Son règne à peine commencé, Louis XVI appelle Turgot au poste de ministre de la marine en 1774. Un mois plus tard, celui-ci devient contrôleur général des finances, le plus haut poste qui soit sous la monarchie. Anne Robert Jacques Turgot naît à Paris le 10 mai 1727, d'une famille normande. Comme tout cadet, il est destiné à une carrière d'ecclésiastique, suit des études de théologie et son parcours, notamment en maison de Sorbonne, l'amène à lire Voltaire, Buffon, Locke, Spinoza…
Ses discours en Sorbonne commencent à le faire connaitre dans les salons parisiens. En 1752, ayant arrêté ses études de théologie afin de préparer une carrière de magistrat, il intègre le Parlement de Pairs en tant que conseiller substitut du procureur général avant de devenir maitre de requêtes en 1753.
En août 1761, il est nommé intendant de Limoges, qui devient peu à peu un terrain d'expérimentation de ses idées. Celles-ci, très en phase avec l'esprit des Lumières, comportent un volet économique important, directement inspiré des thèses de Vincent de Gournay et de la physiocratie de Quesnay.
Mais si elles l'influencent effectivement, il n'en construit pas moins une doctrine générale qui lui est propre et qui lui confère une place à part au Panthéon des économistes : il reste difficile à dire si Turgot est un précurseur inspirateur d'Adam Smith, le représentant d'une école libérale préexistante ou encore un penseur de transition entre les physiocrates et Adam Smith. C'est à sa réputation de réformateur que ce libéral doit sa nomination au poste de contrôleur général des finances : on le considère même comme le dernier espoir de la Monarchie.
Turgot fait paraître un Édit dans lequel il appelle à la suppression des jurandes et des maitrises, en d'autres termes des corporations, au nom de la liberté du travail. En quoi l'édit de Turgot supprimant les corporations a-t-il été une remise en cause des fondements mêmes de l'Ancien Régime ?
[...] En outre y transparaît l'affirmation nouvelle d'un droit inaliénable de l'humanité émanant directement de Dieu. Ce droit est la propriété de tout homme, et cette propriété est la première, la plus sacrée, et la plus imprescriptible de toutes Le droit n'était, aux yeux de Turgot, plus un droit que le Roi pouvait vendre et que les sujets pouvaient acheter, ni une activité avilissante, mais le moyen de s'émanciper socialement. Cette possibilité d'émancipation contrastait avec l'aliénation sociale non plus basée sur des ordres, symboles d'une société figée, mais sur des classes et sur la rémunération du travail plus que de la propriété. [...]
[...] De plus, les corporations sont, selon Turgot, défavorables à l'acheteur puisque l'absence de concurrence maintient les prix élevés et la qualité des produits s'en trouve diminuée du fait d'une moindre exigence de la part du client, qui ne peut trouver autre part un produit qu'il jugerait de mauvaise qualité. Quant à l'État, il subirait une diminution inappréciable du commerce et des travaux industrieux car les privilèges accordés à une minorité ne stimuleraient pas la productivité et empêcheraient les non-maîtres de participer à la vie économique du pays, et serait privé de toutes les lumières que les étrangers y apporteraient Enfin, l'innovation serait freinée, par les difficultés multipliées que rencontrent les inventeurs auxquels différentes communautés disputent le droit d'exécuter des découvertes qu'elles n'ont point faites Malhonnêtes de surcroît ! [...]
[...] Mais la crise de 1776 marqua dans l'histoire des corps et des communautés un point de non-retour. Turgot venait d'engager la France sur la voie de la Révolution : il avait supprimé un corps vieux de sept cents ans assimilé à l'État monarchique, dénoncé vigoureusement les privilèges, l'arbitraire des privilégiés personnalisés par les maîtres, l'exclusion des plus faibles, l'inévitable reproduction sociale Il avait aussi appelé de ses vœux l'émancipation des plus pauvres par le travail, plaidé pour le libéralisme tant économique que politique, fruit de la pensée des Lumières dont il était l'expression au pouvoir. [...]
[...] Les opposants à Turgot firent valoir que l'existence de communautés était nécessaire à la cohésion et à l'équilibre de l'état, et que les ressorts qui font mouvoir cette multitude de corps différents (Séguier) furent le bruit d'une pratique séculaire instaurée empiriquement. Turgot aurait, selon ses détracteurs, brisé cette matrice sociale essentielle à la pérennité du système monarchique. En c'est Séguier qui résuma le mieux cette vision alarmiste, lors de son discours au Parlement le 12 mars 1776 après que le Roi lui eut imposé un lit de justice : Tous vos sujets, Sire, sont divisés en autant de corps différents qu'il y a d'États différents dans le royaume. [...]
[...] S'il est vrai que les corporations avaient une place essentielle, on vit se développer des communautés plus libres comme l'explicite l'annexe issue des archives municipales de Nantes qui relatent l'opposition des menuisiers nantais aux artisans libres du Sanitat au milieu du XVIIIe siècle. De même, une ville comme Lyon refusait l'organisation corporative, et le monde du travail y était réglé par des statuts d'une très grande hétérogénéité (hormis quatre communautés jurées). Certains quartiers de Paris échappaient aussi à la règle comme le faubourg Saint-Antoine, les enclos du Temple et de St-Jean-de-Latran, les enclos St-Germain-des-prés et St-Denis de la Chartre. [...]
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