« Il n'y a en effet qu'un pas du corsaire au pirate ; tous deux combattent pour l'amour du butin, seulement, le dernier est le plus brave, puisqu'il affronte à la fois l'ennemi et le gibet ». Cette citation de W. Irving dans Kidd le Pirate, permet de distinguer, contrairement à ce qui est largement répandu, les termes de « corsaire » et « pirate ». En effet, le premier pratique la course et l'autre le brigandage. Il s'agit donc ici de ne pas confondre « guerrier à la commission » ou « milicien de la mer » et « vulgaire brigand » ou « voleur des mers » selon l'expression d'Auguste Toussaint . L'activité de course nécessite l'autorisation d'un souverain, attribuée par le biais de la « lettre de marque », ce qui permet alors au pouvoir royal de la contrôler et de tenter d'éviter tout abus d'agressivité. S'il existe encore aujourd'hui une large confusion entre « pirates » et « corsaires », on peut penser que cette situation est la résultante d'une distinction qui fut pendant longtemps délicate : durant de nombreux siècles, les souverains ne respectèrent en effet que peu l'esprit de la lettre de marque et attribuèrent la même considération, sinon la même place aux uns et aux autres. Pourtant, des faits de piraterie au sens de brigandage, sont rapportés dès l'Antiquité et les Grecs et les Romains devaient déjà faire face à l'attaque de leurs navires en mer par des équipages de voleurs, distingués des marines de guerre ennemies. La Méditerranée constitue alors le berceau de cette piraterie mais va aussi pendant longtemps demeurer son seul lieu d'action : elle ne fait que s'amplifier avec les luttes entre Musulmans et Chrétiens au XVème siècle avec d'un côté les Barbaresques basés à Alger et de l'autre les Chevaliers de Saint Jean de Malte. La découverte de l'Amérique et l'expansion maritime qui s'en suivit, notamment dans les Antilles, changea la donne, permettant alors un élargissement considérable du domaine d'action des « princes des mers ». C'est à cette période faste de la lutte entre puissances européennes pour le partage du Nouveau Monde et des richesses dont celui-ci regorgeait, que la distinction entre les deux termes va finir par s'opérer et que les corsaires vont s'imposer comme pirates officiels. C'est alors qu'une image négative de la flibuste (mot apparu au XVIIIème siècle qui provient du hollandais « vrijbuiter », dont la traduction française est « libre faiseur de butin ») va se développer, notamment du fait d'écrivains, auteurs de mémoires fantaisistes qui contribuèrent à répandre l'idée de la cruauté et de la débauche légendaire des pirates. Cette vision a perduré à travers les siècles jusqu'à aujourd'hui encore, en partie parce qu'elle n'a pu bénéficier de contrepoids véridiques puisque les capitaines pirates écrivaient peu. Pour traiter cet exposé, le terme « piraterie » a été entendu dans un sens large, comprenant à la fois la variante de « corsaires » et celle de « flibustiers / brigands » car il nous est apparu que sur de nombreux points leur histoire était liée, notamment dans le cadre des Antilles françaises. Ainsi, on peut se demander comment l'Etat français, par les politiques menées, ainsi que les balbutiements du système économique capitaliste, qui se met en place avec l'expansion européenne du XVème siècle, ont joué un rôle important dans le développement de la piraterie à l'échelle des Caraïbes. Pour ce faire, nous traiterons dans un premier temps de l'intégration des corsaires dans la stratégie de domination maritime française, puis, dans une seconde partie, nous établirons la responsabilité du système étatique et économique dans le développement d'une piraterie « sauvage » d'envergure.
[...] Dès qu'ils sont capturés, ils sont condamnés à la peine capitale : on les pend sur les quais et on fait une large publicité lors de ces exécutions afin de dissuader les éventuels candidats. On peut alors se demander quelles étaient les conditions qui motivaient les pirates ? On peut trouver une explication convaincante en analysant les conditions difficiles dans lesquelles vivaient les marins officiels La peur qu'inspire le Nouveau Monde chez les populations européennes oblige l'Etat et les capitaines des navires commerçants ou corsaires à enrôler de force (technique de la presse une partie de l'équipage. [...]
[...] Cependant, la montée en flèche de l'activité pirate outre-mer n'est pas seulement due à l'attrait que suscitent les butins en provenance des nouvelles colonies américaines. C'est aussi le résultat de grandes transformations socio-économiques qui surviennent en Europe au cours des XVIème et XVIIème siècles. Tout d'abord, l'apparition du voilier nordique constitue un véritable bouleversement dans la technologie navale permettant ainsi une plus grande maniabilité des bateaux. Ensuite, la croissance démographique pousse vers les villes et les ports une population rurale en quête de survie qui, pour ce faire, s'engage en masse dans la marine commerciale ou royale (exemple : les Bretons). [...]
[...] La hantise des pirates demeure la faim. En effet, les longues périodes en mer et la surpopulation à bord empêchent d'embarquer beaucoup de vivres. En 1620, le journal d'un capitaine flibustier français rapporte qu'après avoir erré dans la mer des Antilles, sans trouver la moindre prise, l'équipage a été condamné à manger souliers, gants, poches de cuir, gaines de couteau, crottes de rats et graisse de mât ! La dureté de la vie à bord peut permettre d'expliquer que dès qu'ils posent un pied à terre, les pirates sont pris d'une folie légendaire (alcool, jeux et femmes). [...]
[...] Ainsi, selon Kersaint, officier de la marine pendant la révolution : la course aigrit les peuples en ruinant les particuliers Les Européens décidèrent alors de mettre définitivement fin à ces pratiques en 1854, qui fut suivi en 1856 d'un accord international que les Etats-Unis, l'Espagne et le Mexique refusèrent de signer car ils ne disposaient pas d'une marine de guerre fiable. La course ne fut donc pas anéantie et on la retrouve d'ailleurs, sous une forme évoluée certes, dans les sous-marins allemands des deux guerres mondiales. Si le rôle des pouvoirs publics est reconnu dans le développement des activités corsaires, il est beaucoup moins évident d'admettre pour la plupart d'entre nous le rôle de l'Etat et du système politico-économique dans la vivacité de la piraterie dans les Antilles, pour ne nous borner qu'à notre sujet. [...]
[...] Les blessés devenus infirmes reçoivent un surplus de parts et des compensations, il en est de même pour les héritiers des tués en mer. C'est le tout premier régime de sécurité sociale qui est ainsi créé pour les marins. Cependant, la lenteur de la procédure fait que beaucoup de matelots vendent leur part à des spéculateurs avant le règlement, voire avant le départ du navire ! La course n'est, au départ, que l'affaire des armateurs qui exercent à la fois le rôle de gestionnaire de l'armement et celui de capitaine du navire. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture