Au XVIIIè siècle, la décadence du pouvoir royal, l'influence croissante des femmes et le besoin d'informations donnent un rôle très important aux salons.
Sous Louis XIV, le centre de la vie intellectuelle se trouvait à Versailles. Mais, au déclin de son règne, Paris renaît lentement.
Les salons se forment d'abord en marge du pouvoir royal, indifférents puis méprisants à l'égard de ce Versailles que D'Alembert désignera par l'expression dédaigneuse « A quatre lieues d'ici ». Née à l'hôtel de Rambouillet, au début du XVIIè siècle, la société polie ressuscite au XVIIIè siècle.
Pour évoquer ces lieux de réunions et de conversations ainsi que leurs habitués, les mémorialistes, comme Marmontel, parlent de « centres de réunions », de « sociétés » et surtout de « cercles ». Le terme « salon » n'est apparu qu'en 1783 dans le tome VI du Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier.
On peut donc se demander ce que sont, au juste, ces cercles savants. Nous trouvons dans l'ouvrage de Jacqueline Hellegouarc'h, L'esprit de société, la définition suivante : « Réunion privée autour d'un hôte, et plus souvent d'une hôtesse, qui anime le jeu avec naturel et discrétion ; réunion réglée suivant certaines modalités, en général à jour fixe, sur invitation de gens d'esprit qui tiennent une conversation de qualité et de bon ton d'où la gaieté, la fantaisie, voire l'excentricité, ne sont pas exclues ».
Cette définition ne suffit cependant pas à retranscrire la réalité de ces salons. En effet, cette notion a constamment évolué au fil des XVIIè et XVIIIè siècles.
Tout d'abord, les facilités qu'ils offraient aux intrigues amoureuses ont contribué à leur succès. Mais, au début du XVIIIè siècle, l'appétit intellectuel des contemporains les pousse à fréquenter les cafés, lieux de réunion masculins où ils goûtent le plaisir d'être mis au courant des derniers évènements et de discuter plus librement qu'en présence des femmes.
Pour concurrencer ces cafés, les maîtresses de maison doivent alors faire de leurs salons des centres d'informations. Ainsi ils deviennent des centres d'opinions et de discussions.
Précisons aussi que ces sociétés sont liées à un univers que contribuent à créer un décor recherché et fastueux, une ambiance particulière et un ensemble de règles implicites que Mme Hellegouarc'h appelle « modalités ».
Nous pouvons donc nous demander quelles sont ces règles qui régissent ainsi les relations entre les différents membres de ces salons, et qui sont réellement leurs protagonistes.
Pour cela, nous verrons, dans une première partie, que les salons sont des lieux où l'origine sociale n'a pas d'importance et où seuls prédominent les esprits. Ensuite, dans une deuxième partie, nous mettrons en évidence que les femmes sont les reines incontestées de ces réunions.
Pour plus de clarté, je m'appuierai, entre autres exemples, sur l'extrait concernant « Le Salons de Mme Geoffrin » du livre IV des Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants de Jean-François Marmontel (1723-1799).
Issu d'une famille très modeste, il a fait ses études chez les jésuites décidé à se faire prêtre. Ses premiers succès littéraires à l'Académie de Toulouse et sa correspondance avec Voltaire dont il fut le disciple ont refroidi son zèle religieux. En 1745, il se rend à Paris pour y tenter fortune dans les lettres. Après avoir débuté avec succès comme auteur dramatique, il publie ses Contes Moraux dans lesquels il exprime sa conviction que la Justice triomphera dans la société au détriment du Mal, ainsi que deux romans, Bélisaire et les Incas, traitant tous deux de la tolérance religieuse, qui sont de vrais triomphes. Puis, il dirige le Mercure et collabore à l'Encyclopédie. Couronné par l'Académie Française, il y est admis en 1763 et devient ensuite historiographe du roi et secrétaire perpétuel de l'Académie. Il fréquente les salons littéraires à la mode : ceux de Madame de Tencin, de Madame Geoffrin chez qui il vit pendant un long moment, de Mlle de Lespinasse, de Madame Necker… En 1792, déçu par la tournure qu'a pris la Révolution Française, il se retire en Normandie où il entreprend la rédaction de ses mémoires, vaste autobiographie interrompue au livre XX relatant les évènements de 1797.
Cette œuvre présente un grand intérêt historique grâce aux tableaux où nous voyons s'agiter les esprits les plus brillants du XVIIIè siècle : Voltaire, Montesquieu, D'Alembert, Diderot, Rousseau, Helvétius…
Dans notre extrait, l'auteur nous parle du salon de Madame Geoffrin dont il était un des habitués. Nous explique le déroulement des séances, puis nous fait le portrait de son hôtesse et celui de Mlle de Lespinasse, pour ensuite nous décrire les différents invités qui y prenaient part.
[...] Certaines maîtresses de maison étaient nobles comme la marquise du Deffand, ce qui lui permettait de se passer d'opulence. La troisième possibilité était d'avoir un réseau très étendu de relations dans différents milieux : à la cour, dans les milieux financiers, les milieux artistiques, littéraires comme Madame de Tencin qui connaît familièrement des cardinaux, des maréchaux, des présidents au Parlement, des lieutenants de police. Le deuxième critère correspond à l'âge des hôtesses. Pour la majorité, elles ne sont plus toutes jeunes. [...]
[...] Sur l'original comme sur l'estampe. Ia plupart des motifs sont inversés, ce qui oblige à penser que Lemonnier s'est aidé des gravures de Baléchou, de Flipart et de Beauvarlet qui ont multiplié ces œuvres, bien souvent en contrepartie. ---texte de N. Walch, tiré de Diderot en son temps, éds. Roland Mortier et Michèle Mat (Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier, 1985), pp. 27-29. E. DACIER La gravure de genre et de mœurs, Paris-Bruxelles p Inventaire du Fonds français, XVllle s., Vl, p M. [...]
[...] A partir du XVIIIè siècle, on invite peu à peu des spécialistes, savants et artistes, ce qui permet à la vie de société de s'enrichir de personnalités singulières et de sujets de conversation qui, jusque là, n'étaient pas entrés dans le monde On y rencontre le savant et philosophe Fontenelle, le médecin Astruc, le chimiste Rouelle Ce sont des esprits cultivés, voire encyclopédiques. Quant aux artistes, ils étaient déjà plus ou moins présents dans les salons du XVIIe siècle, mais ils n'étaient alors que des fournisseurs de savoir, et n'y participaient qu'à titre professionnel. Le XVIIIè siècle les fait entrer dans les salons à titre d'invités de marque. Leur talent et leur génie leur tiennent de naissance et d'éducation mondaine. Ils sont très appréciés et recherchés. [...]
[...] Elles ont toutes une forte personnalité et de nombreuses qualités propres à chacune. Madame Geoffrin avait 4 et 78) une bonté autoritaire, Madame du Tencin se distinguait par son intelligence, Mlle de Lespinasse par sa richesse de cœur et son charme qui expliquent qu'une petite demoiselle de compagnie ait réussi à s'entourer d'une cour prestigieuse. Quant à leur culture, elle ne leur est pas indispensable à partir du moment où elles ne prennent pas la parole à mauvais escient. Leur premier devoir, et non des moindres, est de tenir leur maison ouverte à jour fixe et à heure régulière jusqu'à leur mort, pour accueillir l'ensemble de leurs habitués qui, eux, ont la possibilité de faire défaut, contrairement à la maîtresse de maison. [...]
[...] DE SÉGUR, Le Royaume de la rue Saint Honoré. Madame Geoffrin et sa fille, Paris Bibliographie Ouvrages spécifiques Glotz Marguerite, Maire Madeleine, Salons du XVIIIè siècle, Nouvelles éditions latines, Paris Hellegouarc'h Jacqueline, L'esprit de société : cercles et salons parisiens au XVIIIè siècle, Ed. Garnier, Paris Picard Roger, Les salons littéraires et la société française, 1610-1789, Ed. Brentano's, New York Outils de recherche Bély Lucien (sous la direction Dictionnaire de l'Ancien Régime, Ed. PUF Lagarde André, Michard Laurent, XVIIe siècle, XVIIIè siècle, Ed. [...]
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