Le fait guerrier suscite chez les intellectuels une réflexion spécifique : Voltaire disait déjà que « le premier qui fut roi fut un soldat heureux » ; pour Marat, « l'armée porte les chaînes du despotisme ». Les Constituants pressentent tous le danger que porte la guerre pour le devenir de la Révolution et de l'idéal républicain : pour Desmoulins, « c'est ressembler aux rois que d'enchaîner la Savoie à la République » ; pour le girondin Lasource, « donner des lois, c'est conquérir ». « La plus extravagante idée qui puisse naître dans la tête d'un politique, est de croire qu'il suffise à une peuple d'entrer à main armée chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n'aime les missionnaires armés… », dixit Robespierre.
Le siècle des Lumières a beaucoup réfléchi sur la paix perpétuelle, et la période révolutionnaire va féconder une nouvelle réflexion, qui garde comme premier horizon le projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, de l'abbé de Saint-Pierre, en 1713 ; voir encore les textes et théories de Gabriel Monnot de Mably ou du baron d'Holbach.
Monarchie et républiques peuvent-elles coexister pacifiquement ou la guerre est-elle inévitable entre elles ? Le dernier plan de paix universelle du XVIIIème, publié par Kant en 1795 (Zum ewigen Frieden), proposant une confédération générale des Etats européens, se fondait sur l'idée très neuve que pour assurer la paix perpétuelle, les régimes des Etats doivent être républicains, car seulement dans une République il fallait le consentement de tous les citoyens pour entreprendre une guerre. Seuls une République ou un réseau de républiques européennes peuvent assurer une paix durable ; mais pour l'assurer, il ne pouvait y avoir d'autres moyens que la guerre. Ainsi, de 1792 à 1795, le débat sur les rapports entre la France et l'Europe fut dominé par l'idée qu'entre la République française, une république démocratique, fondée sur la volonté populaire, et les monarchies absolues, il ne pouvait y avoir qu'une guerre à outrance : si les monarchies ne pouvaient que tendre à anéantir la République française, celle-ci, de son côté, devait renverser les trônes, conduisant une guerre non pas de conquête mais de libération des peuples. Un autre allemand, Joseph Görres, dans Der allgemeine Friede, ein Ideal (1796), attribue à la France la mission de républicaniser l'Europe pour former la république des peuples qui assurerait la paix.
Mais le principe de la guerre de libération fut rapidement démenti par les diverses politiques d'occupation réalisées dans les territoires « républicanisés ». La politique de défense des frontières naturelles, le souci des conséquences et du prix d'une guerre à outrance, amenèrent le Directoire à reprendre les arguments sur la possibilité d'assurer la paix entre républiques et monarchies, réalisant un équilibre nouveau. Ce à quoi Filippo Buonarroti, dans La paix perpétuelle avec les rois, opposa que les « tyrans » n'accepteraient jamais une paix durable, et que toute paix perpétuelle, en Italie par exemple, ne pouvait être assurée que par leur définitive expulsion de la Péninsule. Ce n'était pas une politique faite pour plaire au Directoire, qui ne souhaitait pas s'embarrasser de principes dans la guerre comme dans la paix, et pour qui « une république démocratique est un voisin beaucoup plus inquiétant qu'un roi que nous avons mis hors d'état de nuire » (dixit Delacroix en 1796, dans un rapport en réponse à la question : « faut-il républicaniser l'Italie ? »).
Guerres, armées et révolutions seraient-elles alors ontologiquement liées dans ce siècle des révolutions qu'est le XVIIIème siècle ?
[...] Les fabriques d'armes et de munitions sont nationalisées. Des ouvriers peuvent être requis pour les besoins de l'armée, tandis que des livraisons de matériel et de denrées sont imposées aux civils. L'approvisionnement de l'armée prime sur tout : saisie des réserves de grains dans les greniers qui peuvent être visités, contrôle de l'Etat établi sur le commerce extérieur. Sur le théâtre des opérations, qui est bientôt hors des frontières, les réquisitions, érigées en système, ne parviennent pourtant pas à nourrir vraiment les troupes. [...]
[...] Différente par l'organisation : les volontaires portaient l'uniforme national aux trois couleurs quand ceux des soldats de ligne dépendaient des régiments. Rapidement, l'armée de métier cessa de recruter ; ceux qui souhaitaient devenir soldat s'engagèrent dans les volontaires. Quand la guerre commença en 1792, la Législative décida une nouvelle levée de volontaires. Au début de la guerre, les généraux se méfiaient des bataillons de volontaires ; certains de ceux-ci se débandèrent d'ailleurs à la frontière belge, mais firent rapidement bien meilleure contenance. [...]
[...] Tous ces échecs ne sont pas sans conséquences internationales. Des patriotes vaincus, bataves, belges ou polonais, se réfugient en France ; ils fournissent des légions pour la victoire des armées révolutionnaires (formation d'une Légion batave en avril 1792), des généraux (Daendels) et aussi un noyau pour l'expansion révolutionnaire. Les armées de la Grande Nation servent de creuset national pour des Polonais venus de tous les horizons sociaux. Les succès de l'expansion portent les germes des futures armées de guerre de libération nationale. [...]
[...] Les autorités royales n'en furent donc que plus désemparées face à la contestation politique en avril mai 1789. A cette date, la seule unité militaire encore présente dans la capitale, les Gardes Françaises, était passée du côté de la contestation politique. Forces armées et pré-révolution : C'est encore sur l'armée royale que compte le pouvoir royal au début de mai 1788 pour imposer sa volonté auprès des Parlements. On voit alors des soldats, baïonnettes au fusil, envahir les Parlements, s'installer en arme dans les prétoires, au mépris de toute la tradition judiciaire. [...]
[...] Le modèle fut repris ailleurs dans les villes qui n'en avaient pas encore. A partir du décret du 10 août 1789, les municipalités (donc les Gardes Nationales) furent chargées du maintien de l'ordre ôté à l'armée, sauf circonstances exceptionnelles. Seuls les citoyens actifs peuvent y participer, par décision de la Constituante. Toutes ces initiatives n'avaient rien de coordonné. C'est ce qui explique le développement de fédérations de gardes nationaux çà et là, et la tenue à Paris, le 14 juillet 1790, d'une fête de la Fédération. [...]
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