Traite des fourrures. Nouvelle-France.
Dans l'imaginaire québécois, le coureur des bois fait figure mythique. Il est un des modèles par excellence de nos aïeux, celui dans lequel s'incarne le métissage des civilisations européennes – française – et amérindiennes. Son esprit d'aventure et d'indépendance, sa robustesse magnifient son souvenir, ce qui fait de lui un archétype historique d'héroïsme dont la gloire déborde les cadres de la Nation québécoise pour s'étendre chez les Américains ( pensons simplement à Pasquinel dans la série-culte américaine Colorado ) comme chez les Français. Mais au-delà du mythe, il reste un personnage méconnu. Entre autres, peu de gens savent qu'il fut vite, dès le XVIIIe siècle, remplacé par l'engagé ou voyageur : un ouvrier mis à contrat, chevillé à la lucrative industrie de la fourrure et ipso facto à l'existence combien plus prosaïque. C'est de cerner la réalité socio-économique de cet ouvrier, personnage peut-être moins connu, mais certainement tout autant historique, que propose le présent travail. La réalité qui est propre à ce métier, mais aussi celle qui sera crée par l'émergence de ce nouvel emploi : en clair, il s'agira de mesurer les conséquences de l'intégration de la paysannerie et de son économie locale, paysanne, traditionnelle et pré-capitaliste au marché capitaliste international de la fourrure. Deux auteurs, Greer et Wien, mais aussi, intrinsèquement, deux visions d'un même problème historique seront employées pour résoudre ce questionnement. À ce propos, l'accent sera mis à souligner les divergences entre le point de vue beaucoup plus noir de Greer et celui de Wien, totalement étranger au premier par son optimisme. D'ores et déjà, il faut avertir le lecteur de l'écueil qui menace le présent travail. Comme Wien se contente de toucher au seul XVIIIe siècle, alors que Greer déborde sur la première moitié du XIXe siècle, les résultats de la présente étude voient sa solidité ébranlée à sa base même. Des sources qui concernent deux époques différentes, même voisines, peuvent malheureusement introduire un biais.
[...] Comme Wien se contente de toucher au seul XVIIIe siècle, alors que Greer déborde sur la première moitié du XIXe siècle, les résultats de la présente étude voient sa solidité ébranlée à sa base même. Des sources qui concernent deux époques différentes, même voisines, peuvent malheureusement introduire un biais Le travail de voyageur La nature du travail L'engagement est un travail dur, même pour les standards de ces rudes habitants de l'époque coloniale. D'abord surnommé coureur des bois, puis vers 1680 voyageurs, et à la fin du 17e siècle, engagé[1], le travailleur doit affronter : [ ] taches éreintantes, absences prolongées, danger de noyade ou de mort violente[ Portage, canotage, à contre-courant pour l'aller, et portefaix sont ces principales tâches qui nécessitent, il va sans dire, robustesse et par lesquelles les fourrures quittaient les postes d'arrière-pays pour atterrir dans les dépôts commerciaux logés le long de l'axe laurentien desquels partaient les ballots vers le vieux continent. [...]
[...] Si à court terme, Sorel, qui est son laboratoire historique dans lequel s'élaborent ses thèses néo-marxistes, reçoit du commerce de la fourrure la prospérité, cela sera à long terme la cause de son déclin. Il souligne le rôle de la pénétration du grand capital et des réseaux commerciaux internationaux via la traite des fourrures dans l'économie locale et dans la société paysanne de Sorel. Comme la paysannerie soreloise avait besoin des biens manufacturés ( de production non domestique elle trouva dans le salariat le surplus qu'elle cherchait pour ces achats. [...]
[...] Très peu soucieux de développement durable et local, le capitalisme est venu à Sorel; il a usé du vivier de main-d'œuvre paysanne docile qui s'y trouvait; empila les deniers qu'il avait à faire avec lui; pour ensuite, repartir : laissant derrière lui une paysannerie dépassée par les événements. Suite à ce départ, la dépendance aux entrées pécuniaires que lui procurait son insertion dans le marché international de la fourrure se mua alors en immense vide économique. Quand nous voyons le cas de Sorel : le parallèle avec aujourd'hui est facile. Est-il vraiment d'autre nature: ce même immense vide qui accable nos régions délaissées par les multinationales? [...]
[...] Un peu plus loin, Wien pousse plus loi, lorsque parlant de l'engagement, il ne veut que lui attribuer des effets bénéfiques: en ce sens, il est probable que l'engagement n'ait pas que des effets compensatoires sur la dynamique sociale paysanne, mais plutôt une influence multiforme, venant ici faciliter l'existence des provisoirement durablement mal pris, là, impulser des réussites remarquables, aux effets transmissibles à la génération suivante.[29] Si Greer a pu dire : c'est le capitalisme en marche qui a fini par détruire sa dernière chance ( celle de l'habitant voyageur ) de jouir d'un moyen d'existence propre [ tout dans Wien concourt à montrer une paysannerie débrouillarde faisant à son seul profit personnel le jeu des grandes compagnies de la fourrure, mieux encore, alors que la subsistance étant pleinement assurée par une agriculture tout à fait saine, elle réussissait à accumuler par ce métier un surplus qui améliorait le quotidien et qui, par-là, accroissait l'indépendance de sa famille. Comme il fut expliqué en introduction, il faudrait voir si cette divergence d'interprétation des impacts socio-économiques de l'engagement sur la paysannerie repose seulement sur le fait qu'entre les deux auteurs s'élève une approche temporelle différente. Conclusion : Greer et Wien ont définitivement deux approches du problème historique. Chez le premier, le paysan canadien du XVIIIe siècle sait tirer profit du commerce des fourrures qui l'intègre à son circuit bien assez tôt. [...]
[...] Ni la fréquence, ni le calendrier saisonnier de leurs voyages, ni finalement leur nombre ne les mettent dans une situation à entraver sérieusement l'expansion agricole.[25] Les terres ne sont pas négligées par des paysans absorbés par leur travail d'engagé. Il fait confiance à la responsabilité financière et économique des paysans. Aux antipodes de Greer, aucun mot n'est soufflé au sujet de la mainmise d'un quelconque grand capital étranger et de ses effets pervers, toute la place est donc donnée aux initiatives locales. L'accumulation d'un surplus par le salariat permet le développement d'un capital local qui par ses injections dans la communauté[26] donne une dynamique locale à l'économie paysanne. [...]
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