Ce chapitre du livre de l'historienne américaine est fondateur d'une démarche basée sur l'anthropologie historique comme grille de lecture des violences religieuses. Il s'agira donc de comprendre dans une perspective nouvelle, l' « émeute religieuse » urbaine dans la France du XVIe siècle.
L'objet de l'étude est l'action violente, qu'elle soit verbale ou armée, menée contre une cible religieuse par une troupe de gens qui ne se présentent pas comme agents officiels et organisés d'une autorité politique ou ecclésiastique. Il ne s'agit pas d'étudier les violences « officielles », mais bien plutôt les violences « populaires ».
La problématique autour de cette étude de l'émeute religieuse est : comprendre pourquoi les foules, lors de ces violences collectives, manifestent un tel enthousiasme pour l'Eucharistie ou pour des reliques de saints (éléments qui s'analysaient mal, à l'époque de rédaction de cet article, par l'historiographie fondée sur une approche socio-économique). Il s'agira donc pour Nathalie Z. Davis de chercher du sens derrière l'apparente « irrationalité » de la plupart des émeutes religieuses du XVIe siècle.
[...] Ils peuvent passer, si l'occasion se présente, à l'action violente sans encourir la réprobation de leurs aînés. Foules catholiques et foules protestantes montrent de nombreux signes d'organisation. Ainsi, même les émeutes qui n'ont que peu ou pas été prévues à l'avance se voient conférer une certaine structuration par la situation même qui les déclenche (office religieux ou procession en général). Lorsque les actions sont prévues à l'avance, il est fréquent que soient dressées des listes d'objectifs et que des signes de reconnaissance entre émeutiers soient adoptés : ex : par exemple, des croix blanches sur les portes des catholiques à Mâcon en 1562. [...]
[...] Le premier point est traité beaucoup plus rapidement que les 2 seconds qui constituent le cœur de l'analyse. Pour appuyer ses propos, Nathalie Z. Davis convoque tout un ensemble d'exemples locaux variés issus principalement des sources imprimées relatives aux troubles religieux et rédigés par des contemporains des événements. Elle tente autant que faire se peut d'utiliser les descriptions d'auteurs catholiques pour des violences catholiques et d'auteurs protestants pour des violences protestantes. Parmi les sources protestantes, elle utilise par exemple l'Histoire ecclésiastique. [...]
[...] Sous les yeux d'une centaine de spectateurs, ils débattent du châtiment et font appel de la sentence prononcée par le juge réel qui avait condamné le huguenot à être pendu, et non brûlé vivant comme il convient à un hérétique. Après un nouveau verdict, le cadavre est traîné par les pieds dans les rues de la ville et dûment brûlé. II/ Sources de légitimation des foules et différences dans la violence religieuse populaire entre protestants et catholiques 3 sources de légitimation de la foule violente Ni les auteurs catholiques, ni les prédicateurs réformés, ni les autorités laïques des villes n'ont explicitement donné au menu peuple le droit de se rebeller quand bon lui semble. [...]
[...] Si le magistrat n'a pas défendu la foi et n'a pas châtié les idolâtres, alors la foule (dans sa propre conception) a le droit de le faire à sa place. ( Lors de l'émeute religieuse, la foule joue donc aussi un rôle judiciaire, en lieu et place du magistrat qui n'accomplit pas son devoir convenablement. Dans ces circonstances, la foule peut alors chercher à imiter les formes de violences issues des pratiques officielles de répression (les tortures et les profanations de cadavre infligées à certains criminels par la justice, par exemple). [...]
[...] Mais Nathalie Davis constate que c'est visiblement la vie processionnelle qui suscite le plus de troubles. ex : Une Fête-Dieu, comme celle de Lyon en 1561, donne aux protestants l'occasion d'afficher leur désapprobation au rite catholique, notamment en profanant l'hostie, en restant ostensiblement à sa fenêtre quand passe la procession tout en tissant, etc. La procession se transforme alors en attaque ou même en massacre contre les offenseurs de la foi catholique (ce qui est le cas à Lyon en 1561). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture