Sur une place si petite qu'elle n'en semble pas une, caché derrière les six colonnes de sa façade, le théâtre de Besançon se cache aux yeux des Bisontins et apparaît semblable à tous les bâtiments qui l'entourent. Pourtant, sa construction a été précédée d'âpres débats, car son architecte, Claude-Nicolas Ledoux, le voulait porteur de remises en cause et de nouvelles aspirations. Il explique ses théories et ce qu'il veut faire dans une lettre, restée célèbre, datée du 24 août 1775 et destinée à Charles-André de Lacoré, l'intendant de Franche-Comté.
Ledoux est né le 27 mars 1736 à Dormans dans une famille modeste. Il réalise de 1762 à 1774 des hôtels particuliers à Paris. Devenu le protégé de Madame du Barry et reçu à l'Académie royale, il devient l'architecte officiel du roi. De 1773 à 1774, il dessine pour celui-ci les plans de la Saline royale d'Arc-et-Senans. Lorsque cette dernière est en construction, l'intendant de Franche-Comté confie à Ledoux la tâche de s'occuper des plans du théâtre de Besançon, dont les travaux dureront de 1778 à 1784. A la Révolution, Ledoux est emprisonné et va écrire dans sa geôle un traité, L'Architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation, qui comporte l'essentiel de ses théories artistiques et urbanistiques. Il meurt en 1806 à Paris. Lacoré est lui né le 24 août 1720, dans la grande bourgeoisie parisienne. Il est conseiller au premier parlement de France en 1741, maître des requêtes en 1749 et président du Grand Conseil en 1756. En 1761, il devient intendant de Franche-Comté après l'avoir été trois ans pour Montauban. Esprit éclairé, fondateur de la loge franc-maçonnique Sincérité, ami des philosophes et des artistes, il a une très grande admiration pour Ledoux. Il est estimé de ses administrés comtois dont il sera l'intendant jusqu'à sa mort, en 1784.
Dans cette région, les intendants ne sont présents que depuis 1674 après la conquête définitive de la Comté par Louis XIV et Lacoré a du affronter la disette de 1770 et réprimer la guerre des farines d'avril-mai 1775. La région est ruinée, mais ses élites ont soif de culture et de spectacles. En 1769 et en 1770, l'Académie des Sciences, des Belles-lettres et des Arts de Besançon lance donc un concours d'architecture sur le projet d'un théâtre proprement dit car les séances avaient lieu jusque là dans une salle du palais Granvelle. Lacoré confie alors les plans à Ledoux.
Ainsi, quelles vont donc être les innovations, architecturales, esthétiques et sociales, que propose Ledoux pour le théâtre de la capitale d'une province française depuis peu et où la bourgeoisie prend de plus en plus d'importance ? Nous verrons en premier lieu quels sont les combats que doit mener Ledoux pour proposer ses idées, puisqu'il propose une conception audacieuse du théâtre et enfin que celle-ci, basée sur les antagonismes sociaux, se veut promotrice d'une idéologie.
[...] Déjà, la forme de salle est circulaire (l. 32) et le rayon le plus éloigné ne s'étend pas plus que la ligne la plus distante de nos parterres faits dans les jeux de paume (l.32-33), ce qui est bien ce qu'il a énoncé lors de ses observations empiriques sur la forme naturelle d'un spectacle. De plus, une géométrie semi-sphérique, qui permet une meilleure qualité acoustique, est vue par Ledoux comme la forme de l'harmonie universelle du monde Il va également augmenter la taille de la scène. [...]
[...] Il faut bien sûr rappeler ici la sympathie qu'avait Ledoux pour les idées esthétiques nouvelles des encyclopédistes. Les oppositions des contemporains Cependant, Claude-Nicolas Ledoux n'a pas que le passé à affronter pour établir nouvelle religion mais aussi vaincre les oppositions de ses contemporain, alors que le débat de la réforme du théâtre public passionne depuis les années 1740. En effet, il y a pour lui une sorte d'inertie qui porte chacun à suivre les lois écrites (l.31) même si le siècle, temps heureux (l.30), est propice aux nouveautés et aux changements. [...]
[...] Il supprime déjà toute décoration étrangères aux personnes qui meublent la salle, ces appuis trop dorés ou trop pauvres qui séparent un rang de l'autre, nuisent à l'effet général par le ton et par la discordance des lignes interrompues (l.37-39). Il s'élève ainsi contre les la décoration outrancière, les bas-reliefs, les guirlandes, les candélabres, les fausses perspectives tout ce qui surcharge le regard du spectateur et l'empêche de se concentrer pleinement sur la scène. Son attachement au style néoclassique le pousse à un style épuré, à une recherche d'élégance et à l'emploi d'un vocabulaire antiquisant, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur du théâtre. [...]
[...] Basé sur les antagonismes sociaux, le mode d'organisation est porteur de différentes normes sociales qui, au final, donne une nouvelle morale. J'ai cherché à contenter tous les états (l.42) déclare l'architecte en concevant un théâtre pour tous les publics, dans une intention idéologique précise. Des sièges suivant la fortune et l'ordre Premièrement, les sièges sont attribués suivant la fortune et l'ordre. Suivant les principes empiriques énoncés précédemment, il remplace la force par le prix du billet et classe les spectateurs : l'amphithéâtre sera meublé par les hommes qui paient le plus, le balcon par l'état-major, les premières loges par les femmes les plus riches, les secondes par les particuliers qui composent le second ordre, le parterre enfin par ceux qui paient le moins (l.44-46). [...]
[...] Lorsque cette dernière est en construction, l'intendant de Franche-Comté confie à Ledoux la tâche de s'occuper des plans du théâtre de Besançon, dont les travaux dureront de 1778 à 1784. A la Révolution, Ledoux est emprisonné et va écrire dans sa geôle un traité, L'Architecture considérée sous le rapport de l'art, des mœurs et de la législation, qui comporte l'essentiel de ses théories artistiques et urbanistiques. Il meurt en 1806 à Paris. Lacoré est lui né le 24 août 1720, dans la grande bourgeoisie parisienne. [...]
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