Lucette Valensi, née à Tunis en 1936 dans la famille juive d'un fabricant de céramique, est directrice d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), et codirecteur des Annales, ESC. Lucette Valensi s'est consacrée à l'étude du Maghreb précolonial et aux relations entre Orient et Occident. Elle est l'auteur, entre autres, de Juifs en terre d'Islam. Les communautés de Djerba, paru en 1984 et d'Islam en dissidence : Genèse d'un affrontement paru en 2004 aux éditions du Seuil.
L'ouvrage qui nous intéresse ici contient dans son titre plusieurs mots clés : « Fables », « mémoire » et « bataille » qui vont donc guider notre réflexion. Ainsi l'ouvrage a pour cœur une bataille, celle des trois rois, mais attention le but de l'auteur ici n'est guère de faire un récit de la bataille. Cette fameuse bataille met en scène deux protagonistes : d'un côté les Portugais, de l'autre les Marocains. Entre les deux une date, 1578, date d'une bataille historique : la bataille de Wâd al-Makhâzin pour les Arabes, d'Alcacer Quibir pour les Portugais.
La bataille a lieu le 4 août près de la rivière Wâd al-Makhâzin. Les Portugais après avoir mené un cours moment, sont mis en déroute. Mais le plus étonnant, c'est que les trois rois engagés dans la bataille y trouvent la mort, d'où le titre de l'ouvrage. En effet, la mort avait emporté Abd al-Malik, mais on avait tenu cette mort secrète, pour éviter tout désordre dans les troupes. Don Sébastien lui avait disparu, alors que le corps de Muhammad al-Mutawakkil retrouvé noyé dans la rivière fut écorché, empaillé, et promené dans les rues. Le prince déchu dû à cette fin sinistre le titre d'al-Maslûkh, l'Ecorché. Ahmad enfin, frère d'Abd al-Malik, fut proclamé sur le champ de bataille, puis se fit reconnaître comme souverain légitime.
[...] La caravane emprunta une route qui lui permit d'éviter le raid du prophète et de ses fidèles, mais Abu Jahl s'entêta à démontrer sa force et à affronter Muhammad. Il subit une défaite complète, tandis que seul un petit nombre de croyants étaient tués. Pour les autres fidèles, sûrs que Dieu était de leur côté, ils sortirent de la bataille confirmés dans leur foi. Ainsi dans la mémoire des Marocains du XVIe siècle cette bataille était la première victoire de l'islam combattant sur les infidèles. [...]
[...] Il va s'agir de se focaliser sur le travail de mémoire, le souvenir de cette bataille à la fois chez les vaincus et les vainqueurs. Nous l'avons dit le but de l'auteur n'est pas faire un récit de la bataille. En effet, le but est de voir comment une guerre historique a fait son chemin dans la mémoire des vainqueurs et des vaincus. Ainsi il ne s'agit pas de raconter cette bataille mais de voir comment elle a été racontée, vécue dans l'un ou l'autre camp. [...]
[...] On peut conclure au refus de croire à la mort de Sébastien en Afrique. Par conséquent le temps passant on avait fini par édifier une fable plutôt que d'accepter sa mort. Voici ce qu'affirme l'auteur : cette affabulation fait partir Sébastien du champ de bataille, en compagnie de quelques chevaliers portugais. Blessé, mais vivant, le roi atteint le Portugal où le remords l'incite, non à reprendre le pouvoir, mais à expier la faute qu'il a commise en lançant sa désastreuse expédition. [...]
[...] Celui-ci affirme que lors de la bataille le prince reçut une balle qui aurait dû lui être fatale, or au contraire cette balle le sauva, il parle alors de miracle. Or son but ici est totalement politique. Il s'agit d'affirmer contre les Ottomans, l'autorité d'al-Mansûr. Mais paradoxalement en chrétienté, c'est d'Abd al-Malik dont on se souvint. Les auteurs qui au temps d'Al-Mansur ont parlé de la bataille, ont développé des traits récurrents. Tout d'abord l'indifférence à l'identité de l'adversaire, globalement appréhendé sous les termes d'infidèle, d'idolâtre ou de chrétien. [...]
[...] En effet, lors du débarquement de l'armée portugaise, selon ses dires Abd al-Mâlik se trouve encore à Marrakech donc loin du front, et c'est la confrérie shadhiliya (qui faisait figure de parti majoritaire) qui va venir prendre la tête de la résistance. Son chef, Abû'l-Mahâsin Yûsuf al-Fâsi mobilise de nombreux disciples et se lance dans la bataille. Le mérite de la victoire chez Allal al-Fassi revient surtout à Abû'l Mahâsin. Dans un premier temps, le discours de Allal al-Fassi suggérait une équivalence entre les Oulémas fasis du passé et le ‘alim fasi du présent. Dans un deuxième temps, c'est la confrérie shadhiliya qui est assimilée à un parti politique, et son chef à un dirigeant nationaliste. [...]
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