Abolition esclavage France 4 février 1794 16 pluviôse an II processus acteurs enjeux Sonthonax Dufay Saint-Domingue Toussaint Louverture
En 1789, l'Assemblée nationale adopte la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen mais ce texte ne s'applique pas aux colonies. Les hommes naissent libres et égaux en droit mais seulement en métropole. Les Noirs demeurent esclaves dans les colonies qui constituent des espaces commerciaux très rémunérateurs grâce à la culture et l'exportation du sucre, du café, de l'indigo. L'espace colonial français comprend notamment Saint-Domingue, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et les Mascareignes (la Réunion et l'Ile de France). Pourtant, en France, le problème des colonies et de l'esclavage est posé par les hommes des Lumières tels que Montesquieu, Rousseau, Diderot, l'abbé Raynal. A travers le problème colonial, le système des valeurs, notamment la liberté, proclamées par la Révolution est en question. Le 4 avril 1792, l'égalité des droits politiques est pleinement accordée aux libres de couleur par l'Assemblée législative mais elle continue d'ignorer toute suggestion d'abolition. C'est la Convention qui supprime les subventions à la traite entre juillet et septembre 1793 et qui abolit l'esclavage dans toutes les colonies françaises le 16 pluviôse an II (4 février 1794) après la présentation de Pierre-Louis Dufay sur la situation de Saint-Domingue. Mais cette première abolition de l'esclavage se réalise dans le cadre d'un conflit international. Après la mort de Louis XVI, le 21 janvier 1793, la France entre notamment en guerre contre l'Angleterre et l'Espagne. Ce contexte politique très difficile a fait passer au second plan les questions coloniales. La Convention ne connaît aucun grand débat sur ce sujet : ses décisions semblent prises au gré de propositions individuelles ; les conventionnels ne souhaitent apparemment pas ajouter des dissensions supplémentaires. Pour beaucoup d'entre eux, le débat colonial est lointain et ne présente pas de caractère urgent. Il s'agit alors de se demander comment et pourquoi l'abolition de l'esclavage a-t-elle été proclamée, quels sont les personnes de métropole et des colonies qui jouent un rôle essentiel et déterminant dans l'adoption du décret du 16 pluviôse an II. Il s'agit également de voir les événements qui précèdent le 4 février 1794, tant dans les colonies que dans la métropole pour montrer si l'adoption du décret s'est fait par conviction idéologique ou par pragmatisme politique.
D'où la question, l'abolition de l'esclavage est-elle le fruit d'un long processus de réflexion en continuité avec le courant antiesclavagiste des Lumières ou bien le résultat d'une adaptation à des circonstances particulières (notamment celles de la guerre) ?
[...] Selon l'historien Yves Benot, l'argument militaire a au contraire été invoqué habilement pour faire taire les opposants. L'adoption du décret du 16 pluviôse : une apparente unanimité Un enthousiasme . La nouvelle de l'abolition du 29 août par Sonthonax arrive à paris fin septembre 93. les commissaires civils délèguent des députés à la Convention. Il s'agit de Belley, un Noir, Mills, un mulâtre et Dufay, un Blanc. Ils sont chargés de justifier à Paris la décision des commissaires de Saint-Domingue. Ils demandent à leurs collègues parlementaires d'approuver la décision de Sonthonax et de Polverel. [...]
[...] Au contraire, d'autres, tels que Gouly, pensent que le fossé biologique, intellectuel, culturel entre les Noirs et les Blancs est immense et que les Noirs ne sont pas capables d'accéder aux notions de liberté et de citoyenneté. Le parti abolitionniste est avant tout le parti girondin ou brissotin. Il apparaît que les Montagnards ne souhaitent pas l'abolition de l'esclavage uniquement pour s'opposer à ce parti. Le poids des rivalités de politique intérieure Les Montagnards haïssent le parti girondin, ce qui leur enlève parfois leur lucidité et leur impartialité sur les problèmes coloniaux. [...]
[...] La Convention estime se montrer à la hauteur des principes de liberté et d'égalité que la Révolution a proclamés depuis 1789. Lançons la liberté dans les colonies, dit Danton. Aujourd'hui nous proclamons à la face de l'univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle Le vote du décret acquis à l'unanimité provoque un moment d'émotion intense et d'exaltation. Mais les Conventionnels sont peu nombreux en séance le 16, selon l'historien Marcel Dorigny, il y a environ 250 députés présents et ils ne sont pas unanimes au sujet des questions coloniales . [...]
[...] Le 11 décembre 1794, les derniers britanniques évacuent l'île. L'abolition de l'esclavage est également proclamée à Cayenne en mai 1794. Mais faut-il penser que la Convention en abolissant l'esclavage n'a fait que s'incliner devant les nécessités de la guerre ? A-t-elle ratifié le décret de Sonthonax à Saint-Domingue parce qu'elle considère que c'est le seul moyen pour repousser les Anglais et les Espagnols ? Il ne suffit pas que l'abolition de l'esclavage paraisse utile à la poursuite victorieuse de la guerre pour qu'elle soit décidé. [...]
[...] Le décret du 16 pluviôse a été pour beaucoup une surprise, la résultante d'un moment d'enthousiasme mais aussi un moyen tactique pour gagner la guerre contre l'Angleterre et l'Espagne. Cette abolition de 1794 est le premier acte émancipateur décidé par une puissance coloniale, mais elle reste pourtant un acte isolé qui ne peut s'inscrire dans la durée. Bonaparte rétablit l'esclavage par la loi du 20 floréal an X (10 mai 1802). Saint-Domingue est la seule à mettre en forme un véritable processus de libération, elle devient Haïti en 1804. [...]
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