Joseph Roth Marche de Radetzky fiche de lecture histoire europe centrale Empire Austro-hongrois déclin François-Jospeh
En 1932, soit la même année que la parution de l'oeuvre La Marche de Radetzky, Joseph Roth écrivait dans le Frankfurter Zeitung « Une volonté cruelle de l'Histoire a réduit en morceaux ma vieille patrie, la Monarchie austro-hongroise [...] J'ai aimé les vertus et les avantages de cette patrie, et j'aime encore aujourd'hui, alors qu'elle est défunte et perdue, ses erreurs et ses faiblesses.
Elle en avait beaucoup. Elle les a expiées par sa mort. » De fait, l'oeuvre de Joseph Roth apparaît comme profondément marquée par la nostalgie de l'Empire déchu, de la patrie éclatée.
Né en 1894 aux confins de l'Empire d'Autriche-Hongrie, à Brody en Galicie, Roth, qui est issu d'une modeste famille juive de langue allemande, entame des études littéraires à Vienne avant de s'engager à partir de 1916 en tant que Volontaire-Un- An dans l'armée impériale et royale. Affecté en 1917 au Service de Presse au local de Lemberg, il débute après-guerre une carrière de journaliste à Vienne puis Berlin, avant de se lancer véritablement dans l'écriture de romans. En 1932 paraît son oeuvre la plus célèbre La Marche de Radetzky, élégie poignante dédiée à l'Empire éclaté, suivie en 1938 de La Crypte des Capucins, autre oeuvre majeure de l'auteur autrichien, dont la trame narrative fait suite à La Marche de Radetzky. Exilé en France dès 1933, Roth, dont l'oeuvre est condamnée par les nazis, s'éteint en 1939 à Paris après avoir assisté avec douleur à l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne
en mars 1938.
[...] Certes, on pourra regretter le manque d'indices chronologiques, qui ne permettent pas toujours de lier avec exactitude les évènements du roman et le contexte historique, cependant l'œuvre donne à voir, sans complaisance mais avec une nostalgie patente, ce que pouvait être la marche vers le déclin de l'Empire austro-hongrois, et elle constitue en cela un ouvrage magistral et touchant. Avec Le Monde d'hier de Zweig, La Marche de Radetzky constitue probablement la plus belle œuvre sur le déclin de Empire habsbourgeois. [...]
[...] Or, semblables à la figure de l'Empereur sont les Trotta dans l'ouvrage. En effet, comme nous l'avons vu, une sorte de malédiction semble peser sur la famille dont le destin se retrouve étroitement lié à celui du monarque, et donc de l'Empire. Cependant, l'analogie ne s'arrête pas là. En effet, on note qu'à de nombreuses reprises l'auteur insiste sur la ressemblance frappante entre le préfet Trotta et François-Joseph. Ainsi, à la page 345 il écrit de lui Jamais il n'avait tant ressemblé à l'Empereur François-Joseph Mais le jeu de miroir est encore plus patent lorsque les deux hommes se retrouvent face à face, comme à la page 300 où l'auteur écrit Ils ressemblaient à deux frères dont l'un était devenu Empereur et l'autre préfet En outre, ce procédé se retrouve également avec le petit-fils, Charles-Joseph von Trotta, qui avec l'âge ressemble lui aussi de plus en plus à son grand-père, comme si l'histoire tragique de l'Empire rattrapait tous les Trotta sans qu'ils puissent lui échapper. [...]
[...] Convaincu de semer la mort parmi ceux qu'il aime, il perd tout d'abord son premier amour, Cathy, une femme mariée qu'il a délaissée, puis provoque involontairement un duel entre un capitaine de sa caserne et son seul ami, le docteur Demant, parce qu'il a raccompagné sa femme de l'opéra tard dans la nuit. De ce fait, il quitte la cavalerie pour l'infanterie et part à la frontière austro-russe. Il se noie alors dans un alcool local, le quatre-vingt-dix degrés et s'endette. Son père s'inquiète de son état ce qui permet d'établir de nouveaux liens, moins formels, entre le fonctionnaire et son fils. Aussi à la mort de François-Ferdinand le 28 juin 1914, Charles-Joseph décide-t-il de quitter l'armée avec l'approbation paternelle. [...]
[...] Mais maintenant, Dieu l'a abandonné! En effet, ce qui maintient l'Empire, c'est le lien dynastique à l'égard de l'Empereur et par là même le lien à Dieu. Ce que veut donc souligner Chojnicki, c'est que la centralisation administrative amorcée par l'Empereur est vaine, si le lien avec ce dernier se désagrège. Or, celui-ci s'effrite fortement comme en témoignent les nombreux mouvements de contestations et de grèves dans l'Empire, soulignés par exemple à la page 190 Des étrangers arrivaient qui rédigeaient des affiches, organisaient des réunions, vous expliquaient la Constitution et les défauts de la Constitution, vous lisaient des extraits de journaux, parlaient toutes les langues du pays. [...]
[...] Il en est ainsi de La Marche de Radetzky, qui, prenant pour toile de fond le déclin de l'Empire depuis la bataille de Solférino en 1859 jusqu'à la mort de l'Empereur FrançoisJoseph 1er en 1916, nous relate les existences de trois générations d'Autrichiens d'ascendance slovène: les Trotta. Parmi eux, le grand-père Joseph, sous-lieutenant d'origine modeste anobli pour avoir sauvé héroïquement la vie de l'Empereur à la bataille de Solférino. Homme simple, il vit comme un fardeau la récompense impériale qui va lier le destin funeste de François-Joseph à celui des Trotta. Le fils, fonctionnaire, homme discipliné et digne dont la femme meure prématurément. [...]
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