La démographie, l'étude quantitative d'une population, s'appuie sur diverses sources plus ou moins précises. Les historiens de l'époque médiévale n'ont à leur disposition qu'un nombre très restreint de sources, qui présentent souvent des lacunes. Les sources sur la démographie sont rares pour l'époque qui nous concerne. Parmi elles, ont peut citer les obituaires, c'est-à-dire des registres tenus dans les églises qui indiquent pour chaque jour les noms des personnes pour lesquelles doivent être fondés les obits (des célébrations pour le repos de l'âme d'un mort). On dispose également de registres paroissiaux, tenus par les curés, de testaments qui ont été enregistrés, sachant que les plus pauvres n'en font pas, de registres des impôts, et de registres des censiers. Ce sont donc des sources qui ont des lacunes parce qu'elles ne représentent pas tout le monde et qu'elles ont été mal conservées. A partir de quatre textes, nous verrons dans quelle mesure (et dans quelles limites) l'on peut utiliser le témoignage et la chronique comme des sources de la démographie.
Les textes concernant les années 1414, 1422 et 1427 sont issus du Journal d'un bourgeois de Paris tenu entre 1405-1449. L'appellation « bourgeois de Paris » a été donnée ultérieurement à l'auteur. En réalité, l'auteur de ces trois textes n'est pas un bourgeois mais un clerc. Il rédige ce journal dans le but de fixer la mémoire de la collectivité à laquelle il appartient, à savoir Paris.
Le texte concernant l'année 1418 est tiré des Chroniques du religieux de Saint Denys sous le règne de Charles VI. Dans l'ouvrage, le paragraphe qui constitue notre extrait est intitulé « Mortalité produite dans le royaume par une maladie épidémique ». Ces chroniques ont été écrites par un religieux de Saint-Denis anonyme, mais qui s'appellerait, selon une étude historique, Michel Pintoin. Il s'agit d'un érudit : Michel Pintoin est chantre à l'abbaye de Saint-Denis depuis 1400. Sa chronique est nourrie de bruits de la cour, de témoignages, et de documents provenant de la bibliothèque que l'abbaye. C'est depuis la fin du XIIe siècle, sous le règne de Philippe Auguste, que les moines de l'abbaye de Saint-Denis sont en charge de la rédaction d'une chronique du royaume de France, laquelle est écrite en latin.
Ces quatre extraits n'appartiennent pas au même type de document : leurs auteurs n'ont pas les mêmes buts (le Bourgeois veut fixer la mémoire de sa collectivité, tandis que le religieux écrit au service du royaume), et l'échelle est également différente (les trois textes du bourgeois de Paris concernent Paris, et le texte de Michel Pintoin concerne la France entière). Dans les deux cas, les auteurs sont des témoins oculaires, contemporains des faits qu'ils rapportent. Les textes abordent le sujet des épidémies qui frappent le royaume de France à quatre dates différentes entre 1414 et 1427. Nous sont décrits les symptômes qui touchent la population.
Entre ces deux dates, la France est en pleine Guerre de cent ans contre l'Angleterre, et est parallèlement secouée par des troubles internes puisqu'il y a une guerre civile qui oppose les Armagnacs aux Bourguignons. En effet depuis 1392, date qui marque le début des accès de folie du roi Charles VI, deux camps se disputent le pouvoir. Au début, le duc d'Orléans Louis d'Orléans (le frère du roi) et le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (l'oncle du roi) s'opposent. En 1407, le fils de Philippe le Hardi, Jean sans Peur fait tuer Louis d'Orléans : c'est l'évènement qui marque la constitution des deux partis Armagnacs (du côté du duc d'Orléans) et Bourguignons (du côté du duc de Bourgogne Jean sans Peur). Au cours de la période 1414-1427 plusieurs les gouvernements se renversent et se succèdent, et le royaume de France est aliéné, c'est-à-dire qu'il est divisé en plusieurs zones sur lesquelles s'exercent différents pouvoirs. C'est dans ce contexte d'instabilité politique que se développent des maladies qui nous sont décrites dans les textes que nous allons étudier.
Comment les épidémies que subissent les Parisiens entre 1414 et 1427 nous sont présentées à travers deux témoignages aux visées différentes, et quelles sont les conséquences de ces épidémies sur la démographie ? Nous tenterons d'apporter une réponse à cette question en abordant les faits de manière chronologique : nous nous attacherons tout d'abord aux causes attribuées à ces maladies, puis à leurs manifestations, et enfin à leurs effets sur la démographie.
[...] Pour l'épidémie de grippe de 1414, le bourgeois parle de personnes touchées. Il faut rappeler que l'on considère qu'il y avait environ habitants à Paris (ce chiffre de étant très approximatif parce qu'il résulte d'un calcul effectué par les historiens à partir du nombre de feux. Etant donné qu'il est impossible de connaître le nombre de personnes qui compose chaque feu, les statistiques doivent toujours être maniées avec attention). Il est d'ailleurs fort probable que Paris ait été beaucoup moins peuplée : certains estiment que l'on ne pouvait même pas compter plus de habitants à Paris[1]. [...]
[...] Sans doute lui-même touché par les maladies, le bourgeois de Paris présente les épidémies d'un point de vue plus personnel, qui rend d'ailleurs les estimations chiffrées dangereuses à interpréter. Ces textes nous apportent des éléments utiles pour l'étude de l'évolution et du déclin de la population parisienne. Le fait qu'il y ait eu pas moins de quatre épidémies à Paris en treize ans, dont deux très meurtrières, nous indique que la population tend à décliner, de manière générale, au cours de notre période. D'ailleurs, au XVe siècle, la fréquence des épidémies conduit les curés à tenir les registres paroissiaux avec plus de régularité, pour recenser la population. [...]
[...] Les textes abordent le sujet des épidémies qui frappent le royaume de France à quatre dates différentes entre 1414 et 1427. Nous sont décrits les symptômes qui touchent la population. Entre ces deux dates, la France est en pleine Guerre de cent ans contre l'Angleterre, et est parallèlement secouée par des troubles internes puisqu'il y a une guerre civile qui oppose les Armagnacs aux Bourguignons. En effet depuis 1392, date qui marque le début des accès de folie du roi Charles VI, deux camps se disputent le pouvoir. [...]
[...] Ces symptômes sont ceux de la petite vérole. En 1422, c'est également de la petite vérole dont il est question, elle est d'ailleurs nommée comme telle dans le texte. Par exemple, lorsque l'auteur affirme : et tant en étaient couverts qu'on ne les connaissait (l.8 et cela rappelle les gros boutons enflammés qui défigurent dont parle le chantre de Saint Denis pour l'année 1418. Nous apprenons également que les malades en perdaient la vue corporelle (l.14), c'est- à-dire qu'ils deviennent aveugles, et c'est bien un symptôme de la petite vérole. [...]
[...] Des épidémies d'une grande ampleur Ce sont des épidémies de grande ampleur. Tout d'abord à cause de leurs durées respectives : six semaines pour la première, quatre mois (de juin à octobre) pour la petite vérole de 1418, et deux mois (de mi-septembre à mi- novembre) pour la grippe de 1427. La population touchée Ces épidémies ont la caractéristique de n'épargner personne. En effet, pour l'épidémie de grippe de 1427, le bourgeois de Paris nous apprend que n'était nul ni nulle qui aucunement ne s'en sentit dedans le temps qu'elle dura (texte 4 l.3) et également qu' il fut peu, fût petit ou grand, femme ou enfants, qui n'eût en ce temps, ou assées, ou frissons, ou la toux qui trop durait longuement (texte 4 l.21). [...]
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