Notre société moderne, où les idées de liberté de conscience et de culte font partie des droits fondamentaux, a du mal à imaginer – et plus à comprendre – l'enthousiasme avec lequel a été accueillie la décision royale non seulement par l'ensemble du clergé catholique, mais aussi par l'immense majorité des Français. Les gens du « Grand siècle », en effet, ne peuvent supporter l'idée de tolérance religieuse. Fortement marqués par le souvenir des guerres de Religion, ils la considèrent comme un facteur de désagrégation sociale. Avec l'édit de Nantes, la France constitue une exception en Europe : elle est le seul Etat à avoir légalisé le dualisme religieux. Sans doute la liberté religieuse y est-elle étroitement encadrée. Limitée au calvinisme* et, en Alsace, au luthéranisme*, elle ne s'étend pas aux autres cultes. Objets d'un ostracisme* marqué, les communautés juives ne sont tolérées que dans certaines villes (Metz, Marseille, Bordeaux…). Il n'en reste pas moins que, partout ailleurs en Europe, s'applique le fameux adage « Cujus regio, ejus religio » (« A chaque pays sa religion »). Les minorités religieuses sont marginalisées ou persécutées. Dans les Provinces-Unies, les catholiques sont ainsi en butte à maintes discriminations ; en Angleterre, ils sont impitoyablement pourchassés, à la fin de 1678, sous prétexte de « complot papiste ». On comprend donc que, dans ces conditions, beaucoup de gens en France aient jugé l'édit d'Henri IV comme un compromis bâtard sur lequel il était temps de revenir…
[...] Il vit replié sur lui- même, sur la défensive, tout en conservant, il est vrai, une indiscutable vitalité sur le plan intellectuel. Avec ses consistoires, ses colloques, ses synodes provinciaux et son synode national, son organisation ecclésiale reste solide. C'est en cela même qu'il paraît menaçant. Il constitue au sein du système monarchique un corps étranger, empreint d'esprit républicain qui dirige dangereusement ses regards vers Genève, Amsterdam ou Londres. Le monde de la Réforme garde dans certaines régions (l'Aunis ou le bas Languedoc par exemple) des positions dominantes. Dans les fermes et la finance, il occupe des places non négligeables. [...]
[...] Comme le dit Mme de Sévigné : Les dragons ont été de très bons missionnaires jusqu'ici : les prédicateurs qu'on envoie présentement rendront l'ouvrage parfait. A la vérité, on ne cherche pas tant à convertir par la raison qu'à créer de nouvelles habitudes de pratique religieuse, lesquelles avec le temps, pense- t-on, entraîneront l'adhésion des cœurs. Mais beaucoup résistent en leur for intérieur. Dans le Midi, les persécutions continuent : on contraint les récalcitrants à assister à la messe, voire à y communier. Bossuet et les évêques du Nord protestent, et seul un ordre du roi mettra fin à ces pratiques insensées. [...]
[...] Trois mille protestants sont condamnés à la chiourme. La moitié d'entre eux restera à terre, l'autre sera enchaînée aux rames, représentant des galériens. L'émigration Bravant les interdits, environ deux cent mille protestants (soit de la population) s'exilent clandestinement, de 1679 à 1730, en Suisse, en Angleterre, en Irlande, aux Provinces-Unies, dans le Palatinat, le Wurtemberg, le Brandebourg, la Poméranie. Peu gagnent l'Amérique ou l'Afrique du Sud. Cette émigration entraîne la perte d'hommes souvent de grande qualité : notaires, professeurs, médecins, chirurgiens, apothicaires, armateurs, marins, joailliers, orfèvres, bijoutiers, horlogers, fabricants de toiles ou de draps L'exode se double d'une fuite de capitaux que les émigrés, grâce à divers subterfuges, réussissent à passer à l'étranger. [...]
[...] Là se trouve l'atteinte inadmissible à leur liberté de conscience. Les nouveaux catholiques et la propagande catholique La France ne comptant plus, officiellement, que des catholiques, les derniers îlots de résistance huguenote sont traités comme des zones de rébellion. Les dragonnades s'étendent au nord de La Loire (en Anjou, en Touraine, en Normandie, en Picardie, en Champagne, en Lorraine On prévoit même que les enfants de cinq ans et plus seront arrachés à leurs parents opiniâtres, monstruosité qui, par bonheur, restera lettre morte. [...]
[...] Nicolas de Lamoignon de Basville, intendant de Languedoc entre 1685 et 1718, participera par la suite à la répression et aux brutalités commises envers les protestants. Le nouveau Théodose : quand l'absolutisme gagne la religion . A la tête de l'Etat, les partisans de la manière forte paraissent l'emporter. Balthazar Phélypeaux, marquis de Châteauneuf, secrétaire d'Etat chargé de la R.P.R., cherche à se mettre en valeur. Le chancelier Le Tellier, malade et fatigué, sentant venir la mort, rêve de voir l'hérésie éradiquée en France. [...]
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