Le sujet choisi m'a semblé intéressant pour diverses raisons. Il témoigne des âpres négociations entre des cardinaux appelés à élire leur nouveau primus inter pares, le vicaire du Christ et le chef de l'Eglise apostolique romaine. Le conclave de 1492, ayant débuté le 6 août pour ne finir que cinq jours plus tard, s'inscrivit dans un nouveau temps long de l'Histoire de l'Occident. Découverte du Nouveau Monde, déclin arabe en Espagne, menace ottomane accrue pour les Européens, prémices des Guerres d'Italie qui allaient mettre aux prises les grandes puissances d'Europe durant le XVIème siècle (ex. : bataille de Marignan en 1515).
La fonction du conclave, à savoir l'élection d'un Pape, n'est en théorie qu'une affaire de religion, de croyance et de confiance envers un Homme qui est jugé le plus apte à défendre la foi catholique et à toujours mieux réformer l'Eglise.
Mais dans les faits, et ce jusqu'à très récemment, il a revêtu un enjeu politique stratégique pour les puissants d'Europe. Il faut ici rappeler certains points :
- Les cardinaux sont nommés par le Pape en place, et ces nominations sont éminemment politiques dans le sens où elles sont faites pour plaire et servir plusieurs puissants de différentes cours d'Europe. En outre, elles sont donc l'objet d'intenses tractations.
- En conséquence, les rivalités au sein du Collège des cardinaux sont féroces, et ces-derniers s'adonnent à de basses manoeuvres qui ont pour la communauté chrétienne, à l'époque, été considérées comme indigne de leur « sainte position ».
Du fait des multiples tensions à l'intérieur et à l'extérieur des Etats Pontificaux, ce conclave fut l'un des plus intéressants et des plus instructifs en termes de négociation informelle au sein du Vatican.
Après la mort du Pape Innocent VIII, le conclave de 1492 dura donc cinq jours, au terme desquels le cardinal élu à l'unanimité au quatrième tour de scrutin fut le cardinal Rodrigo Borgia, qui jusque-là était entre autres archevêque de Valence (...)
[...] Les autres cardinaux s'étaient alignés derrière della Rovere, soit par réelle conviction, soit à cause des liens familiaux et des alliances que leurs familles avaient avec ce cardinal. Le Portugais da Costa, par exemple, demeura fidèle à della Rovere par courtoisie, en souvenir de l'oncle de ce dernier, le défunt Pape Sixte qui l'avait accueilli chaleureusement lors de son départ du Portugal pour Rome. Nous avons parlé précédemment du cardinal Maffeo Gherardo ci-dessus). Il s'agissait d'un personnage très âgé, ayant franchi les quatre-vingts ans au moment du conclave de 1492. [...]
[...] Voyons donc quelles étaient les relations entre les différentes partie prenantes. Entre le Royaume de Naples et Duché de Milan En Italie, Naples et Milan étaient les deux foyers politiques majeurs, dont l'influence était la plus forte. Mais ces deux cités rivales se vouaient une inimitié forte, à tel point qu'à chaque instant il s'en fallait de peu pour qu'une guerre ne soit pas déclarée entre les deux formations, séparées territorialement par les Etats Pontificaux. Ainsi, l'élection du nouveau Pape allait revêtir une grande importance dans les enjeux de pouvoir. [...]
[...] Il est pourtant à noter que les deux familles ne s'aimaient guère, sans que cela n'aille jusqu'à la franche détestation. La conservation de leur situation sont ainsi qui a primé sur le reste pour Orsini et Colonna. Entre Borgia et Piccolomini Ces deux cardinaux ont à la base des positions communes pouvant aboutir à une même position durant le conclave : ils ont un ennemi commun en la personne de Giuliano della Rovere, sans que cela ne veuille dire que leurs intérêts sont convergents. [...]
[...] C'est également de ces relations que, bien souvent, les historiens ont pu établir les motivations des uns et des autres au sein du conclave à venir. Entre Savelli et Colonna Ces deux cardinaux étaient deux amis intimes, qui ont pour autant, selon les dires d'un ambassadeur à Rome, tenu des positions différentes quant à la personnalité la mieux amène pour devenir Pape. Cette désunion, qui a sans nul doute été stratégique, l'a été pour conserver une porte de sortie politique, une échappatoire, en cas de l'élection de l'un des deux prétendants que l'un et l'autre allaient soutenir. [...]
[...] Le Portugais, par cette initiative, réussit à faire sortir le conclave de sa léthargie, mais paradoxalement parce qu'il fit l'unanimité contre lui ! Aucun cardinal, qu'il soit jugé éligible ou non, ne voulut prendre le risque de voir un Pape affaiblit. Le second scrutin repris dans la journée. Même si le vote put reprendre, il semblerait que les lignes n'aient pourtant que peu bougé, avec toujours entre autres neuf voix pour Caraffa, huit pour Borgia, sept pour Michiel, cinq pour della Rovere. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture