peine de mort, histoire, approche historique
« On peut avoir une certaine indifférence sur la peine de mort, ne point se prononcer, dire oui et non, tant qu'on n'a pas vu de ses yeux une guillotine. » Ces mots écrits par Victor Hugo dans son ouvrage « Les Misérables » soulignent à quel point chacun à son opinion faite sur la peine de mort; et une opinion souvent un peu courte.
Pourtant, la question de savoir si une société a, ou non, le droit de tuer un assassin, ou tout autre individu dangereux, n'a rien de simple.
Il est une règle commune à toutes les civilisations anciennes que le meurtrier mérite la mort. Au départ, peine purement privée, la mort s'apparente à un « droit » de vengeance, une riposte quasi instinctive. On constate ceci dès la Bible et l'Ancien Testament. En effet, entre groupes familiaux c'est la vengeance qui est la règle, et celle-ci est parfois illimitée : « Sept fois sera vengé Caïn, et Lamech, soixante dix sept fois! »1 Mais un meurtre ainsi perpétré appelle nécessairement un autre meurtre, en un cercle sans fin de vengeances enchainées. C'est pourquoi, la plupart des sociétés primitives, dans un soucis d'auto-conservation, en sont venues à limiter ce « droit » de vengeance par un principe de similitude: c'est la loi du talion : oeil pour oeil, dent pour dent, vie pour vie. Appliqué à l'homicide volontaire, le talion appelle forcément la peine de mort. Celle-ci est ainsi prévue à plusieurs reprises dans l'Ancien Testament : « Quiconque frappe quelqu'un et cause sa mort devra être mis à mort »2, « Si un homme frappe [mortellement] un être humain, il devra mourir »3. Cette loi implique que, une fois le premier meurtre vengé, le vengeur lui-même, ayant accompli un acte licite, ne peut pas être inquiété.
Dans les sociétés évoluées ensuite, l'une des premières manifestation de cette évolution est justement l'apparition d'un pouvoir commun (le futur État) qui interdit aux particuliers de se venger eux-mêmes. C'est la collectivité, selon des modalités diverses, qui va infliger des châtiments aux particuliers qui ont violé les règles de la vie commune. La « chose publique » s'arroge donc le monopole de l'application des peines dont la plus grave de toute, la peine de mort. Cette idée apparaît dès le Nouveau Testament. Ainsi, tout en affirmant la supériorité du pardon, l'Évangile n'exclut ni la peine en général, ni la peine de mort en particulier. En somme, il y a un principe : le pardon des offenses et la renonciation à la vengeance; et une exception : la possibilité d'une sanction punitive en cas de « scandale » public, ce qui laisse la décision à l'autorité publique, celle qui gère « le royaume de ce monde ».
Tout meurtrier mérite-t-il nécessairement la mort? Cette question n'est pas nouvelle et se pose depuis l'Antiquité, à Rome ou en Grèce notamment.
Ainsi, pour Platon, « nul n'est méchant volontairement »4, c'est à dire que l'acte mauvais ne peut jamais résulter d'une volonté libre, mais seulement d'une sorte de maladie de l'âme. C'est pourquoi, il faut d'abord s'efforcer de guérir le délinquant en « rééduquant » sa volonté, chaque fois que c'est possible. C'est seulement en dernier recours qu'il faudra envisager une mesure d'élimination radicale. « Pour les incurables, la mort ».
Contre Platon, Aristote affirme l'existence du libre arbitre, et donc la plénitude de la responsabilité individuelle : tout homme normal doit donc répondre de ses actes. Il revient précisément au juge pénal de distribuer des peines en faisant en sorte qu'après l'infraction et la peine qui la répare, « les choses redeviennent ce qu'elles étaient auparavant ». La peine est ainsi définie comme essentiellement rétributive. Mais sur la nature de la peine, Aristote reste assez vague. La rétribution englobe à la fois une indemnité réparatrice et un châtiment éventuellement corporel; mais c'est au juge, en dernier ressort, qu'il appartient de « mesurer » la peine en fonction des circonstances.
Au cours des siècles, l'argumentation des partisans ou des adversaires de la peine de mort présente de nombreuses constantes : le respect de la vie, la défense de la société, l'irréversibilité du châtiment, la valeur du pardon,... Pourtant, d'une époque à l'autre, on constate que la législation ou la pratique judiciaire sont plus ou moins sensibles à telle ou telle considération et appliquent la peine capitale avec plus ou moins de facilité.
Il faut donc remonter le temps pour analyser l'histoire de la peine suprême afin de comprendre ses différentes mutations jusqu'à l'époque actuelle. Pour cela il est possible d'effectuer une fracture temporelle et de voir d'abord la peine de mort comme peine principale à partir du Moyen-Age (I), puis l'évolution vers l'abolitionnisme dès le XIXe siècle (II).
[...] Ainsi, en Iowa, elle est abolie en 1872 et rétablie en 1878; au Colorado, en 1877 et 1901; au Kansas, en 1907 et 1935; dans le Maine, elle est abolie en 1876, rétablie en 1883 et à nouveau abolie en En Amérique latine, l'abolition triomphe successivement au Venezuela (1863), en Colombie (1864), au Guatemala et au Brésil (1889), au Nicaragua (1892), au Honduras (1894). En Bolivie, elle ne subsiste que pour l'assassinat et la trahison en temps de guerre. L'Europe, elle aussi, prend le même chemin vers l'abolitionnisme plein et entier. Par exemple, en Italie, l'abolition triomphe (à nouveau) en Toscane dès 1860, puis dans le code pénal italien en 1889. En Suisse, l'abolition est d'abord décidée dans quelques cantons puis étendue à l'ensemble du territoire en 1874. La situation reste plus complexe dans les deux grands États totalitaires de l'époque. [...]
[...] Cela n'ira pas en s'arrangeant avec la Révolution. Après l'abolition de la monarchie et la mise à mort du roi ( le 21 janvier 1793), le salut de la République va justifier toute une série de dérogations au droit pénal ordinaire. La Convention institue des juridictions d'exception chargées de sanctionner les déviances idéologiques, c'est-à-dire tout acte ou propos « contre-révolutionnaire ». La procédure y est réduite au minimum et la sanction la plus appliquée est la mort. Au sommet de la Terreur, le décret du 22 prairial an II ( 10 juin 1794) qualifie tous les opposants au régime « ennemi du peuple ». [...]
[...] C'est pourquoi, il faut d'abord s'efforcer de guérir le délinquant en « rééduquant » sa volonté, chaque fois que c'est possible. C'est seulement en dernier recours qu'il faudra envisager une mesure d'élimination radicale. « Pour les incurables, la mort ». Contre Platon, Aristote affirme l'existence du libre arbitre, et donc la plénitude de la responsabilité individuelle : tout homme normal doit donc répondre de ses actes. Il revient précisément au juge pénal de distribuer des peines en faisant en sorte qu'après l'infraction et la peine qui la répare, « les choses redeviennent ce qu'elles étaient auparavant ». [...]
[...] C'est au cours de la dictature militaire qui s'ouvre alors qu'est élaboré le code pénal de 1810 dont le principal caractère est la sévérité. Le champ d'application de la peine de mort est sensiblement élargi par rapport au code de 1791. La peine capitale est prévue pour 36 cas dont les attentats contre l'État, les complots contre l'Empereur et sa famille S'agissant des crimes contre les personnes, le meurtre n'est puni de mort que s'il est accompagné de circonstances aggravantes (préméditation, séquestration arbitraire, menace, torture ) ou s'il s'agit du meurtre d'un parent, d'un nouveau né ou d'un empoisonnement. [...]
[...] Dans ce contexte culturel, la peine de mort est essentiellement conçue comme rétributive. On est donc bien loin de la doctrine européenne essentiellement utilitariste. En France, c'est après avoir assisté le 28 novembre 1972 à l'exécution de Buffet et de Botems que Robert Badinter, bouleversé, décidait de mettre toutes ses forces au service du combat pour l'abolition. Lors de la campagne présidentielle de 1981, la peine de mort devint un enjeu du scrutin, notamment du fait des exécutions perpétrées en Algérie, sans instruction préalable. [...]
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