La fin peu glorieuse de la Monarchie de Juillet a pris tout le monde de court, aussi bien les orléanistes que les républicains. Elle est avant tout l'oeuvre du peuple de Paris qui va rapidement déborder sur leur gauche les chefs républicains. Les premiers temps de cette République sont marqués par un sentiment de fraternité. La thématique républicaine se fraye facilement un chemin dans les années 1840 et avec cette révolution on pense que l'heure du suffrage universel et des réformes sociales est enfin venue. C'est la République de Michelet, débarrassée de l'égoïsme social et du libéralisme comme de la Terreur qui avait accompagnée la Ière République robespierriste. Mais l'ambiguïté du nouveau régime apparaît dès la formation du Gouvernement provisoire (autoproclamé) au soir du 24 février. On y trouve d'abord sept des députés dits « radicaux » de la Chambre, proches du journal le National mais sans véritable programme social ; ce sont des politiques, des républicains modérés : Dupont de l'Eure, déjà député sous le Directoire, Garnier-Pagès, l'avocat Crémieux, Marie, l'astronome et mathématicien Arago, le poète Lamartine, et Ledru-Rollin, aux idées sociales déjà plus avancées. Mais les insurgés parisiens imposent par une forte pression l'entrée de quatre nouveaux membres (...)
[...] L'élection présidentielle Elle est prévue pour le 10 décembre. Cinq candidats en présence : Lamartine, Raspail (socialiste), Ledru-Rollin (républicain social), Cavaignac (républicain modéré) et Louis-Napoléon Bonaparte (Parti de l'Ordre, c'est-à-dire les royalistes masqués : Thiers se serait bien vu candidat mais il était profondément détesté par ses amis politiques du Parti de l'Ordre). Les royalistes pensent pouvoir manipuler facilement le neveu de l'Empereur : c'est un crétin qu'on mènera disait Thiers. Lamartine reçoit voix, Raspail Ledru-Rollin Cavaignac et Bonaparte Le premier Président de la République a donc cette particularité de ne pas être républicain. [...]
[...] Napoléon sert alors de défouloir à tout un peuple. Il est suffisamment ambigu pour concentrer sur sa personne des intérêts contradictoires. La République a oublié les paysans, pour lesquels elle ne signifie rien, sinon peut-être le suffrage universel. Le neveu comme le surnomme Marx, a également bénéficié de la renommé de son oncle, portée par la Légende dorée, qui n'a laissé aux paysans que les bons souvenirs, les souvenirs mythifiés : le nom de Napoléon est le seul à faire sens, à évoquer quelque chose dans l'esprit des paysans. [...]
[...] Le 15 mai est organisée une grande manifestation des socialistes en faveur de l'insurrection polonaise, qui tourne assez rapidement à la tentative de coup d'Etat : l'Hôtel de Ville est pris, puis le Palais Bourbon. Les insurgés proclament la fin de la Commission exécutive et l'avènement d'un gouvernement révolutionnaire mais ils sont rapidement matés par la Garde mobile et tous les chefs socialistes (Raspail, Barbès, Hubert, Blanqui ) sont alors arrêtés. Certains historiens, comme Dolléans, ont vu dans cette journée du 15 mai une provocation policière. Quoiqu'il en soit, ce putsch raté est suivi d'une grande campagne visant les socialistes. Crémieux écrit un pamphlet sur le péril rouge Tocqueville n'est pas en reste. [...]
[...] La Constituante, consciente du camouflet qu'elle vient de recevoir, se dissout et en mai 1849 ont lieu de nouvelles législatives. L'abstention cumule à le double de ce qu'elle était en avril 1848, ce qui traduit bien la désillusion éprouvée par le corps électoral. Les républicains modérés, qui formaient la base de la Constituante, subissent un cuisant échec, tandis que le Parti de l'Ordre (qui regroupe les deux familles royalistes provisoirement réunies contre la République, légitimistes et orléanistes) remporte 450 des 750 sièges. [...]
[...] C'est aussi l'enterrement de ces grandes idées qu'on avait cru si proches de se réaliser : le droit à l'assistance, au travail, à l'instruction publique En revanche le suffrage universel s'ancre profondément dans la vie politique française : plus aucun régime ne le remettra désormais en cause (sauf le régime de Vichy, qui ne l'appliquera pas). Bonaparte, lui-même un produit du suffrage universel, a désormais les rênes du pouvoir bien en main, et il bénéficie de surcroît de l'appui du Parti de l'Ordre : il va pouvoir désormais enterrer légalement la Seconde République et préparer l'avènement du Second Empire. [...]
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