Si le premier mouvement de colonisation débute au XVIe siècle (débouchant sur la constitution d'empires européens en Amérique et dans l'océan pacifique), celui qui nous intéresse est le second processus, qui s'enclenche au XIXe siècle (pour culminer à la veille de la guerre) et peut être défini comme une expansion et une domination politique, culturelle et économique. Le pays connaissant alors la plus grande expansion est le Royaume-Uni, suivi par la France, deux nations dont on a l'habitude d'opposer les modèles impérialistes (rivalité qui remonte à 1688, c.à.d. après la seconde révolution d'Angleterre). Dans quelle mesure sont-ils alors vraiment antagonistes ? C'est-à-dire en vertu de quels éléments (moteurs de l'impérialisme, administration coloniale ?) et selon quelle définition de l'antagonisme (concurrence ou différence) ?
[...] Les tensions peuvent en effet aussi se manifester moins directement, comme lorsque la GB voit son hégémonie contestée par les Boers en Afrique du sud, qui trouvent des sympathies en France (et en Allemagne d'ailleurs). L'antagonisme au sens de concurrence est finalement particulièrement vif au moment de l'ouverture du canal de Suez, en 1869, car en ouvrant de nouvelles routes elle modifie les données des politiques impériales. Ce n'est pas apaisé par le gouvernement conservateur de Disraeli, qui donne l'élan à une politique résolument offensive. Il faut citer l'influence qu'a cette compétition sur les représentations de l'autre, qui nourrissent fortement cette idée d'antagonisme. [...]
[...] Finalement ces situations d'alliance (souvent militaire contre un tiers) peuvent même déteindre sur les opinions publiques (alors que comme nous l'avons vu les stéréotypes ont la dent dure), masquant presque par une anglo et francophilie mutuelle l'incompatibilité qu'elles laissent transparaître en période de tensions III/L'administration et la gestion : les différences entre systèmes coloniaux C'est sans doute une fois les territoires obtenus que l'antagonisme (au sens de différence) entre les deux pays se fait le plus net, càd dans l'organisation de leur domination. Après la conquête, l'administration revient dans les deux cas d'abord aux militaires, mais très vite des fonctionnaires coloniaux prennent le relais et c'est là que les différences se creusent. Le modèle britannique Au RU, le système qui prévalait lors de la première phase de colonisation évolue très nettement, ce qui est fortement lié à l'avènement du libre- échange. C'est donc progressivement le principe de gouvernement responsable qui remplace un contrôle impérial coûteux. [...]
[...] Il faut en fait bien noter que la colonisation, aux yeux de ses promoteurs anglais comme français, permettait à la nation d'affirmer son statut de puissance européenne sans menacer la paix sur le Vieux Continent. L'élément humanitaire Il ne faut pas sous-estimer cet argument moral, encore une fois commun aux deux nations. Mus par des préoccupations humanitaires, britanniques comme français considéraient qu'ils avaient une mission civilisatrice à remplir. Cependant on peut noter une légère différence : Chez les premiers, cette idée prenait une coloration religieuse Elle était résolument laïque chez les dirigeants français. [...]
[...] Mais deux concurrents aux modèles d'expansion finalement pas si incompatibles Il faut tout d'abord noter que les multiples conquêtes des deux puissances coloniales se font souvent de manière similaire, avec ce que l'on pourrait qualifier de certains acharnements quitte à commettre parfois des exactions (on peut concernant la France par exemple penser à la mission Voulet-Chanoine au Niger). Les populations présentes au moment de la conquête ne sont donc pas toujours prises en compte, et même durement repoussées (on peut pour les anglais citer leur annexion de l'Afrique du sud, qui entraine de vives réactions et des difficultés à soumettre les zoulous). Les deux puissances sont donc concurrentes, mais leurs méthodes beaucoup moins. Ensuite, force est de constater que la rivalité peut elle-même évoluer, voire être quasiment masquée quand les intérêts se retrouvent temporairement convergents. [...]
[...] En Asie, la couronne britannique s'agrandit de la Malaisie, du nord de Bornéo, de la Birmanie et de Hong-Kong. L'expression le soleil ne se couche jamais a alors souvent été employée pour décrire le plus grand empire colonial du début du XXe siècle (l'Angleterre possède le quart des terres émergées du globe, du Canada à l'Australie en passant par les Indes et la majeure partie de l'Afrique orientale). L'inévitable concurrence qu'elle entraine On devine facilement, au regard de l'expansion rapide des deux pays, sur des territoires souvent plus que proches, le fort climat de concurrence qui devait alors régner. [...]
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