La béguine est la manifestation de la vivacité d'une église médiévale mystique, qui peu à peu redéfinit le rôle des laïcs, et surtout des femmes, au sein de l'Eglise. Il s'agit donc d'apporter des réponses aux questions suivantes : qui sont les béguines ? dans quelle mesure constituent-elles un élément de trouble au sein de la société chrétienne ?
[...] Les béguines ont permis aux femmes de s'émanciper de nombreuses tutelles traditionnelles. Il vaut la peine de se demander si ce n'est pas le rôle accru des femmes dans la vie religieuse de la fin du Moyen Age qui a porté les coups les plus durs au partage traditionnel de la société chrétienne entre les clercs et les laïcs, au profit de ces derniers. Bibliographie OUVRAGES GENERAUX Encyclopaedia Universalis, Dictionnaire du Moyen Age, histoire et société, Paris, Albin Michel Article béguines et bégards André Vauchez (sous la direction Dictionnaire Encyclopédique du Moyen Age, Paris, Editions du Cerf Articles béguines, béguinages Erfurt mystique Libre Esprit DROM. [...]
[...] Les béguines exercent en outre des fonctions sociales qui s'inscrivent dans la logique urbaine. De telles communautés n'ont pu se développer que parallèlement à l'essor urbain. Quelle signification donner au phénomène béguinal ? Ces femmes semi- religieuses suscitaient de nombreux sentiments chez leurs contemporains : respect, curiosité, moquerie et inquiétude. Il était en effet tout à fait nouveau de voir des femmes se regrouper librement et spontanément pour honorer Dieu à leur manière. La réaction ecclésiastique a mélangé deux attitudes, visant toutes deux à établir une forme de contrôle sur un phénomène qui leur échappait ; soit en intégrant les béguines, soit en les rejetant. [...]
[...] Ces femmes visionnaires et extatiques rêvent d'une union profonde avec Dieu. On peut citer deux grandes figures mystiques des XII et XIIIème siècles : Marie d'Oignies (1177-1213) et Hadewijch d'Anvers (vers 1240). L'appropriation de vecteurs de communication oraux et écrits Certaines béguines, et en particulier les mystiques, connaissaient la lecture et l'écriture; elles firent des traductions en langue vulgaire, des traités, elles prirent la parole en public. On assiste au XIIème et surtout au XIIIème siècle à une prise de parole généralisée de la part des femmes qui se sentaient profondément concernées par les malheurs de leur temps et n'hésitaient pas à déclarer d'origine divine les révélations dont elles étaient porteuses. [...]
[...] La journée est entrecoupée de prières et de lectures méditées, accomplies dans la solitude. Chaque matin, elles assistent à un office fait par un prêtre du voisinage. Certains historiens ont parlé du travail des béguines comme d'une véritable activité économique; elles pouvaient en effet vendre et acheter librement dans les villes. Leur rôle dans la production textile est indéniable. Dans certaines béguinages, ces femmes prennent soin des morts, en s'occupant des tombeaux et du souvenir des décédés. Elles servent d'intermédiaires dans l'accomplissement posthume de la charité du défunt, ce qui leur donne une importance considérable. [...]
[...] Les accusations de dérèglement moral et d'anomisme sont pourtant à modérer. Comme nous l'avons vu, toutes les béguines n'étaient pas mystiques; il est difficile de savoir si certains béguinages allemands étaient réellement apparentés à la secte du Libre Esprit. C. Une suspicion permanente de la part du clergé Des femmes qui inquiètent : hypocrites, hérétiques ? Cet essor du mysticisme a été rapidement perçu par le clergé comme une menace; il y avait une double crainte : une crainte des clercs d'être dépossédés de leur rôle d'intermédiaire obligé entre les hommes et le divin une crainte de voir les fidèles se détourner de la pratique des vertus chrétiennes et partir à la recherche d'états extraordinaires Comme l'écrit Jean-Claude Schmitt l'hérésie procédait moins d'une doctrine que d'une pratique, et l'individu était jugé hérétique par référence moins à l'orthodoxie qu'aux règles, aux conventions, à la discipline de la hiérarchie ecclésiastique Il était donc impossible pour le clergé de continuer à accepter ces mouvements religieux de femmes incontrôlables, et la riposte a été celle de l'intimidation et de la condamnation, puisque l'Eglise ne disposait d'aucun moyen pour interdire le mouvement béguinal. [...]
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