Au XIIe siècle, le contact entre les trois civilisations de la Méditerranée est avant tout marqué par la violence. Or, avec les croisades, un nouveau type d'affrontement apparaît : la guerre sainte. La chrétienté prêche la croisade pour reprendre la Terre Sainte aux musulmans. La volonté de défendre la chrétienté justifie l'utilisation de la violence et procure le salut à ceux s'y livrent. La croisade représente donc une des manifestations les plus achevées de l'engagement chrétien dans ce siècle. A côté de ce dévouement chrétien, les musulmans ne considèrent pas la croisade comme un événement nouveau et particulier, mais comme le prolongement des guerres avec Byzance. Plus tard, avec la prise de conscience du danger chrétien, la notion de djihad, participation collective à la lutte pour l'expression et la défense de l'Islam, reprend une certaine vigueur. Les deux textes qui nous sont présentés relatent tout deux, de manière différente, la réaction qu'opposent les musulmans face à la croisade des chrétiens d'Occident au XII° siècle. Le premier de ces textes est extrait d'un Traité du Djihâd écrit en 1105 par le juriste originaire de Damas, Al Sulamî (1039-1106). Il fut traduit par Claude Cahen dans Orient et Occident au temps des croisades et publié en 1983. Dans ces lignes, Al Sulamî relate, à travers un jugement assez dur, comment les Francs ont réussis à avancer jusqu'en Terre Sainte, pourquoi les pouvoirs musulmans n'ont pas réagis et quelles sont les mesures à prendre pour que l'Islam reprenne le dessus sur l'envahisseur infidèle.Il y préconise une réaction religieuse aboutissant au Djîhad. Le second texte écrit par Ibn Asâkir (1121-1193), traduit par Nikita Elisséef et publié en 1972 dans Bulletin des études orientales, relate brièvement comment Nûr al-Dîn, célèbre chef de guerre musulman, consacra tous ses efforts à lutter contre la croisade des Francs et l'opposition chiite. On peut alors se demander quel rôle a joué le contexte politique musulman dans l'invasion franque ? Et en quoi peut on dire que la réaction des musulmans est évolutive ? Nous allons donc voir d'où provenait l'instabilité politique et religieuse initiale qui a permit aux Francs d'avancer jusqu'en Terre Sainte, en quoi la réaction militaire et idéologique mis en place après la prise de Jérusalem n'a pas été la plus adéquate, et enfin comment la renaissance du Djihad a permit de chasser « l'infidèle » de la Syrie.
[...] Nous allons maintenant voir quelle a été la progression des Francs en direction de leur but ultime, la Terre Sainte, par quelles étapes ils sont passés face à un ennemi divisé qui a du mal a organisé sa défense. L'avancée des Francs et la prise de Jérusalem A travers cette partie on essaie de répondre à plusieurs questions laissées en suspend, sous entendues dans le texte d'Al Sulamî. Quels territoires les Francs parviennent-ils à conquérir et dans quel objectif réalisent-ils ces conquêtes ? Par quels moyens parviennent-ils à avilir les populations conquises ? Comment peut-on qualifier cette entreprise présumée sainte ? [...]
[...] Il consiste, selon la doctrine classique, en la défense de l'islam par les armes puis de son expansion. On voit bien ce rôle de défense de l'islam dans le texte 1 avec l'expression à la ligne 17 : pour dissuader les ennemis de la religion d'Allah de désirer d'entreprendre de nouveau une telle expédition (la croisade). Le djihâd n'est donc pas une fin en soi mais une mission donnée par Dieu et Mahomet aux croyants pour étendre le règne de l'islam. Le souverain doit normalement le pratiquer une fois par an. [...]
[...] Dès les premières lignes, Al Sulamî parle d'une conquête par les infidèles (L.1) des terres musulmanes. Il cite en premier lieu la Sicile que les chrétiens ont assaillie à l'improviste puis les villes d'Espagne dont ils s'emparent l'une après l'autre (L.3) et enfin de la Syrie qu'ils tentent d'envahir (L.5) pour arriver jusqu'à la ville Sainte de Jérusalem, au comble (L.5) des vœux chrétiens. Examinons maintenant d'un peu plus près ces différentes phases de conquête de l'Occident chrétien. D'un point de vue chronologique, c'est dans al-Andalus que se manifestent les premiers signes de l'affaiblissement qui affectent l'ensemble de l'Islam face au monde Latin au cours du siècle. [...]
[...] Avec le lancement de la première croisade par l'appel du pape Urbain II le 27 novembre 1095, nous allons voir que la situation de reconquête, de colonisation n'est pas la même. L'appel du Pape pour libérer les lieux saints est entendu dans tout l'Occident chrétien et génère des mouvements de croisades spontanées. Ainsi, le 15 Août 1096, chevaliers et barons qui se sont regroupés entament un périple en direction de Constantinople, lieu de rendez-vous de croisés d'horizons différents venus effectuer leur pèlerinage guerrier jusqu'en Terre Sainte. [...]
[...] Des lignes 20 à 23, Al Sulamî parle de conquête du pays par des infidèles, d'expatriation forcés des uns et de vie d'humiliation des autres avec tout ce que cela comporte : carnage, captivité et supplices Etant directement concernés, les musulmans comprennent parfaitement la situation difficile qui sévit dans leurs pays, mais on peut se demander pourquoi ils ne tentent aucune réaction immédiate Pourquoi les souverains musulmans, aussi nombreux soient ils, n'organisent ils pas une riposte à cette invasion des ennemis de la religion d'Allah (L.17) ? II) La relative passivité des Musulmans face à la Première Croisade On peut bien sûr se demander les raisons d'un tel manque de réaction. Il faut savoir qu'au début de la première croisade, les Francs sont appelés les Roms, c'est-à-dire les Byzantins ; les croisades sont donc prises pour une nouvelle manifestation de Byzance. Or le djihad contre cet empire est déjà oublié depuis longtemps, ceci expliquant le peu de méfiance ressenti à l'égard de cette invasion. [...]
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