« Socrate français », selon ses contemporains, Pierre Abélard, né en 1079 près de Nantes et mort en 1142 à l'abbaye de St-Marcel près de Chalon, fut l'une des personnalités les plus célèbres du Moyen-âge. Il fut philosophe et théologien, mais aussi logicien, écrivain, musicologue. Sa popularité n'avait pas d'égal à l'époque où il enseigna. Sa correspondance avec son élève Héloïse qu'il séduit, épouse et enfin nie avoir épousée, ce qui lui vaut d'être châtré sur les ordres du tuteur de la jeune femme, reste un monument de la littérature universelle. Il s'y révèle arrogant et vaniteux, mais aussi charmeur, audacieux et extraordinairement éloquent.
Contraint de devenir moine, Abélard ne craint pas d'exposer les contradictions des pères de l'Eglise, ou de revenir sur les définitions canoniques de bien et du mal. Ses œuvres seront du reste condamnées à deux reprises pour hérésie par les plus hautes autorités ecclésiastiques. Saint Bernard de Clairvaux, le plus virulent de ses détracteurs, scandalisé par la méthode d'Abélard (du doute à la recherche, de la recherche à la vérité) et par l'exubérance de son caractère, résume ainsi la complexité de l'homme : ni clerc, ni laïc, ni vraiment moine, Abélard est si insaisissable qu'il « ne se ressemble même pas ».
Il consacra principalement sa vie à l'étude et l'enseignement de la dialectique, à Melun, Corbeille et Paris, et fut reconnu, autant que controversé, pour ses thèses de théologie.
On peut se demander pourquoi un homme dont l'œuvre était appelée à être si méconnue de la postérité suscita un tel engouement chez les gens de son temps. Qui était-il ? Qu'est-ce qui fit de lui un maître admiré de ses disciples ? En fait, nous découvrirons là le charme envoûtant d'une personnalité exceptionnelle, d'un professeur comme le monde en connut peu.
Nous commencerons par aborder la vie de l'homme et du maître, avant de s'attarder sur ses œuvres et leur influence.
[...] Ce serait falsifier l'histoire. Leur relation est devenue un drame dont les rebondissements éclairent l'historien non seulement sur les personnalités des protagonistes, mais aussi sur la mentalité collective d'une caste, d'une époque. De plus, à partir d'une certaine période de sa vie, il devient évident qu'en dépit de son individualisme, Abélard agit et réagit partiellement en fonction de celle qu'il a instituée abbesse du Paraclet. On ne saurait séparer celle-ci de sa destinée et de son œuvre. Quelle que soit la personnalité propre d'Héloïse, elle est, d'une certaine manière, une partie de l'œuvre d'Abélard. [...]
[...] Abélard, châtré, rentra dans un monastère. "La honte, plus qu'une vocation véritable, me poussa vers l'ombre d'un cloître". Héloïse devint elle aussi religieuse. Les deux amants, qui échangèrent leurs lettres célèbres durant leur séparation, transformèrent leur amour charnel en amour mystique. De sa retraite, Héloïse écrira notamment : "Les plaisirs amoureux qu'ensemble nous avons goûtés ont pour moi tant de douceur que je ne parviens pas à les détester ( . Au cours même des solennités de la messe, où la prière devrait être plus pure encore, des images obscènes assaillent ma pauvre âme ( . [...]
[...] Mais ses activités ne s'arrêtaient pas au domaine de la théologie. De multiples talents Le philosophe Nombre d'historiens insistent sur le fait que celui l'on surnomma l'Aristote des Gaules et qui se nomma lui-même le philosophe du Christ n'a pas laissé d'impérissables monuments dans l'histoire de la philosophie. En effet, dès le siècle suivant, les penseurs de la jeune institution universitaire oublièrent vite l'Aristote gaulois pour se plonger dans la Logique d'Aristote, l'Athénien. Pourtant, ce serait refuser de cerner ce que furent les travaux et apports d'un précurseur, que de passer outre la philosophie d'Abélard. [...]
[...] Autres ouvrages Sic et non : cet ouvrage, élaboré sur plusieurs années, se divise en deux parties : un prologue méthodologique suivi d'un volumineux dossier composé de textes relatifs à différents articles de la foi catholique. Les cent cinquante-huit chapitres de l'œuvre sont classés selon le principe : foi, sacrement, charité. La particularité de l'ouvrage est que les chapitres se contredisent, les uns disent oui les autres disent non d'où le titre Sic et non. Celui-ci se propose d'améliorer la pratique traditionnelle des études de texte. [...]
[...] Ses propos furent jugés hérétiques, et B. de Clairvaux mit le Pape Innocent II au courant, qui décida alors l'excommunication, l'interdiction d'enseigner, et l'enfermement au couvent pour Abélard. Recueilli à Cluny par Pierre le Vénérable, il organisa finalement une rencontre avec B. de Clairvaux, ce qui permit une réconciliation, et la levée des mesures d'excommunication et d'interdiction d'enseigner imposées par le Pape. Les vagues d'hérésie étaient sporadiques et variées à l'époque, et les autorités ne savaient pas vraiment comment les traiter. [...]
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