Au chevalier de Lévis . A Québec, le 14 septembre 1757.
Nous allons nous trouver, Monsieur, dans les circonstances les plus critiques par le défaut de vivres.
Nous manquons de pain cette année ; les moyens que l'on va prendre pour y suppléer nous feront manquer de viande la prochaine. Quelques difficultés que les troupes qui sont dans les côtes éprouvent pour vivre chez l'habitant, leurs soldats seront encore moins à plaindre que ceux qui seront en garnison dans les villes. Les temps vont être plus durs, à certains égards, qu'à Prague . Je suis, en même temps, persuadé que ce va être le beau moment de gloire pour les troupes de terre, et que nous n'entendrons aucunes plaintes ni jérémiades sur la rareté des vivres puisqu'il n'y a aucun remède. Aussi nous allons donner l'exemple de la frugalité nécessaire par le retranchement des tables et de la dépense, et qu'au lieu de se piquer de bonne chair, de dépense et de régaler, comme fait l'officier français accoutumé à penser avec autant de noblesse que de générosité, celui qui vivra, si j'ose le dire, le plus mesquinement, et qui par là consommera le moins, donnera les marques les plus sûres de son amour pour la patrie, pour le service du Roi, et sera digne des plus grands éloges.
Le régiment de la Reine, que j'avais cru bien traiter en lui donnant la ville de Québec, éprouvera, ainsi que celui de Béarn, que le séjour des villes n'est pas à désirer. Accoutumé à se prêter à tout, et en ayant déjà donné des preuves à Prague, je n'attends pas moins d'eux dans les circonstances dont je vais vous informer.
[...] Les six bataillons (l43) de Montcalm sont composés de soldats recrutés dans toute la France et embarquent pour l'Amérique à partir de Brest en avril 1755. La traversée de l'Atlantique, qui dure une cinquantaine de jours, est la première épreuve que doit subir le soldat. Afin de garnir ses rangs, l'armée française envoie ses sergents recruteurs dans tout le pays à la recherche de nouveaux soldats. Le sergent recruteur cherche dans les tavernes ses futurs candidats. Les sens affaiblis par l'alcool, ils sont plus faciles à convaincre. [...]
[...] «Les plaintes et les jérémiades sur la rareté des vivres sont surtout à attendre de ce côté de l'armée pour Montcalm. Pourtant, la milice donne aux Français de nombreuses victoires (Oswego 1756, William Henry 1757). La plupart des tactiques militaires qu'ils utilisent sont empruntées aux Amérindiens. Les Français ont su profiter de leur grande qualité de négociateur pour tisser de nombreuses alliances avec les tribus autochtones de la vallée de l'Ohio (les Hurons), alors que les Anglais ont rallié les Iroquois et les Mohicans à leur cause. [...]
[...] Les mauvaises récoltes, les tensions au sein même du commandement de l'armée, la lourdeur de la hiérarchie militaire, la corruption et l'inflation qui sévissent dans les villes amènent à une situation explosive, dont la population civile fait les frais. La France se ruine pour une guerre qu'elle mène en terrain inconnu jusqu'alors pour de nombreux soldats et la métropole n'a plus les moyens d'assurer le ravitaillement de son armée. C'est la première fois qu'une guerre se déroule dans les colonies, preuve du poids toujours croissant de celles-ci dans la politique des métropoles. Mais le bon déroulement des opérations dépend du ravitaillement en hommes, en armes et en vivres qui ne peut venir que de la métropole. [...]
[...] Gouverneur du Canada. Chargé de fournir à l'armée ses munitions de bouche. [...]
[...] Dans les villes, à commencer du 1er novembre, suivant ce qui vient d'être arrêté après un examen du peu de ressources que nous avons dans le pays, la ration du soldat sera de : Et il est à craindre que nous ne puissions soutenir ce taux, et qu'on soit obligé, avec le temps, de donner un peu de cheval. On ne donnera point de lard actuellement, parce que cette ressource ne peut manquer, que les bœufs sont actuellement, dans le moment de l'année, où ils sont les meilleurs et rendent le plus. M. le marquis de Vaudreuil[4] et Monsieur l'intendant, avec qui nous sommes convenus de ce que j'ai l'honneur de vous écrire, envoient les ordres à cet effet; le munitionnaire général[5] en écrit à M. Penisseault, je vous prie de vouloir bien y faire conformer les troupes. [...]
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