La question recouvre un espace chronologique et géographique large : toute l'Europe de l'Atlantique à l'Oural, des contrées scandinaves au bord de la Méditerranée, pendant un siècle et demi. Il ne faut pas négliger les périphéries. Les bornes chronologiques sont intentionnellement floues. Le jury souhaite que soit dressé un bilan de la chrétienté au début du XVIe siècle.
Or si les 95 thèses de Luther ont été affichées le 31 octobre 1517, mais il ne faut pas oublier l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération de souverains partageant une même soif de gloire : François Ier (1515), Charles Quint (1515-1519), Henri VIII (1509) et Soliman (1520). Les décalages chronologiques sont sensibles entre les différents pays : l'Allemagne, touchée en premier par les troubles, est en paix à partir de 1555, alors que la France et les Pays-Bas se dirigent vers une guerre civile.
La fin de la période est plus facile à déterminer. L'objectif de la paix de Westphalie en 1648 est d'empêcher toute nouvelle guerre de religion. On tente donc de faire primer les motifs politiques sur les motifs religieux. Les traités de Westphalie représentent les premiers essais de tolérance d'État et marquent ainsi la fin d'une époque.
La théorie selon laquelle les affrontements religieux sont en réalité des conflits économiques et sociaux a été soutenue par Frédéric Engels et Karl Marx au milieu du XIXe siècle. Dans La guerre des paysans (1952), Frédéric Engels entendait montrer un exemple de lutte des classes. Il a décrit Thomas Müntzer comme l'apôtre de la révolution prolétarienne face à Luther représentant la révolution bourgeoise. Hauser et Heller reprennent la théorie marxiste.
Dans les années 1950, il a été admis que le XVIIe siècle avait été un siècle de crise en Europe, après un XVIe siècle d'expansion. Eric J. Hobsbawn : « l'économie européenne est passée par une « crise générale» durant le XVIIe siècle, la dernière phase de la transition générale d'une économie féodale à une économie capitaliste ». (1954)
Même si les théories marxistes ont été remises en cause, il ne faut pas négliger les facteurs économiques et sociaux dans l'étude des affrontements religieux. Ce n'est pas un hasard si le mouvement de Réformation s'est développé dans les années 1520 marquées par des disettes, des épidémies et des conflits sociaux. En France, au début des années 1960, la poussée protestante s'accompagne d'une vague de refus des dîmes.
On dit alors qu'il y'a plus de huguenots de dîmes que de huguenots de religion. À la fin du XVIe siècle, l'Europe occidentale et méridionale a connu une décennie de récoltes désastreuses dont les conséquences ne sont pas étrangères aux « guerres de religion », à la révolte de l'Irlande et au réveil de la croisade contre les Turcs sur le front des Balkans. C'est souvent la peur sociale des nantis qui provoque les affrontements religieux les plus sanglants.
Les affrontements religieux ont été interprétés en termes politiques très tôt. Vers 1555, Sleidan donne une vision politique des conflits opposants Charles Quint aux princes et villes protestants d'Allemagne. Au XVIIe siècle, les protestants français présentent les « guerres de religion » comme un événement purement politique, engendré par les ambitions des Guise. Lucien Romier, 1913, Origines politiques des guerres de religion.
[...] La diffusion des ouvrages passe par le canal habituel des villes de foire, comme Francfort, et par le réseau des colporteurs. Une partie de la production est imprimée en latin et vise une clientèle internationale. L'imprimeur Froben à Bâle se spécialise dans ce type d'édition et exporte vers l'Italie, la France et l'Espagne. Hors d'Allemagne, des libraires se convertissent aux idées évangéliques. Ils se donnent pour mission de traduire en langue vernaculaire les écrits de Luther et de Zwingli, voire de les camoufler dans des livrets d'apparence anodine. [...]
[...] En Angleterre, le pouvoir compte sur l'usure du temps, sauf que la minorité catholique reste vivace alors que l'Église établie se divise. En France, le roi accorde des garanties à la confession minoritaire des garanties contre la pression des majoritaires. L'autre aspect est celui de l'acculturation. Tous les réformateurs, protestants ou catholiques, pensaient que l'Église devait être refondée. Les protestants lui reprochent d'avoir inculqué aux populations des idées fausses, les catholiques déplorent les insuffisances du clergé, responsable de l'ignorance des fidèles qui ont cédé à la séduction de la nouvelle religion. [...]
[...] La plupart de ces modérés restent dans le giron catholique, comme Michel Montaigne. Son Journal de Voyage trahit son attachement à la messe et à la Présence réelle, qu'il défend contre l'opinion des sacramentaires. Dans ses voyages cependant, il fréquente des protestants et pratique le dialogue interconfessionnel. Selon, l'exemple allemand prouve que la tolérance est possible. A Constance et à Mulhouse, catholiques et luthériens cohabitent. Le philosophe élabore dans les années 1580 un projet politique et religieux irénique, qui, pour Malcolm Smith, aurait inspiré les décisions d'Henri IV. [...]
[...] Les fêtes estivales de la Saint-Jean ou de la Saint-Pierre étaient considérées comme des abominations lascives par les pasteurs. Le rituel de l'affrontement revêt aussi un caractère politique. La foule agit avec la conviction de se substituer légitimement à une autorité défaillante. La foule est un corps organisé avec ses listes d'objectifs, ses signes de reconnaissance et ses mots de passe. Les troubles commencent parfois au son du tocsin. Ils s'achèvent par un défilé, où l'on escorte jusqu'à la prison les malfaiteurs de l'autre religion. [...]
[...] Cette révolte rurale et urbaine revendique le choix de pasteurs prêchant le pur Evangile et le rejet du servage au nom de la liberté acquise par le nom du Christ. Luther a considéré la guerre des paysans comme une déformation compromettant son message. Ce bouillonnement des esprits concerne aussi l'Italie, la France, l'Espagne B. La construction confessionnelle Sauf exceptions, les réformateurs ne voulaient pas, au départ, rompre avec l'Église. Ils veulent réformer l'Église latine en la rendant plus fidèle à ses origines. [...]
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