La loi salique qui organise en France la transmission héréditaire de la couronne par primogéniture mâle ne laisse a priori aucune place aux femmes en matière de pouvoir. Pourtant, au cours du XVIIe siècle, par deux fois, le royaume de France eut de fait une femme à sa tête. A la mort d'Henri IV en 1610 et à celle de Louis XIII en 1643 chaque fois, le dauphin laissé par le défunt roi n'est pas encore en âge de gouverner (13 ans selon l'ordonnance de Charles V en 1374), âgé respectivement de neuf et cinq ans. Les deux régences furent effectuées par Marie de Médicis et Anne d'Autriche. Deux femmes donc, mais aussi deux « étrangères ».
Lors de la minorité d'un roi, si l'on reconnaît au jeune monarque la plénitude de son autorité, on reconnaît également que celui-ci doit être suppléé dans la direction des affaires publiques le temps de parfaire son éducation et d'effectuer son apprentissage. Etant logiquement considérées comme chargées de l'éducation du jeune roi, les reines mères sont progressivement devenues les candidates quasi-naturelles à la régence lors d'une minorité. À tel point qu'à partir du XVe siècle, si l'on fait exception du cas de Philippe d'Orléans en 1715, la régence n'est plus confiée qu'à des femmes. L'autorité royale et la personne du roi n'étant au fil des siècles plus différenciées, on considéra peu à peu que la personne qui s'occupait du roi étant donc par là même titulaire de son autorité. Le processus de « confiscation » de la régence par les femmes ne s'est toutefois pas déroulé sans heurts et chaque nouveau cas de régence continua, malgré l'apparent consensus, à agiter et à susciter les passions ou ambitions de tous ceux qui pouvaient prétendre (de par leur sang ou leurs faveurs auprès du défunt roi) jouer un rôle pendant la régence. En effet, rien d'écrit, comme souvent en France, ne définit clairement qui doit être régent ni comment celui-ci doit exercer son autorité.
La régence en cas de minorité (à différencier de la régence en cas d'absence ou d'incapacité royale pour laquelle le roi, régnant, dispose d'une pleine autorité de nomination) est donc une période de transition : le roi confie à une tierce personne son pouvoir le temps d'être en mesure de l'exercer lui-même. Une régence n'est donc apparemment pas propice à de grands changements politiques ou à d'importantes innovations institutionnelles dans la mesure où le régent est censé remettre au roi lors de sa majorité le royaume dans l'état dans lequel il l'a trouvé. Dans un langage moderne, on dirait que le gouvernement de la régence n'est supposé s'occuper que des « affaires courantes » du royaume. C'est d'ailleurs sur ce critère que les différentes régentes furent très largement jugées. Maintenir l'Etat tel qu'il lui a été confié, voire en rétablir la prospérité passée, telles sont donc les tâches qu'une régente doit accomplir.
La régente dispose théoriquement de la totalité de l'autorité d'un souverain. Sa latitude d'action est en effet considérable. Le fait que les périodes de régences et notamment celles du XVIIe siècle soient si difficiles à délimiter précisément le démontre bien (la régence ne s'arrête pas subitement avec la majorité du roi contrairement à ce que les régentes elles-mêmes aimèrent à faire penser). Toutefois la marge de manœuvre se retrouve théoriquement (encore une fois) limitée par le but qu'elle est censée atteindre. Elle doit maintenir le bateau à flot, pas innover. En outre au cours d'une régence, la souveraineté étant toujours incarnée par la personne du roi mais l'autorité étant exercée de fait par la régente, elle apparaît comme une période propice aux contestations dans la mesure où contester la régente peut être justifiée par un certain « devoir de révolte » mettant en avant le fait que le roi est désabusé. Les contestations portant sur le gouvernement de la régente peuvent ainsi être différenciées d'une atteinte à l'autorité monarchique. C'est ainsi que les régences furent généralement des périodes d'affaiblissement du pouvoir royal.
Etudier le pouvoir monarchique sous les régences de début du XVIIe siècle s'avère donc doublement intéressant. En premier lieu parce qu'il s'agit donc de périodes d'affaiblissement supposé du pouvoir monarchique alors même que la tendance est à l'avènement de la monarchie absolue. Ensuite parce qu'il est intéressant de voir que malgré les innombrables contestations dont furent ponctuées les deux régences la personne du roi et l'institution monarchique ne furent jamais remises en question.
[...] En effet, pour tenter de satisfaire le plus grand nombre, la reine a nommé au conseil du roi tous les princes du sang ainsi que de nombreuses autres illustres figures de la noblesse. Réduit à l'essentiel sous le règne d'Henri IV, le conseil du roi devenait une sorte de parlement où le clan des bourbons et celui des Guise s'affrontaient sans jamais parvenir à une quelconque décision. Devant l'impossibilité de décider quoi que ce soit au conseil, la reine prit pour habitude de tenir des conseils secrets aux effectifs beaucoup plus réduits dans lesquels étaient prises les réelles décisions. [...]
[...] Par ailleurs, Henri IV mena avec succès auprès des grands une politique mêlant la carotte (pensions et charges) et le bâton (arrestations, exécutions) et s'arrangea pour que les mécontentements se dirigent plus vers son intendant général des finances, Sully, afin d'asseoir définitivement son pouvoir. Le règne personnel de son fils Louis XIII qui avait une très haute estime de sa mission, fut également marqué par l'incessante volonté du roi d'appuyer son autorité sur les princes et par l'accroissement permanent sous l'impulsion de Richelieu du gouvernement par l'extraordinaire (au détriment de l'ordinaire). Etudier le pouvoir monarchique sous les régences de début du XVIIe siècle s'avère donc doublement intéressant. [...]
[...] C'est ce contre quoi s'est battu le pouvoir monarchique durant toute la première moitié du XVIIe siècle au moins : cette distinction qu'il pouvait y avoir entre l'autorité du roi et la politique que mène son gouvernement. C'est ainsi que de plus en plus de petites émeutes autrefois anodines firent l'objet de rapports détaillés remis au conseil du roi. Beaucoup de conflits qui passaient inaperçus ont ainsi commencé à prendre un sens explicite de rébellion contre l'Etat. En tentant de couper ce mécanisme, le pouvoir monarchique prétendit faire triompher l'ordre sur le désordre mais il ne fit finalement que remplacer un ordre déjà existant par un nouveau. [...]
[...] Le geste de Ravaillac fut-il celui d'un illuminé ou bien le fruit d'un complot ? La question restera sans doute sans réponse. Toujours est-il que la disparition d'Henri IV est aussi brutale qu'inattendue. Malgré l'immense chagrin (certainement sincère) que provoque la mort de son époux chez Marie de Médicis, il faut agir rapidement afin de ne pas laisser le royaume sans gouvernance trop longtemps. Le roi n'avait absolument rien prévu en ce qui concernait une éventuelle régence s'il venait à mourir. [...]
[...] III Une tribune de contestation pour les grands du royaume Nous l'avons évoqué en introduction, les deux régences du début du XVIIe siècle furent le théâtre de contestations et de révoltes nobiliaires et parlementaires. En effet, la régente constamment à la recherche d'appuis est prompte à récompenser largement tous ceux qui manifesteraient explicitement leur soutien. Cela les grands le savent et en tirent profit à merveille. Les largesses accordées par Marie de Médicis furent telles qu'elle épuisa en quelques mois seulement l'importante réserve de liquidités accumulée par son mari. Les cadeaux sont distribués dès juin 1610 par Marie de Médicis. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture