« Father of Scientific Management », telle est l'épitaphe que ses proches ont fait graver sur sa tombe, à Philadelphie, et que reprend le titre de sa célèbre biographie (Copley, 1923). Or, les termes de scientific management ou de « taylorisme » sont utilisés pour désigner deux réalités différentes. Ils désignent d'une part les idées et les méthodes proposées par Taylor, sur lesquelles sa paternité est incontestable, et d'autre part les diverses méthodes d'organisation du travail qui se mettent en place au cours de la première moitié du XXe siècle sous son influence, mais aussi celle de nombreux autres praticiens de l'organisation, et notamment d'Henry Ford (...)
[...] Cette prescription pose le fondement du mode de gestion du personnel associé au mode d'organisation du travail. Le recrutement doit se faire de manière scientifique, c'est-à-dire, explique Taylor, en recherchant en chaque individu la présence des qualités professionnelles dont l'analyse du travail a montré la nécessité. À chaque one best way correspond donc un first-class man, un ouvrier de première classe pour ce travail-là. Ainsi, la science du travail permet non seulement d'organiser la production de façon rationnelle, mais également de définir les critères de recrutement : on a là un nouveau témoignage de l'articulation rigoureuse prescrite par Taylor entre l'organisation du travail et la gestion des ressources humaines. [...]
[...] En cela, Taylor appartient entièrement au courant de rationalisation industrielle qui met en place, au début du XXe siècle, ce qu'on a pu appeler "l'usine nouvelle". S'il en devient son plus célèbre représentant, c'est parce qu'il a poussé à l'extrême sa volonté de réorganisation totale du système de gestion. Cette réorganisation totale de l'entreprise demande du temps : neuf mois à deux ans indiquait-il en 1898 comme durée probable de la réorganisation de la Bethlehem Steel ; cette durée passera à deux à quatre ans en 1903 dans Shop Management, voire même à quatre ou cinq ans dans certains cas (Principles, p. [...]
[...] Nous sommes là au cœur du problème des rapports entre l'organisation du travail et la gestion des ressources humaines : le degré de difficulté du travail va en effet définir le type d'individu à recruter. Or, Taylor va introduire dans la détermination de ce degré de difficulté la prise en compte explicite des possibilités concrètes du marché du travail local : l'allure de travail souhaitée doit correspondre aux possibilités réelles de recrutement. Cette relation dialectique entre temps alloué et recrutement exprime clairement l'empirisme de la démarche taylorienne La prescription des tâches : Task system, task management, tels étaient les termes les plus utilisés par Taylor pour désigner sa doctrine d'organisation, avant que ceux de scientific management ne soient adoptés en 1910. [...]
[...] On ne peut que regretter sa trop faible diffusion dans les entreprises. Pour conclure cette présentation de l'apport de Taylor, on soulignera son adéquation étroite à l'univers mécaniste des industries manufacturières de la seconde révolution industrielle. Le développement de l'automatisation flexible et des technologies de l'information et de la communication au cours du dernier quart du XXe siècle ont profondément transformé les conditions d'exercice du travail industriel. L'obsolescence de la plupart des méthodes issues de Taylor ne laisse subsister que l'essence de la pensée taylorienne : l'efficacité de la prescription de modes opératoires optimisés destinés non à déterminer entièrement le travail réel, mais à orienter et organiser son action. [...]
[...] L'interprétation la plus bienveillante consiste à les considérer comme des études de cas forgées certes à partir d'éléments historiques, mais très largement reconstruites pour faciliter l'accès du grand public aux principes et aux méthodes du scientific management. On trouve cependant dans The Principles un rééquilibrage très important du rôle de l'étude des modes opératoires par rapport à l'étude des temps, qui constituait le thème principal de Shop Management. Ce rééquilibrage nous paraît absolument conforme à ce que Taylor n'a cessé d'exprimer et de préconiser (Pouget, 1998). La postérité a principalement retenu de Taylor ses propositions en matière d'organisation du travail. [...]
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