Comme durant de nombreuses années du règne de Louis XIV, le royaume de France est en guerre. L'état de guerre est devenu permanent en certaines périodes. Bien que le conflit soit devenu une notion courante, il n'en demeure pas moins quelque chose de profondément bouleversant, en particulier pour les populations civiles directement placées en son cœur, sur les lieux mêmes ou aux alentours du terrain d'expression militaire. Ce fait constant est donc un sujet de préoccupation majeur, et, de la même manière qu'il occupe le temps et l'espace, il accapare les pensées. Ainsi celles de ce curé de campagne, installé en la paroisse de Rumegies, située en Flandres, dans le Hainaut, donc dans le théâtre d'opérations du nord de la France, zone d'instabilité des frontières, zone d'actions militaires incessantes, zone historiquement et traditionnellement exposée depuis de nombreux siècles. Il narre dans son journal la guerre considérée du point de vue de sa communauté. Probablement le seul lettré de la communauté, il relate les évènements du point de vue de son paroissien paysan et des dommages qu'il subit.
Sont ici rapportés des extraits datant des années 1711 et 1712. Ils sont composés en pleine guerre puisque leur auteur ignore bien évidemment le déroulement des faits ultérieurs et la cessation prochaine des hostilités. C'est en effet la dernière année de grandes opérations militaires de la Guerre de Succession d'Espagne, conflit entamé dès les premiers instants du siècle, suite à la mort du souverain du Royaume d'Espagne, Charles II, sans fils. Il a fait par testament de Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, son successeur. La filiation trop grande entre le nouveau Philippe V et Louis XIV fait craindre aux autres grandes puissances un rapprochement des deux Etats, espagnol et français, qui menacerait l'équilibre européen. A l'initiative de Guillaume III, le 7 septembre 1701, est formée la Grande Alliance de La Haye, qui réunit principalement l'Angleterre, la Hollande, l'Empire et des princes allemands. Après les quelques succès initiaux du camp français, la suite du déroulement des opérations s'est montrée favorable aux Alliés. Dès 1709-1710, la victoire semble proche pour la coalition, même aux yeux du souverain français qui tente de s'en tirer au meilleur compte par la négociation.
Le genre littéraire de l'œuvre, le journal, amène à une construction chronologique. Sont d'abord rappelés les malheurs des années 1709 et 1710 (l.1 à 8), puis l'échec des négociations (l.10 à 20), la feinte des Hollandais (l.24-30), le cantonnement de troupes et ses effets (l.20-23 et l.32-62). Les combats de l'été 1712 sont ensuite décrits assez longuement (l.65-108). Enfin, la place est laissée au retour des fourrages à la fin de l'année et à un appel à la paix (l.109-124). Ce passage récurrent des opérations globales au sort du village permet de lier efficacement celui-ci à celles-là.
L'auteur retrace donc ici les grandes lignes de ces deux années de conflit pour inscrire le sort de sa communauté dans un contexte global et justifier les allées et venues des deux armées sur la paroisse. Il compose ainsi à la fois un récit de la guerre et l'exposition de ses répercussions sur la communauté. Il rapporte avec précision, tout ce que doit subir une petite communauté située en une telle région, tous les malheurs que la guerre apporte, les perspectives qu'elle offre ou qu'elle condamne. C'est ainsi une source particulièrement précieuse pour l'étude de la relation d'une population dans une région de guerre à la guerre elle-même, de ce qu'elle suppose comme modifications de la vie quotidienne, de la façon dont les habitants la représentent, la considèrent. Tous les thèmes relatifs à une telle cohabitation ne sont pas abordés, mais il n'en demeure pas moins que ces lignes permettent d'embrasser une large part de ces questions.
Étudier ce témoignage permettra donc d'aborder le rapport des populations locales à la guerre. Il faut déceler à la fois quelles conséquences cela entraîne sur la vie de la communauté et quelles représentations de la guerre en découlent.
[...] La filiation trop grande entre le nouveau Philippe V et Louis XIV fait craindre aux autres grandes puissances un rapprochement des deux Etats, espagnol et français, qui menacerait l'équilibre européen. A l'initiative de Guillaume III, le 7 septembre 1701, est formée la Grande Alliance de La Haye, qui réunit principalement l'Angleterre, la Hollande, l'Empire et des princes allemands. Après les quelques succès initiaux du camp français, la suite du déroulement des opérations s'est montrée favorable aux Alliés. Dès 1709- 1710, la victoire semble proche pour la coalition, même aux yeux du souverain français qui tente de s'en tirer au meilleur compte par la négociation. [...]
[...] Elle est également susceptible de passer aux mains de l'un ou l'autre des belligérants à plusieurs reprises. Ainsi, lors des années 1709-1710, Saint-Amand a été pris et repris, tantôt par les Hollandais, une autre fois par les Français. (l.2-3). De mars à mai 1711, Rumegies et ses environs sont occupés par un régiment d'infanterie de Hanovre. L'année suivante à la même époque, c'est un escadron de cavalerie du régiment du général Obdam qui est cantonné dans la zone, pour une durée apparemment faible de 10 jours. [...]
[...] Les troupes en déplacement ou en quartiers d'hiver logent chez l'habitant. Ce mode de fonctionnement était instauré et ordonné par règlements royaux. Le curé parle de cantonnement lors de l'installation d'une troupe dans la région. Il se différencie du camp militaire et encore plus de la caserne occupée par une garnison. Cette dernière est la présence la moins nuisible à la population, le cantonnement est celle qui place la communauté dans la situation la plus inconfortable. Une troupe stationnant en son propre pays est soumise à une surveillance et un contrôle plus stricts. [...]
[...] Cette force de travail est grandement altérée par l'armée. Ils les utilisent sans considération du besoin que la population en a. En les prenant en grand nombre et pour des durées aléatoires et souvent trop longues, ils réduisent directement le potentiel de travail de la population. En ne les nourrissant que de façon sommaire, ils achèvent d'épuiser les bêtes, que la communauté a elle-même bien du mal à supporter, tant les denrées se font rares. S'instaure ainsi une sorte de cercle vicieux. [...]
[...] Comme expliqué plus haut, il ne semble pas y avoir de conflit direct entre les civils et l'armée. Ce problème n'étant pas à l'ordre du jour, il en demeure néanmoins qu'il n'est pas anodin de voir passer et encore moins d'héberger un corps d'armée, un régiment, un bataillon ou toute autre troupe militaire, composés dans leur immense majorité de soldats étrangers au sol qui les accueille. Il existe une tradition de pillage, dont les zones frontières devraient être les premières à pâtir dans un conflit où elles sont successivement conquises et reconquises. [...]
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