La fiche est faite à partir d'un chapitre central du livre Naissance de la noblesse de K.F. Werner. Le chapitre est autosuffisant et autonome par rapport au reste de l'oeuvre.
L'objectif de l'auteur est de montrer en quoi il y a en fait une continuité entre les institutions et l'ordre social de l'Antiquité et ceux du Moyen-Âge, contrairement à une opinion répandue selon laquelle le Moyen-Âge serait une rupture. L'auteur montre que les héritages romains dans le monde médiéval franc sont très importants, du point de vue institutionnel et du point de vue social, avec même des prolongements jusqu'à la Révolution française : les nobles français seraient en fait les descendants des magistrats romains, des titulaires de fonctions appelées honores en latin.
[...] A l'issue de son analyse de la notion de regnum, Werner pose une définition qui lui permettra par la suite de mettre en lumière la continuité institutionnelles des Romains aux Francs : Le regnum est un Etat (ou une subdivision d'Etat) gouverné par un empereur, un roi, un prince non royal, voire un haut dignitaire. Vient ensuite l'analyse de la notion de princeps, qui se justifie par l'étroite parenté qu'elle entretient avec celle de regnum : si le regnum désigne l'Etat, le princeps est celui qui le rend possible, puisque Werner fait de son émergence, et surtout de son évolution de primus inter pares à simplement primus universorum (avec la dissolution de la dyarchie au profit d'Auguste) la fin de l'égalité de principe des élites romaines phénomène à l'origine de la transformation de la res publica Romana ( ) en un empire dirigé par un chef à vie, à la tête d'une armée quasi professionnelle, bref, en un Etat. [...]
[...] Pour lui, le continuité entre cette noblesse et les noblesses européennes ne fait aucun doute, puisqu'elles aussi semblent animées par cet idéal de mérite et de service de l'Etat. Un autre point commun, peut-être plus visible, est l'ostentation : de tout temps, les nobles ont été confrontés à la nécessité de tenir leur rang, à la fois par leur attitude et leur style de vie. Un autre signe de cette continuité repose dans l'importance accordée aux mores, qui, dans l'Antiquité romaine et plus tard, interdisent aux nobles certaines activités avilissantes comme le commerce et valorisent la propriété foncière, seule source de revenus qui soit véritablement noble. [...]
[...] En effet, après avoir, dans une première partie, défini le cadre dans lequel la noblesse chrétienne a pu s'épanouir, à savoir l'Empire romain chrétien ( le royaume des Francs ( les autres royaumes chrétiens d'Occident et d'Orient l'historien s'attache à retracer l'origine de ce cadre en démontrant la longue vie des institutions c'est-à-dire la continuité, au-delà de l'Etat romain et de l'Etat chrétien, des structures, valeurs et concepts fondateurs hérités par l'Etat moderne qu'il dépeint dès l'introduction du chapitre comme le successeur de l'Etat chrétien, lui-même étant le fruit de la transformation de l'Etat romain depuis Constantin le Grand La suite de l'introduction souligne encore plus nettement la continuité pour laquelle Werner prend position : Si l'on oublie ces prédécesseurs et avec eux l'élément chrétien dans l'Etat, on perd de vue l'unité des structures politiques de toutes les monarchies chrétiennes, divisées artificiellement en antiques médiévales modernes Et c'est cette thèse, si fortement affirmée en ces termes, que l'auteur s'attachera à démontrer au fil des pages du chapitre, selon une progression en trois temps. Une première partie, chronologique, intitulée De l'Etat romain au royaume franc entend retracer l'évolution historique de l'une à l'autre de ces structures politiques, avec le souci constant de justifier et mettre en lumière les continuités par la persistance de concepts latins tels que ceux de princeps ou regnum. [...]
[...] Enfin, la troisième et dernière partie du chapitre, intitulée Etat et fonction publique découle de la précédente dans la mesure où elle s'attache à définir la fonction de la nobilitas, fonction par laquelle elle permet l'existence et la continuité de l'Etat, tel qu'il est défini par ces concepts romains et leur compréhension chrétienne. Werner part d'un débat sur l'existence ou l'absence d'Etat après la fin de l'Empire romain en définissant l'Etat comme la capacité d'une entité politique à se servir d'agents exerçant une fonction publique correspondant à ce qu'on désigne aujourd'hui par office ou charge publique A Rome, ces charges sont réparties entre les nobiles qui assurent ainsi le service public, donc l'existence de l'Etat ; Werner mentionne en particulier les palatina officia. [...]
[...] A l'opposée d'une disparition de l'Etat, ce phénomène est présenté comme la multiplication d'Etats qui reprennent les réalités définies par Werner comme fondatrices de l'Etat et corroborent donc sa thèse de pérennité des notions romaines : le développement de centres de pouvoir en Aquitaine ou en Bavière prouvent l'émergence d'une autre forme d'Etat qui, sans être un empire ou un royaume, avait repris à son compte les deux notions romaines essentielles à la constitution d'un Etat : un territoire, le regnum ( et un chef, le princeps, sans qu'il eût besoin d'être roi. Ainsi, ces notions de princeps et de regnum apparaissent comme fondatrices d'un Etat, indépendamment du régime politique et du type de pouvoir exercé ; ce sont des conditions qui rendent l'héritage romain incontournable mais n'excluent pas quelques variations, dans la titulature et le statut du princeps notamment. [...]
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