vie littéraire au Québec relèvent que « la plupart des textes répertoriés sont l'occasion pour leurs auteurs de remonter dans leur passé, plus ou moins récent, et de le revivre par la mémoire, ou de faire le point sur quelques événements marquants ».
Dans le même ordre d'idées, il semble que Philippe Aubert de Gaspé, dans ses Mémoires, se charge de colliger les preuves pour un éventuel procès. On peut s'interroger : pourquoi, au chapitre V, s'attache-t-il à vouloir réhabiliter M. de Repentigny ? Nous tendons à penser que, si l'auteur réhabilite effectivement M. de Repentigny, il le fait pour redorer le blason de la classe nobiliaire et du peuple canadien-français. En effet, revendiquée dès l'épigraphe, une révolte devant l'injustice, provoquée par la culpabilité de la victime et les calomnies anglaises, semble animer la plume de Philippe Aubert de Gaspé. Parallèlement, il rédige ses Mémoires pour illustrer la bravoure et la noblesse des Canadiens d'autrefois, de même que la perfidie de la bourgeoisie anglaise.
[...] Culpabilité de la victime Par ailleurs, Philippe Aubert de Gaspé présente une vision très manichéenne du conflit qui opposait M. de Repentigny à Philibert. Ainsi, il s'acharne à prouver la culpabilité de la victime, observant que Philibert était un homme querelleur et violent[12]». À propos du meurtre, il dira que ce malheureux événement, [ ] n'était qu'un homicide justifiable, commis dans un premier mouvement de colère, laquelle est plus terrible encore chez les personnes douces et patientes que chez les autres[13]». [...]
[...] Réhabilitation de la classe nobiliaire La rhétorique de Philippe Aubert de Gaspé est grande et il semble procéder, dans le cinquième chapitre des Mémoires, par synecdoque. En effet, il paraît vouloir inscrire l'opération de rétablissement de la réputation de M. de Repentigny dans une visée plus large, celle de la classe nobiliaire. Claude La Charité et Marc André Bernier, dans leur «Présentation» des Mémoires, observent que l'ouverture du chapitre V [ ] est emblématique de cette défense de la noblesse canadienne[4]». [...]
[...] Dans l'épigramme, Philippe Aubert de Gaspé programme sa défense de M. de Repentigny et des Canadiens français, victimes d'injustice. Il profite aussi de l'occasion qui lui est donnée de s'exprimer pour illustrer la noblesse des officiers français et des Jean- Baptiste, antithèse des travers des Canadiens anglais. Il pourrait être intéressant de faire suivre ce travail d'une analyse de la rhétorique de la justification de Philippe Aubert de Gaspé. En effet, pour ne pas être pris en faute, il multiplie les références à des autorités extérieures et se pose comme un simple spectateur des faits : «comme j'ai eu occasion souvent de l'observer» (p. [...]
[...] Réhabilitation du peuple canadien français En définitive, Philippe Aubert de Gaspé est un homme qui ne craint pas le paradoxe. Ainsi, s'il reproche au peuple canadien de s'en prendre à la classe nobiliaire, il croit aussi qu'ils ont été les victimes de mauvais conseil. Malgré leurs erreurs, il les prend en pitié et, si l'on en croit Gilles Marcotte, ce n'est pas seulement un homme qu'il s'agit de réhabiliter [ ] c'est tout un peuple, fautif parce que vaincu[9]». De la sorte, dans le chapitre Philippe Aubert de Gaspé se charge de dresser un portrait élogieux de Jean-Baptiste[10], figure allégorique du peuple canadien français. [...]
[...] Par ailleurs, ils altèrent les qualités des francophones ; ainsi, à l'image des femmes des conquérants, les «Canadiennes ne se passent guère plus maintenant de leurs chères hystéries que de leurs infusions de feuilles de thé[25]». Finalement, l'auteur leur donne des capacités cérébrales inférieures à celles des Canadiens français : tel est pris qui croyait prendre, Jean-Baptiste s'empare du casque de martre. Conclusion Nous nous sommes penchés sur les motivations de Philippe Aubert de Gaspé qui, au chapitre V de ses Mémoires, s'attache à vouloir réhabiliter M. de Repentigny. [...]
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