1492, l'Europe chrétienne est en crise, elle se sent menacée. Les causes de la scission de l'Eglise, reflètent ce mal. Le dernier bastion musulman vient de tomber à Grenade et l'utopie de l'unité chrétienne fait son retour. C'est en pleine mutation culturelle que cette Europe va découvrir le nouveau monde. Une dualité sans précédent frappe le vieux continent, celle de l'hésitation entre la foi et la raison. En effet l'unité apporte chez les uns, un désir de retour à des valeurs anciennes, et chez les autres, un besoin de « nouveau », « d'évolution », de « progrès », tiraillée entre peur et désir, l'Espagne hésite entre carnaval et carême. Face à la découverte de « l'autre » elle va se sentir bousculée. Pourtant la contrainte de la coexistence culturelle avec les musulmans aurait pu préparer cette Espagne à l'acceptation de l'altérité ou au moins à l'adaptation face à celle-ci. Mais la différence va être cette fois bien trop « radicale. » Cette fois les vaincus ne seront ni juifs, ni musulmans, ni même monothéistes.
Le personnage de Christophe Colomb a suscité d'innombrables commentaires et réflexions, dus tout autant par l'importance de ses actes que pour le personnage lui-même qui nous apparaît comme une combinaison de traits contradictoires. Christophe Colomb Né à Gênes en 1450 et mort à Valladolid en 1506 « est un homme à la fois Moderne et Ancien » imbu de préjugés relatifs à son temps et pourvu d'un esprit pragmatique, dogmatique et empiriste propre à l'occident élitiste du 15ème siècle. Colomb, ayant reçu les faveurs du royaume d'Espagne, amorce une expédition nourrissant les espoirs de terres neuves et de richesses convoitées par la puissance espagnole. Les découvertes de Colomb dépassèrent largement les prévisions du royaume d'Espagne et l'immensité du territoire découvert aux allures paradisiaques suscita nombre de polémiques et de difficultés. Ces terres, qui plus tard porteront le nom d'Amériques n'étaient pas vierge de vie humaine à la surprise de Colomb qui pensaient accoster sur les rivages des Indes découvertes par Marco Polo.
La rencontre entre indiens et européens est un sujet qui depuis le 15ème siècle a fait couler beaucoup d'encre. Le terme même de « rencontre » ainsi que sa nature, sont encore aujourd'hui discuté et remis en cause. Le but de notre étude n'est pas de s'interroger sur les concepts de « rencontre », de « choc », de « découverte » ou de « création » tout comme le font certains historiens à qui nous préférons léguer cette lourde tâche. Nous tenterons ici d'analyser les raisons de l'incompréhension réciproque entre indiens et espagnols, et les raisons qui conduisirent à l'extermination indienne ou du moins à sa soumission face aux conquistadors. Nombre d'historiens expliquent cette incompréhension par l'antinomie entre la vison judéo-chrétienne du monde propre à l'occident et la dimension animiste et sacré régissant les coutumes et la vision du monde chez les indiens. Cette protestation donna lieu à une explication se situant exclusivement dans le registre de la religion ou plus largement sur l'opposition entre deux imaginaires : un imaginaire proprement sacré, celui des indiens et un imaginaire occidental, charnel et profane celui des espagnols. Notre étude s'appuiera sur un texte de Roger Petit-jean : « Discours sacré contre discours profane : l'incompréhension réciproque » ainsi que sur de nombreuses sources de l'époque : récit de voyage, premières études d'ethnographiques, analyses et visons de l'époque ainsi que des travaux plus contemporains, car l'incompréhension réciproque ne peut être comprise si elle n'est pas englobée dans un processus bien plus large que celui de la Conquista.
Afin de saisir dans toute sa globalité le problème qui s'offre à nous, notre étude ne se limitera pas à l'année 1492, et à la rencontre entre espagnols et tainos, nous tenterons d'élargir le champ temporel et géographique de notre étude. En effet, restreindre notre étude à l'année 1492 et aux seules prémices de la Conquista nous semble dénué de toute pertinence, face à la complexité de « l'incompréhension », à sa mise en place, à son évolution et à sa finalité qui verra « la victoire » de l'imaginaire Chrétien, non par syncrétisme mais par domination.
Nous présenterons donc dans une première partie ce qu'est l'imaginaire occidental régit par la tradition judéo-chrétienne agissant comme une sphère dans la quelle il est possible d'entrer mais non de sortir, tant celle-ci s'impose comme un modèle unique ayant caractère d ‘évidence. Nous nous attacherons donc à montrer comment les espagnols, enivrés par leurs croyances ont proprement rejeté l'altérité de façon à soumettre les populations indiennes au christianisme tout en diabolisant les cultes et idolâtries autochtones.
Dans une seconde partie nous tenterons de comprendre qu'elle était réellement la vision Tainos du monde et montrerons comment cette vision fut tronquée par la grille occidentale d'analyse et de compréhension, par l'ethnocentrisme exacerbé des espagnols. Il nous sera donc indispensable d'étudier la vision Tainos à travers celle des espagnols, et ce quel que soit leur discours, qu'il soit avant-gardiste (comme ce fut le cas de Las Casas) ou qu'il soit profondément conservateur. A défaut de ne pouvoir saisir la vision Tainos au-delà de son entité, la synthèse de ces deux visions pourra au moins nous permettre de « comprendre l'incompréhension. »
Enfin, dans une dernière partie, nous tenterons de savoir si la clé de l'incompréhension réciproque réside essentiellement dans l'opposition entre ces deux imaginaires ou si cette dernière est liée à des raisons bien plus profondes plus tangibles et plus patentes, une incompréhension qui peut parfois même nous sembler volontaire et opiniâtre de la part des espagnols.
[...] Le but de notre étude n'est pas de s'interroger sur les concepts de rencontre de choc de découverte ou de création tout comme le font certains historiens à qui nous préférons léguer cette lourde tâche. Nous tenterons ici d'analyser les raisons de l'incompréhension réciproque entre Indiens et Espagnols, et les raisons qui conduisirent à l'extermination indienne ou du moins à sa soumission face aux conquistadors. Nombre d'historiens expliquent cette incompréhension par l'antinomie entre le vison judéo- chrétien du monde propre à l'occident et la dimension animiste et sacrée régissant les coutumes et la vision du monde chez les Indiens. [...]
[...] A partir de ce constat, l'incompréhension espagnole se situe dans le registre du profane. Les Espagnols s'étant attachés à comprendre la vision des Indiens l'ont tous fait par intérêt. Que ce soit Ramon Pané, dont l'auteur traite et sur lequel nous reviendrons dans la troisième partie au moment de savoir la clé de l'incompréhension se situe exclusivement ou non dans le religieux ou bien encore Las Casas, ces personnages l'ont fait au nom de la religion. De manière idéaliste ou non, leur but restait celui d'expiation, celui de la faute intérieure, celui de la culpabilité. [...]
[...] Lesquels s'enferment pendant six ou sept jours sans nourriture aucune, buvant seulement un jus d'herbe avec lequel aussi ils se nettoient. A cause de leur jeune, qui affaiblit leur corps et leur esprit, ils ont des hallucinations, et peut- être obtiennent-ils la vision de ce qu'ils désirent, puisque tous acceptent de faire abstinence également en l'honneur de leur cimini familiaux, dont ils apprennent s'ils viendront à bout de leurs ennemis, s'ils acquerront richesse, etc . On raconte que ce Cacique (Cazzivaquel) affirmait avoir parlé avec le dieu Giocavaghama et en avoir reçu le message suivant : Quiconque survivrait à sa propre mort ne jouirait pas longtemps de son règne, parce qu'arriveraient bientôt dans le pays des envahisseurs aux corps revêtus d'habits, qui les domineraient, les tueraient, les réduiraient à la famine ( ) et ils l'identifièrent à la troupe de l'Amiral et de ses compagnons. [...]
[...] La roue aux Livres [dir] HARTOG François, CASEVITZ Michel, SCHEID John, Paris - PANÉ Ramon, Relation de l'histoire ancienne des Indiens, Editions La différence,Coll. Minos [dir] LAMBRICHS Colette, Paris - DUVIOLS Jean-Paul, dictionnaire culturel d'Amérique Latine, Editions Ellipses, Paris - DUVIOLS Jean-Paul, L'Amérique espagnole vue et rêvée, Editions Electre, Paris - LAVALLE Bernard, L'Amérique espagnole de Colomb à Bolivar, Editions Belin, coll. Sup Histoire, Paris - TODOROV Tzvetan, La conquête de l'Amérique la question de l'autre, Editions du Seuil, Paris Todorov Tzvetan, le Nouveau Monde, préface pp.10 DUVIOLS Jean-Paul, L'Amérique espagnole vue et rêvée, Editions Electre, Paris Dans les clauses du contrat les capitulationes de Santa Fe autorisant par le roi et la reine le départ de Colomb il est mentionné à plusieurs reprises la marque divine de l'expédition avec l'aide de dieu LAVALLE Bernard, L'Amérique espagnole de Colomb à Bolivar, Editions Belin, Paris Christophe Colomb dans une lettre adressée aux Rois Catholiques lors du premier voyage. [...]
[...] L'harmonie des Indiens dont le monde n'est pas perverti à leurs yeux, n'est autre que l'Eden biblique. Dans cette vision, l'inconscient des Espagnols ne put admettre l'infériorité, si je ne peux être heureux, libre, personne ne le saura. Si le vice est en moi, à défaut de pouvoir m'en débarrasser, je le transmettrais afin de ne plus être l'inférieur, mais l'égal. Dans ce sens, le nouveau fut probablement un miroir de la conscience espagnole. III.Discours profane contre discours sacré : la clé de l'incompréhension réciproque ? [...]
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