Ce qui anime les conquistadores à se lancer dans l'aventure coloniale en Amérique latine, c'est la promesse de s'enrichir rapidement d'or. Le mythe de l'Eldorado, une cité entièrement couverte d'or, diffusé et exagéré par les Indiens sous la torture, avive leur avidité mercantiliste. Des expéditions se multiplient vers les contrées inconnues et la conquête espagnole se poursuit toujours plus au Sud. A la suite de la conquête du Pérou par Pizarro, le filon argentifère du Cerro Rico (la « Montagne riche ») est découvert par hasard vers 1545, selon la légende, par un gardien de lama égaré dans la montagne.
La ville de Potosi est fondée dès 1546 pour exploiter la mine et culmine à 4070 m d'altitude, ce qui en fait l'une des villes les plus hautes du monde. Potosi est située à moins de 800km au Sud-est de Cuzco, en plein cœur des Andes jadis péruviennes mais aujourd'hui sur le territoire bolivien.
Avant l'arrivée des Espagnols, il n'y avait que des petits villages aux abords du Cerro Rico. Mais les ressources argentifères des mines du Potosi vont attirer des milliers d'Européens qui vont d'abord vouloir extraire eux-mêmes avant de se servir de la main-d'œuvre locale voire africaine. Cet afflux de population important et cosmopolite explique que la ville dépasse dès 1611 les 160 000 habitants, soit la ville la plus peuplée au monde à l'époque.
Ainsi, je vous propose de nous pencher sur la problématique suivante : quelle est la place de l'argent du Potosi dans le mécanisme économique et social de l'Empire colonial espagnol, aux XVIe et XVIIe siècles ?
[...] Elle dure brièvement sur le dos des Indigènes qui doivent livrer tout l'argent qu'ils ont collecté par hasard durant des siècles. La seconde étape relève de l'exploitation superficielle du Cerro, avec les techniques ancestrales de fusion dans des fourneaux. La main- d'œuvre locale est utilisée pour exploiter les filons proches de la surface et plutôt riches en argent. Le métal est ainsi exporté en barres, mais la production ne décolle pas. Il faut attendre les années 1570 pour qu'un nouveau procédé d'origine allemande soit instauré, après avoir fait ses preuves dans les mines mexicaines : c'est l'affinage par amalgame. [...]
[...] Ce qui est convenu, c'est que les richesses du Potosi ont représenté près du quart du trésor de l'empire colonial espagnol. Le 1er graphique représente les valeurs des productions minières (non pas du San Luis Potosi de Nouvelle-Espagne, il me semble qu'il y a erreur, mais bien de notre Potosi péruvien), d'après les quintos reales. Il s'agit donc de données officielles. Remarquons alors que ces chiffres ne représentent pas la réalité puisque la contrebande, le détournement de fiscalité et les investissements locaux soustraient aux caisses royales de 10% à 50% du quinto effectivement perçu par la Couronne. [...]
[...] Pour conclure cette première partie, disons simplement que l'argent du Potosi a bouleversé toute la société indienne du Haut-Pérou, puisqu'au fur et à mesure des innovations pour une exploitation intensive du minerai, la mita a fait affluer vers le Cerro Rico, quitte à détruire toute autre économie, de nombreux indigènes dont au moins 8 millions sont morts à la tâche. Le reste a survécu dans la misère et sur le dos des mineros et de la Couronne Espagnole qui en retirent des bénéfices plus qu'importants. [...]
[...] Enfin, ce système fiscal sert principalement à financer l'organisation coloniale. Avec un empire aussi vaste, les budgets augmentent en conséquence, si on veut limiter la contrebande, imposer son hégémonie par la guerre et surtout éponger ses dettes. Mais ces importantes dépenses doublées d'une recrudescence de la fraude au XVIIe siècle, qui limite les recettes de la Couronne à des arrivages en métaux précieux, conduisent l'Empire dans une situation économique très difficile, menant à 8 banqueroutes de l'Etat entre 1557 et 1662. [...]
[...] Cela explique pourquoi des Boliviens descendent encore aujourd'hui dans les mines sous les yeux des touristes (photo mineure). Mais le site de Potosi étant classé patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1987, ils doivent conserver les mêmes techniques d'extraction d'autrefois dans les mêmes conditions inhumaines que leurs ancêtres. Bibliographie Ouvrages généraux et sources ARZANS DE ORSUA Y VELA Bartolomé, Historia de la Villa imperial de Potosí [1737], Brown University Press, Rhode Island tomes BODIN Jean, Réponse aux paradoxes de M. de Malestroict touchant l'enrichissement de toutes choses et le moyen d'y remédier CHAUNU Pierre, Séville et l'Amérique (XVI-XVIIe siècle), Flammarion, Paris pages GALEANO Eduardo, Les veines ouvertes de l'Amérique latine : une contre- histoire, Plon, coll. [...]
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