Cette étude veut approcher un point important de l'histoire des villes italiennes : l'appropriation urbaine de la cathédrale. A partir du 13ème au moins, la fabrique apparaît de plus en plus liée politiquement et socialement au gouvernement de la ville. L'auteur pense que ce changement s'accompagne d'un élargissement des fonctions cathédrales, de l'assistance à la gestion du bien commun, faisant de l'église de l'évêque un monument civique qui s'impose à l'ensemble de la société urbaine. Il ne faut pas cependant essayer de distinguer ce qui relève du politique et ce qui relève du religieux, car les commune italiennes l'ont intimement lié, ce que l'on appel la « religion civique ». On tentera au contraire de comprendre comment une institution – la fabrique de la cathédrale – en vient à incarner un idéal de la communauté urbaine.
Depuis les travaux du russe Nicola Ottokar, les travaux sur la portée politique de la municipalisation des œuvres cathédrales ont fait l'objet de nombreux travaux. Mais une synthèse serait trop prématurée. Il s'agit seulement ici de mettre en perspective le cas de Milan et de quelques autres villes.
[...] Plusieurs chroniqueurs de l'époque comme Bonvesin della Riva, lorsqu'ils font état de la déliquescence des institutions communales à la faveur des seigneuries naissantes, érigent la cathédrale comme dernier rempart contre la tyrannie. Mais la cathédrale n'est pas qu'une expression sublimée de la conscience civique : d'une certaine manière, la commune se construit en même temps que s'édifie la cathédrale. La fabrique de la cathédrale devient en même temps un acteur important du jeu politique, notamment à Venise, avec Saint Marc qui contribue à la mutation institutionnelle de la ville. [...]
[...] A Venise, San Marco assure la gestion urbaine de l'insula San Marci, jusque dans ses fonctions commerciales. C'est ainsi que le périmètre de la basilique s'érige en centre civique de la ville. Mais il ne faut cependant pas confondre dans leur rôle les platea des cathédrales et les futures places civiques qui seront construites à proximité des palais communaux. Dans beaucoup de cas d'ailleurs, la vie urbaine est trop grouillante aux abords de la cathédrale pour qu'on puise lui imposer un ordre spatial tel qu'à Venise. [...]
[...] Au-delà de ce rôle d'assistance, les fabriques jouent un autre rôle majeur, celui de la gestion de l'espace public, dans l'idée même du bien commun. C'est ce que montre le cas génois : les historiens ont montré que dans la capitale ligure, ce sont les groupes privés qui mènent l'agencement de l'espace urbain, via les réseaux de voisinages (contrada). Cependant, ces historiens occultent totalement l'œuvre de la fabrique de San Lorenzo qui montre que le gouvernement urbain ne reste pas passif : il existe à Gênes un espace public, le port et la cathédrale, l'un et l'autre ayant partie liée. [...]
[...] Ce sont souvent les mêmes architectes ou administrateurs qui s'occupent des chantiers communaux et des cathédrales (Fra Bevignate construit à Orvieto le Duomo vers 1295 et construit également à Pérouse un duomo en 1300, puis un aqueduc à Montepacciano et un palais public Le lien entre les fabriques des duomo et les constructions hydrauliques n'est sans doute pas fortuit quand on comprend l'importance pour le pouvoir de l'approvisionnement en eau. Les fabriciens deviennent dans le cas de Milan, les garants de la distribution régulière de l'eau et de son partage équitable (la fabrique entretient et construit les structures nécessaires tout au long du 14 et 15e siècle). A Orvieto, la construction de l'aqueduc marque le moment fondateur dans le développement de la commune populaire (1295-1313). Le rôle de la cathédrale déborde de loin les alentours de l'église. [...]
[...] Article de Patrick Boucheron : qui appartient la cathédrale ? la fabrique et la cité dans l'Italie médiévale" Cette étude veut approcher un point important de l'histoire des villes italiennes : l'appropriation urbaine de la cathédrale. A partir du 13e au moins, la fabrique apparaît de plus en plus liée politiquement et socialement au gouvernement de la ville. L'auteur pense que ce changement s'accompagne d'un élargissement des fonctions cathédrales, de l'assistance à la gestion du bien commun, faisant de l'église de l'évêque un monument civique qui s'impose à l'ensemble de la société urbaine. [...]
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