En quoi la conquête des Indes occidentales a-t-elle questionné l'autorité étatique espagnole ?

Résumé du document

Hispaniola fut le nom donné par C. Colomb à l'île d'Haïti lorsqu'il la découvrit en 1492. Preuve en est des liens étroits tissés dès le départ entre la Couronne espagnole et ses territoires d'Amérique. Jusqu'au XVIIIe siècle, elle les a désignés par le mot Indes - remontant à l'erreur de C. Colomb qui pensait avoir rejoint l'India major. Suite aux grandes découvertes, le Pape divisa le monde entre les Couronnes du Portugal et de Castille, à celle-ci était attribuée l'exploration de toutes les îles et terres fermes situées à l'ouest d'une ligne tracée de pôle à pôle. S'ensuivit un accord entre les deux monarchies.

Notre étude se limite ainsi aux territoires espagnols de leur conquête dès 1492 jusqu'à la veille de leurs indépendances au XIXe siècle. La conquête de l'Amérique fut un défi pour l'autorité espagnole qui dut s'adapter à de nouvelles situations. La monarchie espagnole a ainsi profité des ressources américaines mais ce ne fut pas sans obstacle. Comment la conquête de l'Amérique a-t-elle donc modifié l'autorité étatique espagnole ?

Extraits

[...] La législation royale connut également des flottements sur la question de l'esclavage des Indiens. Si elle finit par l'abolir, il demeurait de fait. Leurs intérêts étant opposés, les relations entre les espagnols d'Amérique et de métropole ne pouvaient être que difficiles. Cet affrontement conduisit l'Etat à accentuer son emprise coloniale. Se développa aussi un affrontement entre anciens et nouveaux arrivants comptant sur la faveur des gouvernements pour obtenir les honneurs que les vieux coloniaux estimaient devoir leur revenir en priorité. [...]

[...] du Centre National de la Recherche Scientifique Du Siècle d'Or au Grand Siècle, l'Etat en France et en Espagne XVIème - XVIIème siècles par Françoise HILDESHEIMER, éd. Flammarion . Dérivée de La Española l'Espagnole. . La bulle Inter Caetera . Le traité de Tordesillas (1494) fixa la ligne de séparation idéale à 450 lieues à l'Ouest des îles du Cap-Vert. . L'armée joua un rôle seulement à partir du XVIIIe siècle . Selon Christian Hermann dans Le premier âge de l'Etat en Espagne, 1450- . Selon Françoise Hildesheimer dans Du Siècle d'Or au Grand Siècle, l'Etat en France et en Espagne XVIè - XVIIes siècles. [...]

[...] Si l'on dépasse la simple union dynastique entre les royaumes, l'autorité du souverain demeure pourtant hétérogène et lacunaire. La monarchie hispanique délègue aux municipalités et aux seigneuries la mise en oeuvre de sa politique. On pourrait ainsi parler des Espagnes comme d'un ensemble de royaumes unis sous une même monarchie[6]. L'Etat hispanique se développe pourtant sous le règne des Rois Catholiques et dès le début de celui de Charles Quint. L'échec de la tentative de ce dernier de mettre en place un Etat multinational ne fera que renforcer le passage à l'Etat moderne. [...]

[...] Les oppositions sur la question du traitement des Indiens étaient particulièrement fortes. La reine Isabelle permit l'établissement des encomiendas où les colons disposaient d'Indiens pour leur main-d'oeuvre en échange de leur évangélisation. Mais leur effroyable condition fut dénoncée dans la péninsule touchée par les écrits de Las Casas. La guerre, l'asservissement des indigènes étaient-ils compatibles avec l'objectif d'évangélisation? Ce mouvement d'opinion aboutit à la promulgation en 1542 des Leyes Nuevas qui interdirent toute attribution d'Indien et toute encomienda après la mort de son bénéficiaire ce qui souleva aux Indes de vives protestations. [...]

[...] En conclusion, la conquête de l'Amérique a bouleversé l'autorité étatique espagnole. Cette dernière a dû s'adapter à des modes de gouvernement différents ce qui ne fut pas sans tâtonnement, hésitations et affrontements. Néanmoins dans un cadre plus large, cet épisode s'inscrit dans une période de modernisation de l'Etat espagnol où une limitation de sa souveraineté internationale est mise en exergue par des débats théologiques. Débats toujours pertinents aujourd'hui tant la question de guerre juste, à la fois en terme de justice, de droit et de moralité, anime encore nos relations internationales. [...]