« Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris »(Homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière). Au Grand Siècle, siècle de foi, cette formule du seigneur à Adam rappelle à chacun le caractère double de la mort, terrible puisque inévitable et salaire du péché, et apprivoisée par la foi et l'espérance.
L'heure du trépas annonce le dernier sacrement de la vie du chrétien. C'est aussi un rite de passage où se mêlent phénomènes orthodoxes et magiques. Il s'agit de se libérer de l'angoisse de la mort en l'intégrant dans le cours normal des choses. Le XVIIe voit, entre baroquisme et classicisme, l'apogée des trépas harmonieux et chrétiens ; Ce n'est plus la mort que l'on craint, c'est la damnation.
Il s'agit donc de s'interroger sur la relation entre l'homme et la mort durant cette période : comment la mort, menace permanente vécue différemment selon les régions et les classes sociales, et phénomène à forte tradition folklorique devient-elle, dans la France de Louis XIV, par le biais de l'Eglise, un spectacle « institutionnalisé » ? Quelles en sont les limites ?
[...] Le pauvre est porté dans un brancard ouvert la bière, puis placé dans la fosse. Les nobles et les saints, sont de plus en plus cloués pour être exposés au regard du public, l'exhibition de la dépouille faisant partie intégrante des cérémonies. C'est selon son état et sa condition que le testateur demande à être enseveli. L'enterrement, survient 12 à 24 h plus tard, au cimetière de la paroisse ou pour les notables, dans l'église, si possible à proximité du chœur et de l'autel où est célébrée la messe. [...]
[...] Les évènements de la mort sont des avertissements répétés de l'inéluctabilité de la mort. Méditer sur la mort, c'est méditer sur la mort d'autrui, sur celle du Christ. Cela passe par le dialogue avec le crâne (le crucifix est également un élément important) Ce thème est celui d'un tableau de Georges La Tour : c'est sur un crâne que médite Madeleine. Se met en place une pédagogie de l'imagination : la préparation nécessite aussi (Saint Ignace le notait déjà dans ses Exercices spirituels) de se voir soi-même à l'heure de la mort, c'est à dire se représenter dans le lit de mort, le crucifix en mains, le cierge allumé, les assistants priant pour soi. [...]
[...] Pièce maîtresse du cérémonial de la mort, elle sert le discours de l'Eglise. Le siècle est partagé entre le respect qui entoure la mort et la tentation d'une orchestration ; le récit des belles morts constitue le temps fort de toute la littérature des Mémoires. La mort devient un cérémonial public avec ses règles et ses exercices spirituels. Le récit de mort d'Anne d'Autriche par Mme de Motteville et de Montpensier est exemplaire du déroulement du grand cérémonial et marque l'introduction au style de mort de l'age classique : Sa mort est un ballet réglé, sans intimité ou presque, la cour étant entassée dans la chambre d'agonie. [...]
[...] Le froid est une menace : la mort attaque surtout l'hiver, à la fin de l'été ou au début de l'automne. On se protège du froid par la superposition de vêtements ou par un habitat mal chauffé. Les enfants et les vieillards sont les plus exposés. L'environnement (zones marécageuses, insalubrité et entassement citadin) a des effets mortifères plus marqués. Les conditions sanitaires et hygiéniques sont mauvaises : personne, y compris dans les palais royaux surpeuplés n'est à l'abri d'une infection, souvent fatale. [...]
[...] Le regard de l'honnête homme sur la mort est froid. La méditation des auteurs montre comment le modèle de la mort chrétienne a pénétré leurs maximes apparemment issues de la philosophie antique. La sagesse des bourgeois est souvent plus proche de l'héritage populaire de la Danse macabre (la mort égale tout) que des attitudes d'élite. C'est une sagesse à la fois profane et christianisée. Très vite, la récusation, volontaire devient obligatoire par les mesures restrictives édictées par la royauté pour comprimer tout exercice public du culte ; mais, même indépendamment de ces contraintes, le cérémonial protestant de la mort rejette toute idée de pompe funèbre. [...]
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