Si l'iconoclasme a eu lieu partout en Europe, accompagnant le protestantisme, c'est aux Pays-Bas qu'il a pris le caractère le plus explosif en août 1566 ; en Flandre, puis en Brabant, en Hainaut, il s'est diffusé ensuite au nord des grands fleuves, Meuse et Rhin, l'action des « briseurs d'image » (terme d'époque) s'est répandue. L'iconoclasme exprime aussi bien le désir de revenir à une religion dépouillée, un culte « en esprit » ; que le jaillissement de la frustration accumulée par les persécutions des années passées. Si l'on se situe au niveau non plus du psychologique, mais du politique, la destruction des symboles de l'ordre ancien apparaît comme une nécessité de toute action révolutionnaire ou qui se veut telle, comme une démonstration ostentatoire et irréversible de la volonté de subversion, ou, à tout le moins, de changement. Des questions majeures se posent : qui sont les iconoclastes ? Ont-ils des chefs ? Et pourquoi l'été 1566 ? Contre qui ces violences sont-elles symboliquement adressées ? En tout cas, Philippe II en fut sévèrement affecté comme l'a marqué la répression qui suivit avec l'arrivée du duc d'Albe en 1567 et les procès qui se succédèrent et qui condamnèrent à mort tisserands comme grands seigneurs, à l'instar d'Egmont et d'Hornes, décapités le 5 juin 1568 sur la place de Bruxelles. L'étude porte sur les Pays-Bas du XVIe siècle, soit une confédération de 17 provinces, du nord de la Picardie jusqu'aux îles Frisonne.
[...] Les faits se répètent le 13 août à Bailleul après le prêche de Jacques de Buyzière. Là, le saccage est plus systématique et compte de 500 à 600 participants. A Lille et dans ses environs, les iconoclastes éprouvent plus de difficultés car Lille, tenue par le gouverneur Rassenghien, ne fléchit pas, et la résistance trouvée en ces lieux stoppe la propagation du mouvement vers le sud-est. Par contre, Roubaix et Tourcoing au nord de Lille ne sont pas épargnées, entre autres. [...]
[...] L'année de la faim (hongerjaar) est un terme inventé par l'historien E. Kuttner pour aller à l'encontre de cette année autrefois appelée wonderjaar, année des merveilles Pour Kuttner, les actes iconoclastes ne seraient qu'un point de fixation des frustrations, employée par des classes populaires manipulées, comme un nouvel épisode de la lutte des classes. Cette vision marxiste se rapprochait de celle de l'autre historien ayant écrit sur cet épisode, B. Porchnev. En s'attardant sur les données socio- économiques de la période, il apparaît que les Pays-Bas, surtout dans leur partie sud, ont connu les années précédant 1566 une forte croissance économique par le rôle d'intermédiaire qu'ils jouaient entre l'Europe du Sud et l'Europe du Nord, ainsi que par l'accroissement du commerce avec les colonies espagnoles et portugaises du Nouveau Monde. [...]
[...] Elle charge le prince d'Orange, Egmont et Hornes de négocier un texte, qui devient la déclaration du 23 août : les nobles acceptent de dissoudre leur entente, de déposer les armes et d'aider la Régente à rétablir l'ordre en échange d'un pardon général, d'une convocation des états généraux et de l'octroi de la liberté des prêches. L'ambiguïté des termes sera un atout que Marguerite de Parme tentera d'exploiter puisqu'il est mentionné une liberté des prêches, mais non de culte. Mais pour l'instant, c'est une grande victoire pour les protestants, qui commencent cependant à se désolidariser, entre les prudents qui pensent que les concessions sont suffisantes, et les fermes qui considèrent que pour asseoir définitivement les religions protestantes, il faut plus que jamais prêcher, célébrer la Cène, organiser des mariages, etc. [...]
[...] Mais chez les autorités, c'est le sentiment d'impuissance qui prévaut, en raison de forces militaires trop faibles pour contrer les actes de violence. En effet, les compagnies d'archers, d'arbalétriers de la ville, étaient souvent tenues de faire respecter l'ordre dans les villes, mais elles comprennent en 1566 de nombreux calvinistes favorables à la cause des briseurs d'images et leur inertie s'explique par leur complaisance vis-à-vis des iconoclastes. Il en va de même chez les gens de justice, qui sont parfois accusés d'indulgence quant à leur jugement sur des affaires d'hérésie ; ainsi que des échevins, qui participent fréquemment aux saccages d'églises, à l'instar d'Antoine de le Becque à Merville. [...]
[...] C'est un rejet de l'Eglise et de son dogme par une large partie de la population. C'est aussi une libération de la parole, et à la suite de ces événements, les fidèles ne manquent pas de discuter de questions théologiques avec le clergé. Or, alors que cette aspiration à autre chose se ressent, la religion réformée offre les solutions que la population attend : simplicité, humilité. Les prêcheurs protestants sont éloquents, tandis que le clergé catholique, par son recrutement laxiste, est médiocre durant cette période. [...]
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