A un certain moment de son histoire, l'Espagne a donné l'impression qu'elle faisait sécession, qu'elle s'isolait orgueilleusement du reste de l'Europe, qu'elle préférait rester en marge. La rupture date du XVI e siècle : l'Espagne paraît alors se lancer à la conquête du monde et vouloir imposer sa loi et sa foi à l'Europe ; elle échoue, et c'est contre elle, contre ce qu'elle représente, que l'Europe moderne se constitue. L'Espagne refuse la Réforme, le capitalisme, le rationalisme ; elle s'accroche, d'abord fièrement, puis avec désespoir, enfin avec résignation, à un système de pensée et à un style de vie hérités du Moyen-Âge.
C'est donc au XVI e siècle qu'il faut remonter si l'on veut comprendre l'Espagne moderne, un XVI e siècle par ailleurs castillan plutôt qu'Espagnol. En effet, l'empire de Charles Quint et de Philippe II, s'il fait impression, n'a en réalité pas d'unité : ils sont régis par le même souverain, mais là s'arrête leur cohésion, ce qui restreint singulièrement le prétendu absolutisme du roi d'Espagne. Prisonniers d'une conception étroitement dynastique et patrimoniale de leurs pouvoirs, ni Charles Quint ni Philippe II n'ont jamais cherché sérieusement à créer une véritable union nationale à l'intérieur de la péninsule, à plus forte raison entre la péninsule et les territoires d'Italie et d'Europe du nord ; chaque groupe de sujets continue à vivre replié sur lui-même, à compter sur lui-même, sans trop se soucier des autres partenaires de l' « empire » : non seulement le sentiment national n'existe pas, mais les intérêts des divers éléments s'opposent.
L'empire existe pourtant ; seulement il n'est pas espagnol, mais castillan : c'est la Castille qui depuis le début fournit au souverain l'argent et les hommes nécessaires à sa politique. Il se trouve en effet qu'elle constitue depuis la fin du XVe siècle le pays le plus peuplé, le plus prospère, et on en fait tout naturellement la base, le centre politique de la monarchie.
[...] Il est à la fois l'Inquisiteur général, l'humaniste préoccupé de critique scripturaire, l'homme enfin qui invite Erasme en Espagne, en 1516. Un équilibre pouvait il s'établir entre ces deux tendances ? Cisneros meurt en 1517. Pendant une dizaine d'années, Charles Quint s'appuie sur les novateurs qui rêvent de réformer la Chrétienté, de trouver un moyen terme entre les tendances conservatrices de Rome et les excès de Luther. L'Espagne finit par se refermer sur elle même, en une autarcie religieuse orgueilleuse qui n'exclut pas la rénovation, mais qui l'entoure d'une atmosphère de méfiance et de suspicion. a. [...]
[...] Cette ferveur et ce succès ne manquent pas d'inquiéter certains esprits et notamment les moines mendiants. Seule l'Inquisition a en Espagne le pouvoir de trancher en matière d'orthodoxie. b. de la poursuite des déviances à la fermeture Cet erasmisme triomphant s'accorde remarquablement bien avec certaines formes de piété, aux frontières de l'orthodoxie, qui se développe en Espagne. Il s'agit de ce que l'on a appelé l'illuminisme qui désigne plutôt un climat spirituel plutôt qu'une secte bien caractérisée. Le succès d'Erasme en Espagne relance l'illuminisme, lui fournit des arguments nouveaux. [...]
[...] l'Espagne des premiers Habsbourg Pendant quinze ans, les villes de Castille ont à verser au trésor royal le montant des impôts saisis en 1520-1521, et à dédommager les victimes de la guerre civile. D'une façon plus générale, le retour de Charles Quint marque la fin de la crise politique ouverte depuis 1504 : il renoue avec les grandes orientations des Rois Catholiques, reprenant et complétant une œuvre qui paraissait sérieusement menacée, et Philippe II, à son tour, s'en tiendra pour l'essentiel aux même principes de base, si bien que le destin politique de l'Espagne se trouve ainsi fixé pour un siècle et plus. [...]
[...] Cette population croissante a tendance à se fixer dans les villes. Mais la peste des années 1596-1602 (environ 500.000 victimes) ouvre une période nouvelle pour la démographie espagnole : elle arrête net la croissance de la population, jusqu'alors constamment renouvelée. Il reste que pendant 150 ans (depuis le milieu du XVe siècle, l'Espagne a disposé d'un atout irremplaçable : des hommes en abondance, c'est-à-dire des producteurs, des contribuables, des soldats. Est-ce un hasard si le XVI e siècle est l'âge de la prépondérance espagnole ? [...]
[...] Carranza est alors conduit à Rome ou l'on commence son procès. Au bout de 17 ans d'une procédure, le malheureux est enfin jugé et condamné à une peine mineure. L'affaire Carranza est exemplaire : comment en est on venu à soupçonner d'hérésie le confesseur de Charles Quint ? On ne pardonnait pas facilement a Carranza ses succès, ses talents, sa carrière rapide et brillante. Mais il y a surtout le climat intellectuel et spirituel de L'Espagne qui condamne les hommes comme Carranza. [...]
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