Mai 1789. Les Etats généraux se réunissent à Versailles. Les trois ordres défilent cérémonieusement. Le second ordre brille. Si brillante qu'elle paraisse encore, la noblesse aujourd'hui encore première à la parade, sent déjà flotter sur sa nuque le vent de la déroute. Elle est devenue une minorité marginale, un groupe passionnel.
Certes le second ordre continue à exercer une attirance irrésistible et constitue pour de larges fractions de l'opinion le modèle de référence unique. Il impose son code, l'honneur, son rituel, la politesse, son style, son comportement et genre de vie. La noblesse reste l'ambition suprême des bourgeoisies résolument élitistes. Mais, en même temps qu'elle provoque un mimétisme social, la noblesse suscite l'envie puis l'hostilité, la frustration, retournant contre elle ses propres arguments, le tiers état adopte à son égard une attitude raciste. La noblesse a cherché le bâton pour se faire battre. En puisant dans la race et l'histoire des justifications à ses privilèges, elle cessait de s'identifier à la Nation et rendait inéluctable la réaction de rejet dont elle devait être la victime.
Il aura suffi d'un demi-siècle, centré autour du règne de Louis XIV, pour qu'avec le développement du phénomène de cour, la centralisation et le déracinement nobiliaire entrainent une coupure avec le reste de la Nation. La noblesse se heurtera à une volonté d'exclusion.
La noblesse réunit cette synthèse paradoxale d'être à la fois l'élite officielle du royaume, et un corps réprouvé, comme une excroissance parasitaire. En dépôt d'efforts méritoires en 1789 pour se confondre et s'identifier à la Nation, elle n'a pu renverser le courant qui tendait à l'éliminer.
Pourtant, la noblesse ne s'est jamais isolée des couches du tiers état. En France, on n'est jamais définitivement dans ou hors de la noblesse. Celle-ci est une noblesse nationale. Elle intègre, certes, des noblesses étrangères, mais pour en faire aussitôt des régnicoles. On trouve aussi la noblesse impériale, les émigrés jacobites.
Depuis l'Ancien Régime, les chiffres oscillent entre 80 000 et 400 000. Le nombre dépend de la satisfaction ou la non-satisfaction des besoins de la noblesse. Cela intéresse à la fois le rajeunissement du second ordre, et le tiers état dont elle satisfait la demande de promotion.
[...] La noblesse, à la fin de l'Ancien Régime, est un groupe social jeune et en pleine ascension. Elle est constituée par les élites secrétées par le tiers état au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est donc essentiel de préciser dans quelles couches du tiers se recrutaient les éléments constitutifs de la noblesse. Si pour une partie des Secrétaires du Roi l'ascension a été très lente et progressive, surtout dans les catégories liées aux petites offices et aux dignités communales, elle est au contraire rapide et parfois brutale pour les catégories liées aux activités mercantiles, à la fonction financière et aux professions libérales. [...]
[...] C'est à partir de 1770 que la noblesse commence à participer de façon massive aux grandes compagnies maritimes qui lui doivent parfois leur existence. Si place de la noblesse dans le capitalisme commercial du XVIIIe siècle n'est pas négligeable, et même dans certains secteurs décisifs, c'est avec un tout autre relief que cette classe oisive est intervenue, surtout après 1770 dans le développement du capitalisme manufacturier. Ici, à côté de la noblesse traditionnelle, apparaît souvent la jeune noblesse des officiers de finance. [...]
[...] > Noblesse au pluriel: l'état des fortunes en administre la preuve. Chapitre IV Les clivages fondamentaux: la culture À la fin de l'Ancien Régime, les clivages selon l'ancienneté de la noblesse ou le degré de dignité sont en vérité négligeables. À la cour les parvenus cohabitent avec les représentants des plus anciennes maisons et les plus hautes dignités. La hiérarchie a perdu sa référence exclusive au droit divin. Avec l'échec de la Polysynodie, la pairie a dû renoncer à l'ambition de contrôler l'État. [...]
[...] Par exemple, la carrière militaire est source de discrimination: le rang est fixé plus en fonction de la faveur et de la richesse, que par rapport au mérite. À tous ceux-là, la carrière judiciaire à plus forte raison est fermée. L'achat d'un office est coûteux, il y faut une culture, être passé par l'université. L'unité est donc purement théorique. Ce sentiment de singularité de la noblesse est, en fin de compte, le plus solide ciment de l'unité, sinon de solidarité d'une noblesse qui n'a de son identité qu'une image imprécise. Être noble, c'est être autre, c'est une manière de paraître. [...]
[...] La noblesse héréditaire est dénoncée comme un mal. Et d'Argenson, prône l'aristocratie du mérite. Personne, avant 1789, n'ira aussi loin que lui. D'Antraigues appartient à la dernière génération des Lumières. C'est l'approche de la convocation des États généraux qui révèle l'écrivain et le penseur politique. Il a défini dès 1785 les principes de sa popularité: la réunion des États généraux, l'abolition de la noblesse. Comme ses devanciers, d'Antraigues cherche et trouve dans le passé de la France l'espoir d'une résurrection nationale. [...]
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