Position des juifs en Algérie
À la fois quête personnelle et réelle volonté de recherches ethnographiques, Joëlle Balhoul se penche sur la position particulière qu'occupaient les juifs d'Algérie avant l'indépendance en 1962.
Malgré une proximité certaine avec le sujet, étant sa propre famille, l'ethnologue propose une recherche particulière, à savoir regrouper les souvenirs et mémoires sous la tutelle d'un point d'ancrage donné, la demeure de Dar-Refayil située à Sétif dans l'est algérien. Cette mémoire des lieux se transforme rapidement en lieu de mémoire pour plusieurs générations d'occupants, juifs ou arabes. Ayant comme point de départ un champ familial, encadré par la mort de Sarah puis de Moushi Senoussi, l'auteur va en quelque sorte retracer avec l'aide d'un échantillon de population, une généralité pour les autres familles juives d'Algérie.
Joëlle Balhoul va permettre de comprendre par son approche plus personnelle qu'une étude plus objective, la vie quotidienne de la maison en plein cœur de Sétif, entre juifs et arabes plus particulièrement, mais aussi avec les occupants français. La maison devient alors une manière de voir les différences sociales, qu'elles soient religieuses ou culturelles, et dresse des hiérarchies et des habitus (Bourdieu). Le récit familial des Sénoussi, famille étudiée, tend ici vers l'histoire plus générale, jusqu'à leur départ de Sétif et d'Algérie pour beaucoup, et emmène la nostalgie de la vie en Algérie, très différente de la France.
Joëlle Bahloul, née à Alger en 1951, fut élevée en France où elle fit ses études. Elle est aujourd'hui professeur d'ethnologie, étude descriptive et analytique, sur le terrain, des mœurs et des coutumes de populations déterminées à Indiana University (Bloomington, USA), et publie de nombreux ouvrages comme Culte de la table dressée. Dans La maison de mémoire, ethnologie d'une demeure judéo arabe en Algérie (1937-1961), Joëlle Bahloul explore le fondement des mémoires de la demeure, puis lui donne un sens et une dimension symbolique.
Peut-on donner une image et un sens à l'histoire du peuple juif d'Algérie, sous l'égérie de la famille Sénoussi à Sétif, en évoquant des lieux habités ? Peut-on restaurer une mémoire de la vie quotidienne plus forte que la mémoire traditionnelle ?
[...] J'avais d'abord envie d'y croire et je me laissais peut-être entraîner dans la poétique héroïsante du récit mémorial. ( ) et ce n'était pas pour me raconter des histoires affligeantes d'antagonismes mal digérés (p.151). De plus, l'auteur souligne la désignation de simples voisins qui traduit une certaine distance, bien qu'étant inscrite dans le cadre d'une vie commune respectée, non sans sens profond. Toutes les familles n'étaient pas proches : il y a donc un écart entre parenté et voisins, qu'y s'opérait entre mêmes groupes religieux, mais aussi entre juifs et musulmans. [...]
[...] Cette nostalgie de la vie dans la demeure avec les autres familles traduit bien un échange de culture accepté et aimé. L'image des portes tout le temps ouvertes ou des rideaux comme simple fermeture dans la maison montre dans les faits que les familles, malgré leurs différences, vivaient dans une communauté bien réglée. L'architecture de la maison agit donc sur le rapprochement de ces deux cultures, l'exemple de la cour étant l'un des plus flagrants : lieu de vie commune, où les familles se retrouvent, où les femmes font leurs tâches quotidiennes, où les enfants jouent ensemble. [...]
[...] Face à l'harmonie du dedans, la rue s'affirme masculine et violente (p.67). Si l'intérieur de la maison est imprégné d'un fort sentiment féminin, le monde de la rue est considéré comme un terrain masculin. Joëlle Bahloul souligne de même que les anecdotes liées au monde extérieur à la maison sont à dominante masculine, comme elle fut à dominante féminine dans les souvenirs de Dar-Refayil. Les hommes parlent de ce qui fut leur territoire privilégié, et de leurs bravoures à affronter cet univers de discorde exacerbée (p.68). [...]
[...] La maison de mémoire, ethnologie d'une demeure judéo arabe en Algérie (1937- 1961) - Joëlle Balhoul À la fois quête personnelle et réelle volonté de recherches ethnographiques, Joëlle Balhoul se penche sur la position particulière qu'occupaient les juifs d'Algérie avant l'indépendance en 1962. Malgré une proximité certaine avec le sujet, étant sa propre famille, l'ethnologue propose une recherche particulière, à savoir regrouper les souvenirs et mémoires sous la tutelle d'un point d'ancrage donné, la demeure de Dar-Refayil située à Sétif dans l'est algérien. [...]
[...] - Ce statut juif est partagé avec les colons français, installés en Algérie depuis le milieu du XIXe siècle. Même si dans les récits retranscrits par l'ethnologue, il est rarement notion des Français, il est pourtant clairement donné dans la répartition de la maison, où, désignés comme propriétaires, ils occupent la partie privilégiée de la maison. L'exemple des fenêtres, donnant sur l'extérieur dans les appartements français, est une sorte d'ouverture symbolique, tandis que les autres sont tournés sur eux-mêmes. Le statut juif est donc paradoxalement tangent entre français et musulmans : Il cherche à se rapprocher du statut et des coutumes français, tout en étant dans les récits plus proches des familles musulmanes. [...]
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