L'état de « religieuse hospitalière » recoupe des réalités totalement diverses. La grande majorité d'entre elles étaient des augustines, ce qui ne facilite pas non plus une quelconque détermination. En effet, ce terme est une commodité, pour désigner toutes les familles spirituelles qui se rattachent à la règle de St Augustin. Ces femmes œuvraient dans une centaine de communautés en France aux XVIe et XVIIe siècles.
C'est au XIIIe siècle que ces communautés s'organisent en monastères doubles (fratres et sorores sancti Augustini). Le plus ancien dont on connaisse la date de création est l'Hôtel-Dieu de Montdidier (Somme), réformé en 1207. L'Hôtel-Dieu de Pontoise, d'où sont issues les augustines de l'hospice de Mantes au XVIIe siècle, a vécu sa réforme en 1249. Cela correspond au sens voulu par le concile de Paris de 1212, au cours duquel l'Eglise émît des prescriptions sur la tenue des structures hospitalières. Il était ainsi convenu que les frères et les sœurs dussent prononcer les trois vœux, porter l'habit et ne pas être trop nombreux pour préserver le bien des pauvres.
Le statut des religieuses hospitalières mérite un approfondissement, en ce qu'il combine deux réalités qui peuvent paraître s'opposer. Ces femmes sont des moniales, ou tout au moins considérées comme telles, notamment à partir du Concile de Trente. Pourtant, de par leurs fonctions, elles ont un rôle concret et actif sur la société, et ne sont pas contemplatives. Ces femmes mènent « une vie consacrée à Dieu et aux pauvres qui associe les obligations réciproques de l'hôpital et du monastère ». C'est ainsi que l'on nomma « chanoinesses » ces femmes qui, pour vivre en moniales, avaient pourtant un rôle dans le « siècle » et ne prêtaient donc que des vœux simples.
[...] On peut citer l'exemple des chanoinesses augustines de la Miséricorde de Jésus, dans leur constitution de 1666 : Il y aura dans chaque maison de l'Institut deux sortes de biens, l'un des pauvres, l'autre des religieuses qui ne pourront en aucune façon mêlés. Les religieuses n'auront aucun droit sur celui des pauvres. Semblablement, les administrateurs des biens des pauvres n'auront aucun droit sur le bien et revenu des religieuses[16] D'après Marie-Claude Dinet-Lecomte, la fin de l'Ancien régime opère une évolution : la plupart des religieuses ne disposent plus de mense particulière. [...]
[...] Dans le cas de Mantes, il est clair que la richesse de l'hospice est dû en grande partie aux loyers des dames pensionnaires, de même qu'aux sommes reçus par le Trésor pour l'entretien des soldats. L'autosuffisance financière des sœurs hospitalières est une nécessité pour beaucoup. Il n'est pas rare que les municipalités ou les autorités ecclésiastiques craignent que ces femmes se reposent sur des biens qui ne sont pas les leurs, ou qu'elles demandent une aide pour faire vivre leur communauté. Ainsi, l'évêque de Dol n'accepta pas l'installation des augustines à Lannion sans qu'elles aient prouvé être en possession d'un fonds assuré pour leur subsistance. [...]
[...] La question de l'héritage est fondamentale dans les communautés religieuses, car, en théorie, l'entrée en religion correspond pour une femme à sa mort civile. La nouvelle religieuse renonce définitivement aux biens de sa famille. Pourtant, on connaît des cas de tolérance dans les communautés vouées à la charité. Par exemple, dans celle d'Ermemont (actuelle Seine maritime), le règlement prévoit que les sœurs prononcent des vœux simples peuvent hériter de leurs parents et réciproquement A Mantes, la stricte politique en matière d'héritage des réguliers est reprise dans la coutume de la ville de 1556. [...]
[...] Néanmoins, il ne semble pas avoir été fait de remontrances aux sœurs quant au strict respect de leur clôture. La seule exigence qui s'approcherait de cette problématique concerne la prieure, à qui il est intimé l'ordre en 1638 de résider dans le logement prévu (situé dans l'enceinte de l'Hôtel-Dieu)[6]. On remarque également que l'astreinte à la clôture n'est en aucune façon évoquée dans les divers procès contre les sœurs qui ont eu lieu au XVIIIe siècle. Il est vrai que cette question pouvait alors paraître obsolète. [...]
[...] LE GRAND (Léon), Les Maisons-dieu et leurs statuts au XIIIe siècle Revue des questions historiques. Société bibliographique de Paris MUSSET (Jacqueline), Administration hospitalière et anticléricalisme municipal à Caen à la fin de l'Ancien Régime Annales de Normandie, décembre 1980. PIACENTINI (René), Les chanoinesses régulières et hospitalières de la Miséricorde de Jésus, Vanves-Malestroit 398p. PROU (Jean), La clôture des moniales, Paris 272p. CANDILLE (Marcel), Les statuts de la Maison-Dieu de Vernon Bulletin de la Société Française d'histoire des hôpitaux : La référence à St Augustin n'est qu'une indication sur le genre de vie qui n'implique nullement l'existence d'un lien fédératif qui aurait uni Vernon à d'autres Hôtels-Dieu p.19. [...]
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