L'expression "quitter sa terre" fait tout d'abord référence à un départ des ruraux, dans des sociétés encore en majorité agricoles et conservant un rapport important à la terre. Dans le cas de la France, les paysans ont peu à peu récupéré les terres jadis possédées par les nobles après la Révolution et se sont progressivement constitué "leur" terre. Pourquoi la quittent-ils dans ce cas ? Mais le terme "terre" peut aussi tout simplement vouloir dire pays, et évoquer dans ce cas un déracinement autrement plus profond, vers une destination plus lointaine.
Le "fait migratoire" prend effectivement son essor au XIXème siècle. Des milliers de migrants se déplacent à travers les campagnes, des millions à travers le monde.
Quelles sont les raisons qui poussent les individus à "quitter leur terre" ? Quelle forme prennent leurs déplacements ? Que trouvent-ils une fois arrivés à destination ? (...)
[...] Cette classe ouvrière qui apparaît est cantonnée à l'exécution des tâches industrielles et souvent mal payée. Les migrants saisonniers acceptent des conditions particulièrement précaires, cherchant à ramener le plus d'argent possible au pays. La concentration de cette classe prolétaire dans des quartiers insalubres, leurs conditions de vie difficiles, leur absence de reconnaissance sociale conduit bientôt aux premières révoltes ouvrières du siècle. A côté de l'exode rural, des millions des migrants partent du continent européen et vont vers des destinations lointaines : l'Amérique, puis l'Afrique, l'Australie, dans la plupart des cas sans espoir de retour, pour faire fortune ou tout simplement échapper à la misère dans laquelle ils sont plongés ou à l'oppression à laquelle ils sont soumis. [...]
[...] Les migrants repartaient-ils vers leur région d'origine ? Alors que généralement les émigrants sont restés aux Etats-Unis, tout particulièrement les Irlandais, il en est revenu beaucoup d'Amérique du Sud, notamment d'Argentine. Dans la ville industrielle de Seraing, près de Liège, à partir de 1870, plus de la moitié des immigrants repartent avant dix ans, selon une étude de S. Paslau. Comme le montre M. Oris, les émigrants d'une grande ville se recrutant préférentiellement parmi les immigrants, il y a un lien direct entre les mouvements de l'immigration et ceux de l'émigration. [...]
[...] Il est à noter que les landlords et les administrations de working houses, soucieux de résorber les problèmes sociaux, aident les Irlandais les plus pauvres à payer leur voyage, à condition qu'ils se dirigent vers l'Australie et le Canada pour peupler l'Empire. Il faut rappeler ici que l'immigration en Australie est essentiellement le fait de forçats britanniques et irlandais envoyés coloniser ce territoire, même si l'on s'est efforcé de corriger cette mauvaise image par la suite, jusqu'à ce que l'Australie devienne une destination très recherchée et même sujette à sélection. L'existence des migrants est difficile, du moins au début. Leur rêve d'une existence meilleure est souvent déçu. Ils sont la plupart du temps faiblement qualifiés, et arrivent avec peu d'argent. [...]
[...] A côté de ces départs organisés, subsistent des départs individuels au gré des opportunités, toujours justifiés par une volonté de faire fortune. Le cas irlandais est particulier. On observe d'abord un flux important de migrants vers la Grande-Bretagne, des adultes qui se dirigent essentiellement vers les villes. Ils partent aussi en très grand nombre outre-Atlantique ( dans la première moitié du XIXème), les protestants et les catholiques ayant des zones d'arrivée différenciées (les catholiques, en général plus pauvres, passent par le Canada car la traversée est moins chère). [...]
[...] En Angleterre, on note un afflux massif d'Irlandais en Angleterre du Sud lors des moissons (comme Tess d'Urberville, de Thomas Hardy). Le XIXème siècle a facilité ces migrations saisonnières grâce aux moyens de transports nouveaux. On a donc vu que la raison principale qui poussait les ruraux à se déplacer vers les villes était la recherche d'un emploi. Peu qualifiés, ils s'orientent d'abord vers les travaux où la force physique plus que la qualification compte, à moins qu'il n'existe, par tradition ancienne, une spécialité au village qu'ils puissent réutiliser au bourg, à la ville ou à l'usine. [...]
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