Le terme d'« Ancien Régime » est anachronique à la période étudiée, qui s'étend jusqu'à 1789. Certes, le terme de « régime » se trouve déjà dans les cahiers de doléances mais il désigne un type d'administration tandis que ce que nous appelons aujourd'hui « Ancien Régime » désigne bien plutôt une société, basée sur la hiérarchie des ordres. En 1790, le dictionnaire de Chantreau mentionne pour la première fois l' « ancien régime » qui équivaut à « l'ancienne administration, celle qui avait lieu avant la révolution ; et le nouveau régime, celle qui a été adoptée depuis cette époque ». Il se définit donc négativement, il est ce que la Révolution française a rejeté. On le délimite difficilement dans le temps, il commence approximativement avec le système féodal et sa chute correspond à la Révolution française. Néanmoins, son effondrement s'étale sur une plus longue période, et les signes de sa faiblesse se font plus fortement sentir à partir de l'année 1787. La question se pose de savoir quelles sont les circonstances et les causes propres à cet effondrement. On peut tout d'abord cerner une première période qui se définit par la situation de crise financière et sociale de 1787, ainsi que par les tentatives de réforme qui sont rejetées par le parlement, dont le peuple est pour la première fois solidaire, notamment à l'occasion de la réforme judiciaire de Lamoignon, situation paradoxale lorsque l'on connaît la composition de ces parlements. Cette période marque le début du rapport de force entre le roi et les parlements qui ont su s'allier le peuple et aboutit à la convocation des États généraux le 8 août 1788 afin de trancher sur la question de la réforme fiscale. La seconde période s'étale de la convocation des États généraux à la proclamation des délégués du Tiers État de l'« Assemblée nationale ». Elle englobe donc le débat sur le mode de réunion de ces États, notamment en matière de représentation et de vote. On assiste là à un déplacement et un élargissement des enjeux. A cela s'ajoute la préparation des États généraux qui va brasser toute une catégorie de citoyens « éclairés » qui vont porter le débat au-delà de la question initiale et constituer pour la première fois, une « opinion publique ». Gonflé de ces débats ainsi que de la situation de crise qui connaît une phase aiguë au printemps 1789, le corps des délégués du Tiers se proclame « Assemblée nationale » le 17 juin 1789. Pour la première fois dans l'histoire de France, les Français se définissent comme une collectivité politique. Enfin, la troisième période correspond aux mouvements de contestation qui se propagent, au déchaînement de la violence, tout d'abord à Paris, avec l'événement symbolique de la prise de la Bastille, puis à toute la province qui connaît de fortes émotions que l'on appelle la « Grande Peur ». A cette violence, le parlement improvise une réponse qui restera gravée dans l'histoire juridique de la France, c'est l'abolition des privilèges de la semaine du 4 au 11 août 1789. C'est à cette date que s'effondre véritablement l'Ancien régime, un orateur dans la nuit du 4 août parle bien de « régime nouveau », qui oppose un ordre social voulu par Dieu à un contrat fondé sur le consentement d'individus libres mettant en commun leurs droits.
[...] C'est donc l'opération d'un individualisme radical, certes, mais d'un individualisme propriétaire puisque la plupart des droits seigneuriaux sont abolis contre rachat et le prix des offices doit être remboursé. Rejet du passé, ambition de reconstruire le social sur les principes de la raison, radicalisme philosophique, les idées qui président l'instauration de ces principes sont directement héritières des Lumières qui voient leur couronnement dans cette nouvelle législation. Mais le trait le plus important des décisions votées dans cette fameuse semaine d'août 1789 est leur caractère durable, car le texte compte toujours parmi les textes fondateurs de la France moderne. Cet épisode inaugure la législation civile de la Révolution. [...]
[...] De son côté l'Assemblée ne cède pas et confirme sa volonté d'attribuer de nouvelles règles à la France en se proclamant Assemblée nationale constituante le 9 juillet. Mais au cours de ce même mois de juillet, les crises frumentaires s'aggravent, les émeutes se multiplient et la presse se fait de plus en plus violente à propos du pouvoir royal et de la noblesse. Il germe l'idée qu'il se tient un complot aristocratique dans l'entourage du roi : on accuse les aristocrates de vouloir faire échouer les Etats généraux et d'affamer le peuple. [...]
[...] Le nom de cette journée vient du fait qu'ils prennent des tuiles pour arme. C'est là le récit d'une émeute révolutionnaire qui ne correspond pas totalement à la réalité et qui n'est pas la première de l'Ancien Régime. Cependant, la suite de l'événement est plus intéressante : une assemblée réunissant clercs, nobles et Tiers Etat se tient dans le château de Vizille le 21 juillet 1788. Celle-ci revendique fermement la convocation des Etats généraux afin de trancher sur la question de la réforme fiscale. [...]
[...] Ce mouvement de l'opinion publique est le bienvenu, car il permet de masquer les divergences entre les parlementaires et de créer une simulation d'union. La solidarité du peuple envers les parlementaires inaugure une nouvelle phase : c'est le début de la prise de pouvoir par la nation. L'Anglais Arthur Young de séjour en France à cette époque constate une fermentation des esprits Gonflés des leçons des Lumières, une partie des sujets français prend la parole, ou plutôt s'exprime dans la violence, on assiste à des émotions dans toute la France. [...]
[...] On ne peut donc pas nier la dimension politique qui accompagne ces révoltes paysannes. L'esprit révolutionnaire, après avoir embrasé Paris, se propage à toute la France, créant une situation de crise inédite. La nuit du 4 août apparaît comme la réponse à cette crise. Le 4 août est la date la plus fameuse de notre histoire parlementaire, elle correspond à la destruction du régime féodal, régime qui a eu cours pendant plusieurs siècles et qui s'est effondré pour laisser la place à un univers social repensé comme une collectivité d'individus libres et égaux devant la loi. [...]
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