Le système diplomatico-militaire au XVIe siècle (cours de Michel Foucault)

Résumé du document

Analyse de niveau Bac +4 faite par Foucault lors d'un de ses cours au Collège de France du système diplomatico-militaire au XVIème siècle. Elle cherche à montrer comment l'Etat se pratique à l'échelle internationale lorsque l'on passe d'une temporalité marquée par l'attente de l'Empire, à une temporalité indéfinie dans laquelle les Etats sont en concurrence pour le maintien de leur souveraineté. Conséquemment à cette nouvelle vision du monde, une nouvelle géopolitique se dessine dans laquelle les relations interétatiques sont l'objet de stratégies nouvelles comme la diplomatie ou de soucis inédits comme l'entretien d'une armée permanente.

Extraits

[...] Le dispositif diplomatico-militaire Le premier ensemble technologique caractéristique de ce nouvel art de gouverner que Foucault repère est le système diplomatico-militaire. Le problème de la nouvelle rationalité gouvernementale est non seulement la conservation de l'Etat mais aussi la conservation d'un rapport de forces : c'est la conservation, le maintien ou le développement d'une dynamique des forces Pour mettre en œuvre une raison politique se définissant essentiellement à partir de la dynamique des forces, les sociétés occidentales vont devoir mettre en place deux grands ensembles : un dispositif diplomatico-militaire et un dispositif de police (au sens ancien que le mot avait à l'époque). [...]

[...] On peut prendre la chose sous deux aspects : un aspect théorique et un aspect qui se réfère à la réalité historique de l'Etat. Le point de vue théorique : le traité de Westphalie et la fin de l'Empire romain L'idée d'un rapport de concurrence entre les Etats est la conséquence des principes théoriques posés par la raison d'Etat. L'Etat est à lui-même sa propre fin, il ne s'ordonne qu'à lui-même. Aucune loi, qu'elle soit naturelle ou divine ne peut s'imposer de l'extérieur à l'Etat. Il ne débouche que sur lui-même. [...]

[...] Le système diplomatico-militaire Introduction L'analyse par Foucault du système diplomatico-militaire s'insère dans la réflexion plus générale sur la raison d'Etat. Selon Foucault, le XVIe siècle est un moment charnière où apparaît un art spécifique de gouverner qui a pour fondement la raison d'État. Alors qu'au Moyen Âge, le fondement du pouvoir était dans la raison du Prince, le XVIe siècle voit se développer des techniques de gouvernement possédant leur propre rationalité : la raison d'Etat. On assiste ainsi à l'émergence d'une nouvelle manière de penser, de raisonner et de calculer, qu'on appelle à l'époque : la politique. [...]

[...] On a presque une véritable société des nations. Cette idée que les Etats européens forment entre eux dans l'espace européen une société, que chaque Etat est comme un individu qui doit avoir avec les autres Etats des relations que le droit doit coder, suscite le développement du droit des gens (jus gentium). Ce droit devient un point fondamental de la pensée juridique : il s'agit de définir les relations juridiques entre ces individus nouveaux, coexistant dans un espace nouveau : les Etats dans l'Europe. [...]

[...] L'Espagne est en effet l'héritière par voie dynastique de l'Empire et est donc une prétendante à la monarchie universelle. Elle détient de plus un vaste empire colonial. Enfin l'Espagne grâce à l'étendue de son empire s'est enrichie considérablement pendant quelques années, puis s'est ensuite appauvrie spectaculairement au XVIIe siècle. Ce phénomène stupéfiant fut l'objet de nombreux travaux d'historiens et d'économistes. Un ensemble de processus ont cristallisé des réflexions sur la raison d'Etat en Espagne : tout Etat qui en a les moyens va chercher pour lui-même à occuper par rapport aux autres une position dominante, on va prétendre à une domination de fait sur les autres pays et non plus directement à l'Empire ; l'exercice de cette domination est perpétuellement menacée par ce qui a pu la provoquer et l'entretenir : on peut s'épuiser de son excès de puissance, la situation de domination peut être victime de la révolution : ce qui a assuré la puissance de l'Etat se retourne contre lui. [...]