Dès la plus haute Antiquité, la guède est connue dans le monde occidental, en effet, les Celtes, habitant le continent depuis le IXe siècle avant notre ère, employaient la substance tinctoriale produite par la plante, dans l'art martial. Les guerriers se peignaient le corps à l'aide de la matière bleutée afin de paraître, aux yeux de l'ennemi, d'essence surhumaine, laissant échapper toute la sauvagerie de cet esprit belliqueux. Il paraît donc certain que la plante ait été cultivée depuis ces temps reculés, cette plante est de deux types, on trouve la guède et par la suite le pastel qui arrivera plus tard, toutes deux cousines, elles sont connues en botanique pour être des herbacés de la famille des crucifères, du nom latin de isatis tinctoria, dont on extrait la couleur bleue. Extraire cette substance nécessite une connaissance assidue et un savoir faire certain acquis par les gaulois, menés par les maîtres de connaissance que sont les druides. Ce savoir-faire semble s'être transmis à travers le temps si bien que l'économie de la guède fait le lien entre l'Antiquité et le Moyen-âge, la plante restera cultivée dans le Nord de la Gaule puis de la France, en Picardie, en Normandie et dans les Flandres. Le pastel quant à lui, va se développer principalement dans le Sud, dans la région d'Albi et de Toulouse et faire la richesse de tout ce pays, lequel prendra le nom de « pays de cocagne », nom qui ne tardera pas, tant la richesse est grande, à rentrer dans le langage courant pour désigner un « el dorado » régional. Dans l'Antiquité tardive l'économie de la guède se développe dans le Nord, la plante porte alors le nom de waisdre en vieux français, de weede en néerlandais et de waide en flamand. La région développe cette agriculture spécialisée portée par les paysans tant et si bien qu'une véritable économie va se mettre en marche, les puissants n'interviennent que dans une dernière étape d'essor, pour orchestrer cette économie et en tirer des profits prodigieux. Ces derniers sont les seuls à avoir légué à l'histoire leur formidable ascension par la tenue de registres et de livres de comptes, en ce qui concerne les commerçants, des recettes et procédures pour les teinturiers et drapiers, enfin, lorsque cette économie prendra toute son ampleur, les autorités seigneuriales et royales, en légiférant et en taxant la production et le commerce de la plante, nous cèderont les dernières sources dont nous disposons. Imprécises pour la plupart, leur étude est un travail de longue haleine, exploré entre autre par R. Fossier, M. Pastoureau ou D. Cardon sur lesquels s'appuis cette brève étude, qui permet une immersion totale dans l'économie médiévale, reflet de son organisation, de ses mécanismes et surtout de ses conséquences sur l'ordre social ; car, petit à petit, l'économie en gravissant les échelons de cette société qui la prend en main va se doter d'un pouvoir structurant, remodelant l'organisation de la société. C'est sur ce point que va se concentrer notre regard, nous nous interrogerons donc sur les incidences de l'économie du bleu, tiré du pastel ou de la guède, sur les sociétés régionales. Pour ce faire, nous articulerons notre propos selon les étapes de production, de commercialisation et de transformation de la plante, nous permettant ainsi d'évoquer successivement la place et le rôle dans cette économie des paysans, des commerçants et des artisans. En parallèle, afin de répondre à notre questionnement, nous développerons la portée de cette économie, à chacune de ses étapes au sein de la société médiévale.
[...] La capitale de la garance pour toute l'Allemagne, Magdebourg, représente sur les peintures murales, l'Enfer en bleu afin de tourner en dérision cette tendance. L'incroyable promotion du bleu, par les nombreux artisans et marchands de guède, est à l'origine d'une mutation culturelle extraordinaire, le bleu trouve petit à petit sa place dans la société et le roi de France lui-même se voit tout vêtu de bleu. L'artisanat a donc favorisé l'essor de la couleur bleue pastel et est à l'origine d'un bouleversement idéologique dans le culte marial. [...]
[...] La richesse est telle que les magistrats municipaux sont contraints de veiller à l'application des arrêtés royaux en ayant recours à des commissaires-contrôleurs dont la charge est d'opérer des visites de vérification. On comprend alors aisément le poids de l'agriculture lauragaise, et plus particulièrement la production du pastel, plus que les paysans et les seigneurs, ce sont les communes qui s'enrichissent, les aumônes offrent à la région les plus beaux édifices religieux de l'époque. A défaut de source, portons notre regard en Picardie où la cathédrale d'Amiens porte encore les traces de cet enrichissement, ainsi, peut on voir une sculpture de deux waidiers -du flamand waide pour guède, il s'agit donc ici de deux paysans- entourant un sac de coques, portant la mention suivante : les bones gens des viles dentour Amiens qui vendent vuaides ont faite chete capele de leur omones Cette dédicace nous délivre un précieux renseignement, paysans et marchands semblent avoir acquis une richesse telle que la ville s'en trouve remodelée, les aumônes offrent une cathédrale à la ville d'Amiens, la simple évocation du coût de financement que demande une telle entreprise suffit à rendre compte de l'enrichissement de la région et de ses habitants, de même nous reviendrons par la suite sur la construction de nombreux palais et édifices publics entreprise par les princes du pastel, grandes familles de marchands qui ont su profiter de cette économie florissante. [...]
[...] Mais, ces recettes s'accordent sur plusieurs étapes de la teinture pastel : Première étape, il faut choisir le matériel pour le contenant dans lequel la pièce de tissu ou de drap sera teinte. En effet, on teint toujours des éléments déjà tissés exceptés pour la soie, et le matériel utilisé sera un élément déterminant de la qualité du bleu. La deuxième étape est celle de la décoction, c'est-à-dire l'infusion de la coque de guède dans le récipient. Pour ce faire, toutes les recettes s'accordent sur les ingrédients suivants : de l'eau, du vinaigre, et beaucoup de tartre. [...]
[...] Les cocagnes sont transportées dans des sacs formant des balles, il faut donc un produit à l'abris de l'humidité des navires, des longues durées des trajets terrestres et de leurs obstacles. Notons l'importance que va prendre la corporation des emballeurs et des peseurs, dont les serments professionnels sont prêtés devant les capitouls à la Saint Michel, patron de la corporation. La pesée se fait sur les places publiques des villes de production ou à Toulouse, ville de départ de la marchandise pour ses longs trajets, où les édiles délivrent -sans frais- un certificat de conformité. [...]
[...] Plus tardif, on trouve un arrêt du Conseil de Louis XIV daté du 17 octobre 1699 pour la culture et l'apprêt du pastel de 33 articles, valant législation en la matière. Voir en Annexe : Calendrier de l'économie du pastel Voir en Annexe : Calendrier de l'Economie du Pastel Voir en Annexe : Carte de la Picardie Voir en Annexe : Poème de Goudouli Voir en Annexe : Carte du Triangle du Bleu Voir en Annexe : La carte du Pays de Cocagne Voir en Annexe : Le calendrier de l'économie du pastel Voir en Annexe : Le commerce et les destinations européennes du pastel Voir en Annexe : Arbre Généalogique des familles d'Assézat, Lancefoc et Cheverry. [...]
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