Dans le contexte des « guerres de religion » (1562-1598), une abondante littérature anti-absolutiste voit le jour en France, portée par des auteurs que l'on nommera rétrospectivement au XVIIe siècle « monarchomaques » - de monos = seul, archè = pouvoir et maké = querelle ou dispute verbale. Initialement, ces libelles politiques sont ceux de penseurs calvinistes, solidaires de leurs coreligionnaires persécutés, et qui dénoncent la dérive de la monarchie vers la tyrannie telle qu'elle s'est manifestée lors de la Saint Barthélemy (1572).
Quelques années plus tard, les partisans catholiques de la Ligue, face à un monarque incapable de mettre fin à l' « hérésie », et soutenus par une aristocratie soucieuse de conserver ses privilèges, formulent à leur tour une série de thèses, paradoxalement inspirées de la pensée protestante ennemie, allant dans le sens de la limitation du pouvoir royal.
[...] Par extension, le terme monarchomaque désigne donc également ces auteurs. Quoi qu'il en soit, protestants ou catholiques, les penseurs monarchomaques s'inscrivent dans une même dynamique : celle de la formulation de thèses antiabsolutistes, dans le contexte des guerres de religion. Et, bien qu'extrêmement ancrés dans un contexte historique spécifique, leurs écrits sont, par les idées qu'ils réactualisent ou élaborent, une riche contribution à la réflexion sur la légitimité et la forme du politique, et sur le droit de l'Etat en général. [...]
[...] C'est inspiré par les thèses du prêtre que le moine Jacques Clément assassine Henri III le 1er août 1589. A la fin du XVIe siècle, la pensée monarchomaque perd de son ampleur avec la reconnaissance de la liberté de culte par l'Edit de Nantes (1598) et la pacification du royaume. On peut certes voir une certaine continuité dans les idées formulées par les Exilés protestants un siècle plus tard, mais force est de constater que les conséquences directes du mouvement monarchomaque en France sont extrêmement limitées. [...]
[...] En définitive, les thèses monarchomaques, en diffusant les idées de consentement populaire, de contrat, de monarchie limitée, de droit de résistance, et en réinterprétant la place de Dieu vis-à-vis du pouvoir, constituent un apport considérable dans la réflexion sur le droit du souverain, et par extension de toute forme d'organisation politique, dont l'Etat. En outre, elles participent, d'une certaine manière, à la transition vers une conception moderne de la politique où le peuple souverain se donne un roi pour garantir la justice, la paix et la sûreté, et où sa représentation par des corps intermédiaires permet la limitation du pouvoir. [...]
[...] Car c'est au cours de leurs examens des liens unissant le peuple, le roi, et Dieu, que les monarchomaques, les premiers, ont recours à la métaphore du contrat. Sa forme la plus aboutie est alors celle proposée par l'ouvrage Vindiciae contra tyrannos (1579), que l'on doit certainement à Philippe Duplessis-Mornay et Hubert Languet. La société est fondée sur deux alliances : l'une lie Dieu, le roi et le peuple et vise à la poursuite de la justice divine, l'autre lie le roi au peuple et vise le respect des lois humaines. [...]
[...] Dans tous les cas, la monarchie doit être limitée, tempérée par des représentants des différents corps de la société. Plus généralement, la pensée monarchomaque promeut et diffuse les idées de délégation du pouvoir par le peuple, de légitimité des assemblées représentatives et de régime mixte. Pour autant, les penseurs monarchomaques ne sont pas des partisans de la démocratie : le peuple n'a pas l'exercice de la souveraineté, il la délègue à des représentants sans qu'il y ait nécessairement de vote démocratique. [...]
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