Dès le XVIIe siècle, le mot « lumière » trouve sous la plume de Descartes – accolé à l'adjectif « naturelle » - le sens d'une capacité intellectuelle qui s'oppose à la grâce divine et ne résulte que de la mise en œuvre de sa propre raison. Toutefois, le terme « Lumières » n'apparaît que concomitamment au phénomène qu'il désigne (vers 1760), pour désigner les mises en œuvre de l'intelligence rationnelle. Plus précisément, le phénomène ainsi défini désigne cette période de l'histoire culturelle européenne qui jouxte la Révolution française et s'étend de 1750 à 1790 environ ; on dira qu'en somme, il désigne le XVIIIe siècle en Europe, en tant qu'il met en place les éléments de la philosophie politique de la Révolution française.
La période voit en effet triompher le recours à la raison, et les philosophes en particulier trouvent désormais place auprès des monarques éclairés ; ainsi, ils réalisent leur velléité de transformation du monde et d'application de leurs idées dans le cadre politique. Ce renouveau des idées illuminées par la raison pousse certains à faire des Lumières une cause directe de la Révolution française, comme si, en fait, les idées gouvernaient complètement le monde. S'il est indéniable que la période considérée voit s'accomplir un « coup d'accélérateur de l'Histoire », la fermentation intellectuelle de l'époque semble influencer plus qu'elle ne détermine la Révolution.
Néanmoins, ainsi que l'écrit François Furet, les Lumières ont exercé une influence telle qu'elles auraient - pour partie- forgé notre sensibilité moderne, auraient gravé dans nos esprits des idées transsubstantiées en droits inaliénables. En un mot, la période aurait joué un rôle déterminant en préparant l'éclosion de la Révolution et en forgeant les concepts de la modernité politique, sociale, intellectuelle et religieuse.
L'interrogation surgit alors : dans quelle mesure les Lumières constituent-elles une révolution culturelle et intellectuelle ?
[...] - Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes - Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique II, chapitres 2 et 4. [...]
[...] Plusieurs conceptions apparaissent à cette époque, parfois divergentes : Emmanuel Kant considère que l'éducation des enfants (Traité de pédagogie) doit être menée à bien en fonction d'un futur état possible meilleur que celui actuel. Selon Rousseau, l'enfant doit faire lui-même ses propres découvertes, son seul apprentissage doit se limiter à celui de la liberté –dans ses quinze premières années du moins-, puis il aliénera volontairement sa liberté à la raison, figure incarnée par son précepteur. A cette conception privée de l'éducation s'oppose celle de Condorcet, qui déjà propose une formation intellectuelle publique et à l'adresse de tous. Son point de vue sur la question est déjà imprégné d'un regard démocratique. [...]
[...] Cet homme sera le citoyen, dont la figure consacre celle de l'individu. Le bonheur, originellement conçu comme collectif car sociétal, devient rapidement individuel : prions l'autorité de rester dans ses limites. Qu'elle se borne à être juste ; nous nous chargerons d'être heureux écrit Benjamin Constant en 1819. L'écrivain et homme politique a reconnu l'avancée de l'individu au sein du cercle politique et social comme un fait irrésistible, une tendance lourde qu'il serait vain de tenter de contrecarrer. Son refus d'offrir au peuple en masse l'holocauste du peuple en détail n'est rien d'autre que celui de sacrifier la liberté individuelle sur l'autel de la vie sociale. [...]
[...] Voltaire ne dit- il pas que la raison finit toujours par avoir raison ? L'usage de celle- ci est supposé augmenter la quantité de connaissances et conduire à une amélioration de l'humanité. C'est toute la logique qui sous-tend la rédaction de l'Encyclopédie (1751) qui est ici révélée. L'œuvre monumentale est rédigée pour faire la synthèse de toutes les techniques et connaissances maîtrisées alors. Les meilleurs spécialistes se rassemblent autour du projet dans le but d'utiliser leur savoir afin de dissiper l'ignorance et les préjugés. [...]
[...] En effet, le philosophe soutient que chaque homme est doté, par son statut même d'Homme, de droits inaliénables -parmi lesquels la liberté. L'idéal de gouvernement devient celui de la monarchie éclairée, dont chacun croit en voir un bel exemple dans l'Angleterre de l'époque. Rousseau exprime avec son ouvrage fondateur Du contrat social (1762) l'idée qu'il n'est de liberté politique sans une certaine égalité sociale. Et de fait, si la rationalisation du débat incite à fixer une constitution par écrit et entérine l'idée de contrat, elle fait émerger les concepts politiques les plus modernes, dont ceux de patrie et de nation. [...]
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