La multiplication des procès de sorcellerie et des théories démonologiques a produit la fiction d'une secte de « sorcières diaboliques » dont les membres dénués de tout véritable savoir ou pouvoir personnel, étaient liés au diable qui agissait par leur intermédiaire. Les mythes sataniques s'installèrent dans les esprits en même temps qu'un catholicisme de la peur, développé par la Contre-réforme. Ceci conduisit les élites sociales, donc les juges, à s'intéresser aux agissements de certains humains tentés par Satan, pour se protéger de l'emprise de celui-ci qui augmentait à cette époque. C'est donc la perception qu'en avaient les élites sociales qui se modifia. De tolérée, voire partagée, la sorcière devint crainte jusqu'à la supprimer. Aussi, pourquoi et comment la sorcière, et la sorcellerie, furent-elles prises à partie par les élites sociales et culturelles ainsi que les masses populaires, au point d'en faire un stéréotype à éliminer pour sauvegarder l'ordre politique et religieux ?
[...] Une procédure d'exception fut mise en place, dans le cadre d'une répression criminelle de plus en plus sévère. En effet, la répression partit du haut de l'échelle mais ne prit de l'ampleur que parce qu'elle fut relayée au sein même des villages au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Car si le mouvement de la chasse aux sorcières vint du haut, s'il fut véhiculé par la théorie démonologique, il n'empêche qu'il eut besoin pour se diffuser dans les campagnes pour durer des décennies et même des siècles, d'un minimum de complicité des ruraux eux-mêmes. [...]
[...] Les dernières décennies du XVIIe siècle ont vu s'opérer un complet renversement de situation car la société d'Ancien Régime évoluait et la lutte menée par les élites contre la vision du monde magique des ruraux perdait de sa virulence, l'Eglise notamment se tournant vers de nouveaux et redoutables ennemis comme les philosophes du XVIIIe siècle Notes 1 : Chaunu, Sur la fin des sorciers au XVIIe siècle dans Annales ESC, juillet-août : Trevor-Roper, L'épidémie de sorcellerie en Europe aux XVIe et XVIIe siècles dans De la Réforme aux Lumières, coll. Bibliothèque des Histoires, Gallimard : Muchembled, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (XVe-XVIIIe siècle), Flammarion (réédition 2002) : Muchembled, La sorcière au village : XVe-XVIIIe siècle, Folio Histoire (réédition 1991) : dir. Muchembled, Magie et sorcellerie en Europe du Moyen Age à nos jours, Armand Colin : Soman, Sorcellerie et justice criminelle. Le parlement de Paris (XVIe- XVIIIe siècle), Variorum Reprints : Mandrou, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle. [...]
[...] En effet, les croyances populaires furent vulgarisées par l'imprimerie pour une codification et une diffusion efficaces. Ainsi, la démonologie orale devint une démonologie en partie écrite donc plus stéréotypée et moins vivante. Et c'est comme cela qu'une partie du monde paysan relaya les stéréotypes savants et adhéra d'une certaine façon à la persécution du nouveau bouc émissaire établi : la sorcière. Il est possible d'effectuer un parallèle entre la persécution des juifs et celle des sorcières qui atteignirent toutes deux leur paroxysme au même moment quoiqu'en des lieux différents9. [...]
[...] cit : Palou, La sorcellerie, coll. Que sais-je PUF (réédition 2003) : voir annexe : Ginzburg, Le sabbat des sorcières, coll. Bibliothèque des Histoires, Gallimard (traduction Française) : Sallmann, L'Europe du sabbat dans L'Histoire n°165, avril : Michelet, La sorcière, Tome 1 et édition originale publiée avec notes et variantes par Lucien Refort, M. Didier Bibliographie Ouvrages généraux Muchembled, La sorcière au village : XVe-XVIIIe siècle, Folio Histoire (réédition 1991) Mandrou, Magistrats et sorciers en France au XVIIe siècle. Une analyse de psychologie historique, Plon Palou, La sorcellerie, coll. [...]
[...] C'est pourquoi les juges cherchaient à faire avouer aux accusées tous les crimes sexuels imaginables avec le diable. Les sorcières qui s'exilèrent spontanément pour fuir la justice, furent nombreuses. Le désastreux itinéraire de nombre de sorcières rurales peut être reconstitué : soupçonnées, pour des raisons quelconques, elles subissaient l'épreuve de l'eau ou étaient piquées à la recherche de la stigma diaboli. Si elles ne succombaient pas à ces mauvais traitements, elles étaient abandonnées et étaient incitées à s'exiler, ce qu'elles faisaient parfois de leur propre chef ou sous la pression de l'hostilité de leurs concitoyens. [...]
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