Après la création par Colbert en 1665 de l'administration des haras royaux, destinée à dynamiser en France l'élevage des chevaux aussi bien pour développer l'économie que pour satisfaire les besoins énormes de l'armée, les États de Languedoc sont invités en 1684 à fournir une somme de 20 000 livres, afin d'établir un haras dans la province. Cette première expérience sera un échec, de même que toutes celles qui suivront au XVIIIe siècle. Alors que des haras fonctionnent durablement en Guyenne (Montauban, Rodez), en Béarn (Pau) et en Bigorre (Tarbes), le Languedoc est incapable de développer l'élevage équin. Géographie inappropriée ? Mauvaise volonté des autorités provinciales ? Difficultés liées à l'état économique de la région ? L'article essaie d'apporter des explications à cette particularité historique.
[...] Les états du Languedoc semblent disposés à tout mettre en oeuvre pour que l'expérience réussisse. Un programme est fixé. Cinquante-six étalons et 76 juments sont achetés par la province, en grande partie en Allemagne, et payés directement et par avance par le trésorier de la bourse au trésorier de l'administration des haras. Les animaux sont ensuite confiés aux particuliers qui veulent bien s'en charger, moyennant le reversement de la moitié de leur prix d'achat par la province ; chaque année, ces personnes devront envoyer aux états un rapport sur l'activité 1 Archives nat., G7-1724 : Haras. [...]
[...] Cette même année 1717, la commission des haras des états du Languedoc dresse pourtant un bilan désastreux de leur activité. «Les differens moyens qui ont esté mis en usage pour faire reussir les harras pour lesquels il a esté fait depuis l'année 1700 une depense denviron 160.000 livres nont servy qu'a faire connoitre que les peuples de cette province ne sçauroient retirer aucun avantage de cet establissement et qu'ils nont jamais pû sattacher a ce commerce, et quenfin dans les endroits ou les pasturages pourroient estre propres les habitants accoutumez a elever des mulets dont ils retirent un profit plus prompt et plus certain nont jamais pû sappliquer a y elever des chevaux» 10. [...]
[...] Cette particularité permet de mettre le Languedoc en parallèle avec une autre région, qui à partir de 1715 s'obstinera à refuser tout contrôle de l'administration des haras, et tout versement de fonds dans sa caisse : c'est la Bretagne, qui à l'inverse du Languedoc nourrit une vieille tradition d'élevage équin, incarnée d'une part par un robuste petit bidet de labour (dont la race est aujourd'hui éteinte) et d'autre part par un lourd cheval de trait. Malgré leurs privilèges, les autres pays d'état ne parviennent pas à conserver une indépendance en la matière. Les haras des provinces frontalières du Languedoc fonctionnent tant bien que mal. Le Roussillon se spécialise dans l'élevage de chevaux espagnols, arabes et barbes, et 8 Archives Haute-Garonne C2350. [...]
[...] C'est par cette voye que les Etats sont parvenus a introduire dans la province les manufactures de toute espece que ce qui a sy bien reussy en ce genre semble assurer le même succés en toute autre chose.» Et cette fois, les états semblent bien décider à aller jusqu'au bout de l'expérience et à réussir : l'experience ne repondoit pas a ce quelle doit en attendre, il faudroit malheureusement convenir que d'autres obstacles pres de la nature du prix et du genie des habitants sopposent d'une manière invincible aux desirs et aux vües de cette assemblée.» Le mémoire est communiqué aux syndics de plusieurs diocèses, et il leur est demandé de recueillir les offres et 11 A la fin du siècle, l'expérience camarguaise aura échoué, la race semi-sauvage ayant fini par dominer et par absorber les apports de sang extérieur Echec ici aussi : alors que la Navarre fournissait les armées du Roi en chevaux dès le XVII e siècle, l'administration des haras dans ce pays sera si néfaste à la production qu'elle mettra fin à cette tradition dans la seconde moitié du XVIII e siècle. Peu à peu, comme en Languedoc, les éleveurs de Navarre se tourneront vers l'élevage du mulet, développant un commerce avec l'Espagne Voir J. [...]
[...] On leur demande de veiller plus strictement à ce qu'un étalon ne soit pas donné à plus de 25 juments, que les chevaux donnés aux particuliers ne soient pas utilisés pour le roulage, et de faire désormais deux tournées par an dans les établissements de la province. Les haras du Languedoc se maintiennent pourtant encore quelques années. En 1715, et malgré de nouveaux achats les années précédentes, on ne compte plus dans le Haut-Languedoc que 11 étalons juments, et 4 poulains de l'année. [...]
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