Au début de l'année 1449, Charles VII décide de rompre la trêve avec l'Angleterre, décidée en 1444, et de reprendre la guerre en Normandie. Un capitaine anglais, François de Surrienne, a en effet envahit la Bretagne par surprise. Le roi peut donc compter sur le duc de Bretagne François Ier qui le soutient à l'ouest. Les comtes d'Eu et de Saint-Pol attaquent au nord, tandis que le comte de Dunois est au centre. La population normande facilite les opérations militaires françaises, une grande partie des paysans étant favorable à Charles VII. En octobre, ce dernier accorde également une amnistie totale aux habitants de Rouen, ce qui lui concilie les bourgeois et facilite ainsi la reprise de la ville : le 10 novembre 1449, Charles VII fait une entrée triomphale dans la capitale normande. L'entrée d'un roi de France dans l'une de ses bonnes villes donnait lieu à une cérémonie solennelle à chaque première entrée d'un règne. Ces entrées permettent au roi de se donner à voir à ses sujets et d'affirmer son pouvoir de façon concrète pour les habitants du royaume, qui n'assistaient généralement pas au sacre ou aux funérailles. Ces cérémonies évoluent vers un rite de plus de plus complexe et de plus en plus fastueux au cours du XVe siècle. L'entrée de Charles VII dans Rouen nous est relatée ici par un témoin anonyme, mais d'autres descriptions existent dans la Chronique de Normandie, ou dans la Chronique d'Enguerrand de Monstrelet. L'auteur décrit le déroulement de l'entrée royale et ses différentes étapes jusqu'à l'arrivée dans la cathédrale de Rouen, en donnant des détails précis sur les habits portés par les participants et sur les personnages des scènes présentées par la ville. L'entrée du roi, qui marque généralement le début d'un dialogue entre le roi et le corps urbain, met ici l'accent sur la soumission de la ville à Charles VII. En quoi, à travers des représentations symboliques et emblématiques, la victoire du roi est-elle particulièrement mise en valeur dans cette entrée de Charles VII ? Le caractère victorieux du roi est tout d'abord souligné à travers la mise en scène du pouvoir de la monarchie lors de l'arrivée du cortège royal. La ville manifeste de plus sa soumission à Charles VII. Enfin, la représentation des hiérarchies traduit la volonté d'un retour à l'ordre après la guerre.
[...] Ceux-ci sont peu représentés dans les entrées royales avant 1449. Ils symbolisent ainsi l'ordre normal de la société, dominée par le roi, seigneur naturel, ce qui d'autant plus important après la guerre qui a perturbé l'ordre voulu par Dieu. Le retour à la paix est également célébré à l'Eglise par ung notable maistre en theologie l ce qui contribue à la louange de Charles VII, vainqueur des Anglais. A travers ce discours qui glorifie le roi, les habitants de Rouen veulent montrer que le contrôle de la ville par Henri VI n'était pas accepté par la population, pour qui le seul souverain naturel a toujours été Charles VII, et que la reconquête de la Normandie, qui rétablit la paix, correspond à l'ordre des choses, c'est- à-dire à l'ordre divin. [...]
[...] Les archers les suivent (l. puis les bourgeois. Au centre se trouvent les insignes royaux, de façon à exalter la monarchie plus que la personne du roi. Ce dernier suit, et les princes derrière lui. Chaque ordre possède un costume spécifique qui le rend reconnaissable : les bourgeois sont tous vestus de bleu et chapperons rouges (l.21), le bleu étant la couleur du ciel serein, souvent associée à la monarchie en tant que couleur de Dieu. Les évêques qui accueillent le roi devant la cathédrale portent eux aussi les vêtements propres à leur fonction : l'arevesque de Rouen, l'evesque de Lizieux, l'evesque d'Evreux et l'evesque de Coustances, tous revestuz et les mitres sur leur testes (l. [...]
[...] L'entrée de Charles VII dans Rouen marque ainsi une étape importante dans la mise en scène de la séparation du corps physique du roi et de la dignité royale. Séparer ainsi la personne de la dignité permet de plus au roi d'affirmer la continuité de son pouvoir même lorsqu'il est absent. La ville répond à ce déploiement de puissance par des actes qui symbolisent sa soumission, montrant ainsi l'acceptation du pouvoir royal. La soumission de la ville La remise des clés troys a quatre cens bourgeois, [ ] lesquielx offrirent leurs corps et leurs biens au roy et luy presenterent les clefz (l. [...]
[...] La fontaine est par exemple un élément récurrent depuis l'entrée de Charles VI à Paris en 1380. Ici, elle est associée à la ville, ce qui n'est pas fréquent lors des entrées de cette période : c'est un mouton qui porte les emblèmes de la ville : ung mouton qui avoit la livree, qui estoit bel et grand, et gictoit par les cornes et narine vin, et dessoulz eau par X ou par XII tuyaux (l. 28-29). La ville met surtout l'accent sur les thèmes destinés à souligner la soumission au roi, alors qu'en général les spectacles représentés s'inspiraient de la tradition religieuse. [...]
[...] L'auteur du récit mentionne également une beste qui pourtoit le feu roy en livree (l. 31- 32). C'est également la première fois que le roi défunt est représenté dans une entrée royale. Il s'agit certainement ici, pour les habitants de Rouen, de légitimer Charles VII, surtout après les prétentions anglaises à la Couronne de France et le traité de Troyes de 1435 qui excluait le dauphin Charles de la succession. Dans d'autres récits de l'entrée de Charles VII a Rouen, certains chroniqueurs désignent cette bête comme un tigre dont les petits se miraient dans l'eau ce qui rappelle l'emblème de Charles VI (la genette). [...]
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