Lorsqu'on évoque la société d'Ancien Régime, c'est l'image de la société d'ordre qui vient à l'esprit, celle qu'a décrite Charles Loyseau au début du XVII° : une société d'états, juridiquement organisée et hiérarchisée, conforme à l'ordre voulu par Dieu, dans laquelle les forts ont le devoir de protéger les faibles. La société qui se donne ainsi à voir est assez idéaliste puisque chaque individu y a sa place dans un cadre juridique et socio-économique clair : à l'Eglise d'assurer la survie spirituelle des hommes, aux seigneurs de les protéger et à ceux qui ne sont ni seigneurs, ni clercs d'assurer la survie alimentaire et matérielle, de l'ensemble. Dans une telle société, la question sociale, telle qu'on se la pose aujourd'hui en terme de pauvreté ou d'exclusion n'existe pas, puisque le discriminant social repose entièrement sur le rang, la place occupée dans l'ordre social des états.
Cependant la pauvreté est bien présente dans les sociétés contemporaines de Charles Loyseau. En 1609, l'Anglais Robert Gray écrit : « Comme un excès de sang dans le corps, nos multitudes infectent le pays de la peste et de la pauvreté ». La pauvreté dans sa multitude interroge et inquiète les contemporains comme une maladie. Mais, au début du XVII°, son traitement relève de la sphère du religieux : le pauvre est un pénitent et sa souffrance, soulagée par la compassion est une occasion de rachat (Saint- Augustin). La charité de l'hôpital (sous l'autorité de l'évêque) est une des formes concrètes de la spiritualité, laïques et cléricales. Cette société qui reste globalement assez pauvre n'est pas « excluante » car elle maintient des liens sociaux forts.
Au XVIII° siècle, les Lumières offrent une sensibilité différente au sort des pauvres : l'Encyclopédie dans ses revendications humaines et sociales, JJ Rousseau dans son Discours sur l'origine des inégalités s'indignent des inégalités sociales. L'expression de cette nouvelle sensibilité révèle que la notion de pauvreté a quitté la sphère religieuse pour rentrer dans la sphère du politique. Le XVII° siècle a donc amorcé un processus où la perception du pauvre dans la société a changé, et par la même le traitement de la pauvreté. Or le XVII° est un siècle de mutations, inscrit dans un processus de civilisation dans lequel l'Etat joue un rôle moteur (Norbert Elias). Un glissement de la pauvreté vers l'exclusion se dessine, glissement dans lequel l'Etat n'est pas étranger. On peut donc se demander comment s'opère ce glissement et dans quelle mesure y participent les Etats. L'analyse peut porter sur trois pays Angleterre, France, Espagne, qui sont assez proches dans leurs structures sociales d'Ancien Régime mais où apparaissent des divergences politiques fortes au cours du XVII° (parlementarisme, absolutisme, conservatisme régional). Le processus d'exclusion s'intègre alors dans le processus plus général caractérisant le XVII°, celui d'un processus de civilisation conduisant à la société moderne préindustrielle. Réfléchir au sujet « pauvreté et exclusion au XVII° », c'est donc s'intéresser à ces processus et voir en quoi ils s'emboîtent l'un dans l'autre.
Une première partie s'interrogera sur les formes de pauvreté et d'exclusion au début du XVII°, dans les trois pays proposés, et sur la réponse que la société apporte à ces situations. La deuxième partie s'intéressera aux facteurs qui conduisent à l'exclusion et aux jalons de l'exclusion. Enfin la dernière partie fera un état des lieux des réponses apportées à la question à la fin du XVIIe.
[...] L'exclusion serait donc le propre des sociétés modernes, exclusion dont l'Etat dans sa puissance normative serait l'initiateur. Bibliographie Les sociétés anglaise, espagnole et française au XVII°, CNED/SEDES sous la direction de Michel Cassan Sites Internet Encyclopédie WIKIPEDIA, article "Histoire de l'Hôpital" Qu'est-ce que l'exclusion sociale et différentes conceptions de l'exclusion? [...]
[...] On continue à distribuer du pain aux portes des couvents, les institutions charitables catholiques, couvents, confréries, pallient aux pires détresses. Les efforts portent aussi sur la moralisation et le contrôle social de ceux considérés comme nuisibles à la société. Les prostituées tolérées jusqu'à la Renaissance sont peu à peu refoulées hors de l'espace public. En France et en Espagne, la législation se fait plus répressive et amène à vouloir les enfermer : ces maisons sont parfois charitables comme celles du Saint-Sacrement (Filles repenties, maisons du Bon pasteur) ou de véritables prisons où l'humiliation côtoie la cruauté (casas de recogidas). [...]
[...] La pauvreté : de la sphère religieuse et intime à la sphère politique et publique Ainsi l'écart entre pauvre et riche se creuse, et les pauvres, plus nombreux et plus pauvres, se voient plus. Or, le XVII siècle est aussi traversé par des courants intellectuels et culturels dont les bourgeois et la noblesse sont porteurs : elles favorisent un processus d'intériorisation, qui conduit à une distinction plus nette entre espace public et espace privé, donc entre ce qui relève de l'intimité et ce qui relève de la communauté, de l'ordre public. Ce mouvement profite à l'Etat en tant que responsable de l'ordre public. En France, l'Absolutisme fait de l'espace du Roi l'espace public. [...]
[...] Enfin, ceux qui ne participent pas pleinement à la vie sociale sont discrédités par les autres, ils font l'objet d'un étiquetage qui permet d'être désigné publiquement (les prostituées qui doivent porter des couleurs criardes ou l'aiguillette). III. De la pauvreté à l'exclusion Le XVII° est donc le siècle où s'impose l'idée que la pauvreté est le résultat d'un dysfonctionnement de la société et que l'Etat dans son processus de modernisation doit y trouver une solution. Cette solution est administrative. L'Etat face à la pauvreté et l'exclusion Parallèlement, dans les sphères de l'Etat, s'impose l'idée que la richesse d'un royaume dépend de la contribution laborieuse de tous les sujets. [...]
[...] La deuxième partie s'intéressera aux facteurs qui conduisent à l'exclusion et aux jalons de l'exclusion. Enfin la dernière partie fera un état des lieux des réponses apportées à la question à la fin du XVII°. I. AU DEBUT DU XVII° siècle, UNE PAUVRETE ACCEPTEE, une exclusion marginale Pauvreté et exclusion : le point sur deux notions pas toujours complémentaires Pour étudier la pauvreté et l'exclusion au XVII°, il faut partir des idées que s'en faisaient les contemporains. Dans son Dictionnaire universel, Furetière définit le pauvre comme celui qui n'a pas de bien, de fortune. [...]
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