"Le fromage et les vers" met en scène un meunier de la région du Frioul qui, au XVIe, fut condamné et brûlé par les tribunaux de l'Inquisition. Carlos Ginzburg, l'auteur, étudie avec minutie les dossiers des procès tenus contre Menoccio, le meunier.
A travers les minutes de ces procès, il analyse ses idées et sa vision du monde, pour poser au-delà de ce cas particulier, la question des rapports entre la culture savante et la culture populaire. A travers le discours produit par Menoccio on découvre aussi comment la lecture d'ouvrages circulant à l'époque est interprétée par Menoccio à partir d'un ensemble de croyances paysannes et à partir de là de s'interroger sur les origines de ces idées du monde.
[...] Sensibles, comme nombre d'historiens de leur génération, au lien noué entre anthropologie et histoire depuis les années 60, ils en proposaient une modalité inédite. B. La méthode : Carlos Ginzburg juge et enquêteur Comme on l'a vu précédemment ces historiens de la micro-histoire proposaient quelque chose de nouveau. Au lieu de mettre l'accent, comme leurs collègues français, sur les structures, ils souhaitaient privilégier la prise compte de l'expérience vécue par les acteurs historiques. Il en est ainsi dans le Fromage et les vers avec Menoccio. [...]
[...] Le monde n'était rien, ce volume peu à peu fit une masse comme le fromage dans le lait, et des vers y apparurent qui donnent les anges, dont Dieu. Du chaos naquirent donc tous les êtres, les anges et Dieu lui-même le plus grand d'entre eux, par génération spontanée. Dieu était d'abord lui un père, un père éloigné de ses enfants : il est moins important d'aimer Dieu que son prochain. Dieu est l'image de l'autorité. C'est un Dieu-patron qui confie ses tâches à ses agents : Dieu a fait le monde avec l'aide des anges. [...]
[...] Dans le cas de Menocchio c'est le contact avec la culture écrite, réalisé avec l'école, qui a fait affleurer cette couche profonde de culture orale. A plusieurs reprises, nous avons vu affleurer, sous la très profonde différence de langage de surprenantes analogies entre les tendances de fond de la culture paysanne et celle des secteurs les plus avancés de la haute culture du XVI°. Expliquer ces analogies par une simple diffusion du haut vers le bas signifierait adhérer à la thèse, insoutenable, selon laquelle les idées naissent exclusivement au sein des classes dominantes. [...]
[...] Mais malgré cela les livres ne nous permettent pas d'éclaircir comment Menocchio était arrivé à formuler sa cosmogonie. De plus comme nous le verrons ultérieurement, Menocchio n'est pas passif par rapport à ses lectures, sa façon d'aborder les livres est le signe indéniable d'une re-élaboration originale. Mais d'où vient donc cette cosmologie ? La réponse serait à chercher dans la diffusion des idées et de la transmission orale. On rencontre des coïncidences entre ses dires et des mythes indiens très anciens, chez les Kalmouks. [...]
[...] Mais quels rapports entretenait Menocchio avec les groupes qui se réclamaient de la réforme et avec leurs idées ? Mais face à ses idées et particulièrement de refuser toute valeur à l'Evangile et en niant la divinité du Christ il est loin de Luther et de sa doctrine. L'ecclésiologie de Menocchio rappelle surtout, sur plusieurs points, les positions des anabaptistes. L'accent mis sur la simplicité de la religion, la négation du Christ, le refus des sacrements, des images pieuses et des cérémonies renvoie aux idées des anabaptistes de l'Italie du Nord. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture