« Plutôt une injustice qu'un désordre » Cette phrase de Metternich pourrait tout à fait résumer la pensée antidreyfusarde qui se développe en France à la toute fin du XIX° siècle, opposée aux principes révolutionaires qui privilégient les droits individuels et la justice à l'ordre.
Dans une France, en apparence stabilisée, avec une République modérée qui bénéficie du soutien d' une partie de la droite ralliée et surtout d'une forte croissance économique, et tournée vers un désir de revanche envers l'Allemagne, un « simple » procès d'espionnage va déchainer les passions et devenir « l'Affaire Dreyfus », sur laquelle il est indispensable d'avoir un avis.
En octobre 1894, le capitaine Alfred Dreyfus est accusé d'espionnage pour le compte de l'Allemagne et est condamné à la déportation à vie par les sept juges du Conseil de guerre.
Si dans un premier temps sa culpabilité fait l'unanimité, la découverte du vrai coupable: le commandant Esterhazy, du faux du colonel Henry mais surtout la lettre ouverte d'Emile Zola vont faire du procès « l'Affaire » qui devient le symbole d'une opposition croissante entre « deux France » jusqu'à la révision du procès et la grâce de Dreyfus en 1899 puis sa réhabilitation en 1906.
On peut alors se demander en quoi l'affaire Dreyfus divise-t-elle la France?
[...] La stabilité est ensuite renforcée par la loi d'amnistie pour tous les faits connexes à l'affaire afin de stopper les procès qui s'annoncent et en contre partie le combat anticlérical est repris pour rassurer la nouvelle majorité comme nous venons de le voir. Le souci d'ordre a donc prévalu. L'innocent et les valeurs qui s'attachaient à sa cause comptèrent moins, dans le dénouement du débat, que le désir de faire progresser le contrôle parlementaire sur les institutions publiques, et sur l'armée surtout, bastion des droites antirépublicaines. Sur dix années, l'affaire Dreyfus aura donc était un révélateur des troubles généraux d'une époque et des forces opposées latentes, divisant le pays en deux France et proposant deux visions politiques de l'ordre social. [...]
[...] Si l'affaire est le creuset où furent fondues les pensées et la mythologie d'une extrême droite durable, l'ordre et une certaine forme viable de la République anticléricale qui prend ses distances avec son Armée ont finalement triomphé. Elle est aussi une des inspirations du mouvement sioniste de Theodor Herzl. L'affaire Dreyfus n'a donc pas réellement prit fin en 1906. Malgré la mort de Dreyfus en 1935, le symbole qu'il incarnait ne s'éteint pas avec lui. Ainsi, on peut citer la célèbre phrase de Charles Maurras, prononcée lors de sa condamnation devant la Haute Cour de justice de Lyon, pour collaboration en janvier 1945: C'est la revanche de Dreyfus! [...]
[...] A l'inverse, pour les intellectuels dreyfusards tel que Alphonse Darlu, l'individu fait partie intégrante de la société dans laquelle il vit. Ils reconnaissent l'existence d'autorités légitimes mais pensent l'émancipation de la personne humaine comme le propre de l'histoire. L'unité de la nation réside en une union des volontés, et non en cette unité d'action qu'assure la force Ils sont donc plus fidèles à la tradition des Droits de l'Homme et veulent d'une République éclairée en défendant la liberté d'examen comme le principe de la civilisation moderne. [...]
[...] L'affaire rendant l'antisémitisme incompatible avec les idéaux républicains et socialistes, une grande manisfestation est organisée à Longchamp le 11 juin 1899 puis un grand défilé le 19 novembre à l'occasion de l'inauguration du Triomphe de la Répépublique de Jules Dalou place de la Nation, montrant ainsi la capacité des fractions à surmonter leur hétérogénéité pour défendre la République contre les tentatives de déstabilisation nationalistes. C. Une France dreyfusienne pour le maintien de l'ordre et la fin de la crise En réaction à la politisation de l'affaire, avec entre autres ces tentatives de soulèvement, un ministère de Défense républicaine est mis en place sous la direction de Waldeck Rousseau. La crise qu'a provoquée l'affaire Dreyfus et les forces politiques qu'elle a révélées finissent par menacer la stabilité nationale et l'autorité de l'Etat. [...]
[...] des antidreyfusards Forain et Caran d'Ache et Le Sifflet d'Ibels. Mais les plus radicaux sont même antimilitaristes et les organes socialistes, comme Le Parti ouvrier, ou anarchistes, comme Les Temps nouveaux, décrivent l'armée comme un instrument d'imbécile et continuelle destruction C. La suprématie de la nation ou celle de l'individu? Cette divergence de point de vue conduit également à un débat plus abstrait sur la cohésion sociale et le rôle des intellectuels Si les intellectuels dreyfusards apparaissent comme des individualistes oublieux des impératifs patriotiques comme une aristocratie de l'intelligence (Ferdinand Brunetière) aux antifreyfusards, ces derniers mettent en avant la préservation du lien social et de l'ordre. [...]
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