« Sire, le voyage dont je vais rendre est le premier de cette espèce entrepris par les Français et exécuté par les vaisseaux de VOTRE MAJESTÉ […] VOTRE MAJESTÉ voulu profiter du loisir de la paix pour procurer à la géographie des connaissances utiles à l'humanité. Sous vos auspices, SIRE, nous sommes entrés dans la carrière ». Voilà l'adresse au Roi rédigée par Bougainville et qui introduit son œuvre Voyage autour du monde. Le comte de Bougainville est nanti d'une solide formation scientifique et c'est sans doute ce qui lui permet après un début de carrière militaire de se reconvertir dans la marine en 1763: il est alors nommé capitaine de frégate par Choiseul et est chargé par celui-ci d'implanter les premiers colons bretons de Saint-Malo aux Îles Malouines. Un an après la fin de cette mission en 1765, il se voit alors confier cette mission de reconnaissance scientifique autour du monde. Ainsi Bougainville va alors réaliser de 1766 à 1769 sur l'ordre de Louis XV le premier voyage autour du monde entrepris par les Français, c'est-à-dire une circumnavigation. Ce projet, longuement organisé, minutieusement mis au point s'accompagne d'objectifs précis et est aidé par un équipage et un matériel sélectionnés avec précaution. Néanmoins ce récit de voyage n'est pas la seule source permettant de connaître les différentes péripéties de l'expédition. En effet durant toutes ces années où Bougainville et son équipage voguaient sur les mers et les océans, le chef d'expédition entretenait une correspondance avec le ministre (on peut émettre l'hypothèse que le ministre en question est Choiseul […], lettres que l'on peut retrouver dans les archives nationales.
Ainsi, nous nous trouvons ici face à une lettre officielle de Bougainville au ministre. Elle est classée dans les archives nationales avec les documents relatifs aux colonies. Cela confirme la visée colonisatrice de l'expédition. Ce courrier est rédigé le 12 juillet 1767 alors que les membres de l'expédition font escale à Rio de Janeiro depuis déjà une vingtaine de jours. Cela s'avère être une source précieuse de renseignements et est rigoureusement organisée.
En effet dans un premier temps (lignes 1 à 20) Bougainville informe le ministre de façon générale sur l'avancée de l'expédition et ce qu‘il nomme sa « besogne » : lieu de la dernière escale, réalisation de la jonction entre les deux navires du voyage à savoir la Boudeuse et l'Étoile, l'inventaire des vivres récupérés et le moyen de se procurer ceux manquants, l'état des recettes et des dépenses et enfin l'état de santé général de l'équipage. L'ensemble de ces informations s'avère être globalement positif. Dans un second temps il s'intéresse plus particulièrement à son escale à Rio de Janeiro: premier contact avec le vice-roi, achat nécessaire (ligne 21 à 28). Bougainville informe néanmoins que l'entente avec le vice-roi s'est fortement dégradée lorsque ce dernier a appris que le navire français avait apporté son aide au Diligent, vaisseau de guerre espagnol. S'en suit alors une description rapide des relations actuelles entre Portugais et Espagnols (lignes 35 à 39). Bougainville présente alors successivement (lignes 39 à 69) les relations entre le vice roi et le capitaine espagnol, puis avec lui-même et son équipage. Bougainville achève sa lettre par sa rencontre avec M. d'Etchevery, commandant de l'Étoile du matin.
Ce texte nous permet alors de nous interroger sur divers points à savoir les caractéristiques de l'expédition menée par Bougainville, les liens qui rattachent ce dernier à la métropole. Cette lettre nous présente également quelles sont les modalités d'une escale sur un territoire étranger: relations avec les autorités compétentes, protocole à respecter, vivre à charger… Elle permet aussi d'avoir un certain aperçu de l'état du monde en 1767.
[...] Allez, lui a dit le viceroi, je ne veux de vos papiers ni de vous, je saurai dans peu si nous sommes en guerre et alors je parlerai à votre commandant, à vous, aux Espagnols. II faisoit cette réponse en gesticulant avec son fouet. Les Espagnols se sont retirés à bord de leur vaisseau. Les Portugais arment jour et nuit le Saint-Sébastien, vaisseau neuf de soixante quatre construit ici et une frégate de 40 canons destinés à escorter un convoi d'hommes et de munitions à Rio Grande et à la colonie du St-Sacrement. Nous avons de même essuyé la brutalité du viceroi. [...]
[...] Il est également vraisemblable que les deux documents n'ont pas la même utilisation en métropole. Il ne tiendra qu'à moi de rendre les frais de cette expédition le moins considérable qu'il se pourra L. 15-16. L'aide financière apportée par l'État est primordiale. En effet qui sinon un prince ou un État pourrait prendre à sa charge semblable opération, qui dépasse les moyens des particuliers en même temps qu'elle excède l'intérêt des compagnies? Comme l'écrit de Brosses l'entreprise ne peut être faite que par un roi Cela explique le fait que Bougainville fait part au ministre de l'état de ses finances. [...]
[...] L'ensemble de ces informations s'avère être globalement positif. Dans un second temps il s'intéresse plus particulièrement à son escale à Rio de Janeiro: premier contact avec le vice-roi, achat nécessaire (ligne 21 à 28). Bougainville informe néanmoins que l'entente avec le vice-roi s'est fortement dégradée lorsque ce dernier a appris que le navire français avait apporté son aide au Diligent, vaisseau de guerre espagnol. S'en suit alors une description rapide des relations actuelles entre Portugais et Espagnols (lignes 35 à 39). [...]
[...] Il supervise les opérations commerciales ainsi que les escales des diverses navires pour lesquelles les capitaines doivent d'ailleurs lui rendre des comptes. C'est une personnalité incontournable dont l'influence peut être aussi positive que néfaste pour les divers équipages. J'ai envoyé un officier au palais du vice-roi pour les cérémonies ordinaires (l. 21-22). Lorsqu'un navire fait escale dans une colonie étrangère, l'équipage doit respecter un certain protocole et certaines convenances vis-à-vis du vice roi afin que l'escale se passe au mieux. [...]
[...] De plus Bougainville a l'avantage de posséder de solides connaissances scientifiques. A cela s'ajoute une expérience de la mer, acquise lors de son expédition passée aux Malouines. Un équipage savant: outre les investissements matériels que nous analyseront plus tard, l'enrôlement des pouvoirs et des institutions se traduit aussi sur le plan scientifique, dans l'élaboration du programme et dans le personnel enrôlé. C'est Bougainville qui innove ici en embarquant pour son voyage un astronome Verron (il décèdera aux Philippines) et un naturaliste Philibert Commerson (resté sur l‘Île de France il meurt quelques années plus tard; ses notes et ses spécimens sont dispersés et en partie perdus; Buffon en utilisera quelques parties pour son Histoire Naturelle). [...]
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