De la Culture populaire aux 17 et 18e siècles de Robert Mandrou propose une histoire des mentalités et sensibilités de la France d'Ancien Régime, à travers une production qui ne relève pas des « monuments littéraires et artistiques » mais de la littérature de colportage. L'historien, déjà auteur d'une Histoire de la Civilisation française ou encore d'une Introduction à la France moderne montre que la culture du peuple, n'ayant pas été touchée, pour sa majorité, par le progrès des Lumières, n'était pas celle des élites.
Au début, du XVIIe siècle, un libraire de Troyes, qui en inspire vite d'autres, fait imprimer des livres de petits formats à couverture bleue, vendus très bon marché. Apparaissent alors les ouvrages de la Bibliothèque bleue, bibliothèque des milieux populaires, seuls intéressés par ces livrets aux caractères usés et aux pages mal découpées. Pour bien comprendre ce succès de librairie, à une époque où la plupart des petites gens sont analphabètes, et surtout le projet de Mandrou, il faut situer la lecture de ces livrets dans le cadre des veillées où toujours une personne sait lire. Destinés à être lus à haute voix, les récits sont ensuite répétés, commentés et bien souvent déformés. Et ces déformations justifient une étude des thèmes de cette littérature, non de sa lettre même. D'autre part, le dialogue entre l'éditeur et sa clientèle, par l'intermédiaire du colporteur conduit à sélectionner la production : les ouvrages sont rédigés en fonction de la demande. D'où l'intention de l'historien d'explorer les thèmes majeurs, les présences et les absences à l'intérieur du répertoire de la Bibliothèque bleue pour définir un niveau culturel, une sensibilité populaire.
Il faut donc d'abord examiner rapidement comment s'est constitué le fonds, étudier ce fonds lui-même réparti en cinq grands ensembles : mythologie féérique, connaissances du monde, foi et piété, art et sensibilité populaire, représentations de la société et enfin en dégager les traits communs pour une première mesure de cette culture populaire mal connue.
[...] Les éditeurs placent simplement des traités utilitaires d'arithmétique, de médecine ou de voyages. Les premiers, par des tableaux, n'enseignent pas à calculer mais dispensent de compter (l'intérêt des sommes prêtées, les rentes viagères Les seconds, surtout pour la campagne où le plus grand nombre n'a pas le moyen d'appeler les médecins proposent une série de recettes pour guérir toutes sortes de maladies par des préparations qui nous cousteront peu de choses par des applications (pour guérir des pertes de mémoire ) ou en faisant appel aux seules vertus de la prière. [...]
[...] Ainsi, la chanson profane est vue par le public comme une sorte d'évasion. Le théâtre Ce genre est constitué de petites farces, de comédies ou de tragi-comédies de styles et de tons différents. Le théâtre religieux est assez conséquent et met en valeur les vies de saints et les passions de Jésus (en vers). Cependant, le genre dominant reste le même que celui de la littérature savante, à savoir les pièces classiques de Corneille (Le Cid, Polyeucte, Cinna), Tristan l'Hermite (La Mariane), Scarron, Cyrano mais aussi les adaptations du théâtre italien comme les pièces du Tasse et de L'Arioste. [...]
[...] Ceci constitue un héritage des chansons de geste médiévales (c'est-à-dire les morceaux de bravoure) dans lesquelles Charlemagne est magnifié, représenté comme un très grand homme, dans un espace et un temps indéterminés et où il est présenté une galerie de portraits (ses amis et ses ennemis sont alors évoqués). On remarque dans ces textes une intervention constante du merveilleux (fées, enchanteurs, magiciens aident les héros et le diable essaye aussi d'agir). Le mythe politique et social : la société féodale Il est indiqué dans ces textes que la société nobiliaire ignore les non- nobles en se définissant eux-mêmes comme des enfants de bonne extraction La vie noble : la guerre et les jeux La guerre est considérée comme la défense de la chrétienté. [...]
[...] Cette littérature de colportage est donc d'abord une littérature d'évasion, d'évocation de ce qui n'est pas le quotidien du public. Un autre trait caractéristique est la constante présence du surnaturel et une sensibilité populaire baroque persistante d'une tradition pathétique qui ne doit rien aux classiques du XVIe siècle ou aux philosophes du XVIIe siècle. II] La mythologie féerique : le merveilleux païen Les contes bleus introduisent le lecteur dans un monde imaginaire, c'est le royaume de faérie Ils évoquent des pays inconnus en un temps indéterminable, quoique les récits des mythes comme Till ou Gargantua s'enracinent plus dans le réel. [...]
[...] Ainsi, le théâtre est le seul genre où la littérature de colportage et la littérature savante sont identiques. Au XVIIIe siècle, nous remarquons beaucoup de pastorales, d'opéras-comiques. Enfin, on remarque qu'à cette époque, les troupes de bateleurs comédiens ambulants) ont un fort succès. Le crime, l'amour, la mort Les passions sont un thème important pour la littérature de colportage. Le crime : Celui-ci se divise en différentes sortes : le meurtre mais surtout le vol. Ces crimes sont perpétrés par des personnes connues, des petites légendes que nous connaissons encore aujourd'hui puisque ce genre s'inscrit dans une tradition orale antérieure. [...]
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